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Quel est le rôle du corps dans les passions ?

Publié le 03/02/2004

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Plus je scrute mes états intérieurs, explique-t-il, plus je me convaincs que les modifications organiques, dont on veut faire les simples conséquences et l'expression de nos affections et passions fortes, en sont au contraire le tissu profond et l'essence réelle. L'enjeu des travaux de William James dans la genèse des passions et plus précisément en ce qui concerne le rôle du corps est fondamental : il s'agit de repenser le statut même de la passion. Il ne s'agit plus de l'analyser sous l'angle d'une science de l'âme, mais de considérer l'émotion propre à la passion comme un objet scientifique. On peut alors remarquer que le fait de réduire la réalité et la signification des phénomènes affectifs à leur apparaître corporel est liée à une analyse de l'affectivité qui part de la notion d'émotion, comme phénomène objectif. Cependant, si la passion comprend l'émotion, et partant ce rôle véritablement primordial du corps - ne serait-ce qu'à travers le phénomène de perception -, il paraît pertinent d'interroger les composantes propres au sujet et à la connaissance qui entrent en jeu dans la constitution de la passion. Pourrait-on alors aller jusqu'à penser la passion sous l'angle de la neurobiologie ? C. Plus encore, le rôle du corps peut exclure celui de la consciencePour certains travaux de la neurobiologie contemporaine et particulièrement dans les travaux de Philip Bard, le rôle de l'hypothalamus dans les émotions et leur production dans un circuit sous-cortical exclut l'intervention du cortex, et le rôle de la conscience comme élément déterminant d'une réponse. Pour l'un des spécialistes de la neurobiologie actuelle, Joseph Le Doux, ce n'est plus l'esprit, et encore moins l'âme, qui fonde notre vie émotionnelle, mais le cerveau. Jeannerod rapporte certes dans son article « Émotion et cerveau « que pour Le Doux, la traditionnelle séparation entre raison et passion se retrouve dans la démarche scientifique moderne, dès lors qu'elle étudie le psychisme.

« alors remarquer que le fait de réduire la réalité et la signification des phénomènes affectifs à leur apparaître corporelest liée à une analyse de l'affectivité qui part de la notion d'émotion, comme phénomène objectif.

Cependant, si lapassion comprend l'émotion, et partant ce rôle véritablement primordial du corps — ne serait-ce qu'à travers lephénomène de perception —, il paraît pertinent d'interroger les composantes propres au sujet et à la connaissancequi entrent en jeu dans la constitution de la passion.

Pourrait-on alors aller jusqu'à penser la passion sous l'angle dela neurobiologie ? C.

Plus encore, le rôle du corps peut exclure celui de la consciencePour certains travaux de la neurobiologie contemporaine et particulièrement dans les travaux de Philip Bard, le rôlede l'hypothalamus dans les émotions et leur production dans un circuit sous-cortical exclut l'intervention du cortex,et le rôle de la conscience comme élément déterminant d'une réponse.

Pour l'un des spécialistes de la neurobiologieactuelle, Joseph Le Doux, ce n'est plus l'esprit, et encore moins l'âme, qui fonde notre vie émotionnelle, mais lecerveau.

Jeannerod rapporte certes dans son article « Émotion et cerveau » que pour Le Doux, la traditionnelleséparation entre raison et passion se retrouve dans la démarche scientifique moderne, dès lors qu'elle étudie lepsychisme.

La science dite « cognitive » prolongerait la tradition « en limitant son analyse aux mécanismesrationnels et en ignorant ceux de la passion' ».

Si la science cognitive est parvenue à une compréhension fine desprocessus non conscients et peut rendre compte de la perception, de la mémoire, du jugement, la cognition peutêtre simulée par un ordinateur, pas l'émotion : « [...] si le cerveau cognitif sait jouer aux échecs, il ne joue pas pourgagner, il ne se réjouit pas de ses bons coups ».

Cependant, Le Doux finit par poser que l'essentiel des émotionsréside dans des processus inconscients de même nature que les processus cognitifs.

Liées à des mécanismesinconscients, implicites, automatiques, les informations émotionnelles envahissent nos pensées conscientes, etdonnent naissance à nos sentiments.

Le Doux a précisément identifié le circuit de l'émotion qu'est la peur, en notantle rôle de l'amygdale et de ses connexions avec le thalamus, le rôle des systèmes déclencheurs de réponses d'ordrevégétatif et musculaire et enfin le rôle du cortex.

Cependant, nos pensées conscientes contrôlent avec difficulténos émotions.

Le Doux montre d'ailleurs tout son attachement à ce passage où Spinoza explique que les hommes secroient libres parce qu'ils sont conscients de leurs actions mais inconscients des causes qui les déterminent.

Le rôledu corps dans la passion serait dans cette perspective d'ordre inconscient, si tant est qu'une analyse de la passionpuisse s'appliquer à une analyse de l'émotion, si tant est qu'on puisse remettre en cause radicalement le concept desujet.

La passion nous déterminerait alors doublement, tant dans sa définition première qui renvoie au souffrir et ausubir, que dans son fondement neurobiologique premier.

Jusqu'à quel point ce rôle — aussi primordial soit-il — ducorps n'est-il pas à réentendre à l'aune des autres constituants de la passion ? Comment alors évaluer ce rôle danssa relativité ? II.

Le rôle du corps est problématique dans la constitution des passions A.

La passion est en effet cognitivement déterminée,ce qui remet en cause le rôle du corps dans la constitution même de la passionQuel est le rôle du corps dès lors que les passions se construisent par autre chose que le corps ? Jusqu'à quel pointla passion peut-elle se réduire à une sensation ? Brentano montre toute l'importance de l'âme, entendue commeensemble de phénomènes psychiques irréductibles.

Or, la passion comme acte psychique se trouve constituée de larelation à un objet visé et se distingue radicalement d'une perception de sensation.

Aborder la passion par le biaisde l'émotionnel suppose de prendre en compte qu'elle est cognitivement déterminée.

Pour Spinoza, « Il n'y a demodes de penser, tels que l'amour, le désir, ou tout autre pouvant être désigné par le nom d'affection de l'âme,qu'autant qu'est donnée dans le même individu une idée de la chose aimée, désirée' ».

Les affections sont poséescomme modes du penser.

Les passions doivent donc être distinguées d'impulsions ou d'instincts corporels comme lafaim.

Non seulement elles comprennent un rapport intentionnel avec son objet, mais leur objet est appréhendé demanière intentionnelle.

Pour Martha Nussbaum, l'amour « n'est pas aveugle, au sens propre : il perçoit son objetcomme splendide ou merveilleux.

[...] Cette façon de percevoir l'objet est essentielle à ce qui caractérise l'émotion.La haine ne diffère de l'amour en rien tant que le caractère opposé de ses perceptions.

En bref, les émotions,quelles qu'elles puissent être par ailleurs, sont au moins en partie des manières de percevoir ».

Pour Spinoza, onpeut aller jusqu'à dire que les passions renvoient à des manières de juger en ce qu'elles posent quelque chose àpropos de leur objet.

D'ailleurs, si la passion nous amène à nous perdre dans son objet, elle pourrait bien renvoyer àun jugement oublieux du sujet jugeant.

Cependant, jusqu'où remettre en cause le rôle du corps et superposer unétat cognitif et un état affectif ? Bergson a bien montré que l'état affectif ne peut être réductible à une idée : «[...] supprimez entièrement (ces mouvements qui font partie de la frayeur même), et à la frayeur plus ou moinsintense succédera une idée de frayeur, la représentation tout intellectuelle d'un danger qu'il importe d'éviter.

»L'idée n'est pas obligatoirement liée à un état passionnel, et si le rôle du corps peut être remis en cause dansl'analyse de la passion, il ne peut l'être absolument. B.

La passion renvoie à l'âme, même si elle naît à l'occasion du corpsDans ses Questions disputées sur la vérité, saint Thomas analyse les rapports entre corps et passion.

En partant duprincipe que ce qui est incorporel ne peut subir une passion, il montre que si une passion doit affecter l'âme dequelque manière que ce soit, ce ne peut être qu'en tant qu'elle est unie au corps, et ce par accident.

Pour serendre compte du juste rôle du corps dans les passions, il paraît donc nécessaire d'éclaircir dans ces conditions lesrapports entre le corps et l'âme.

Pour saint Thomas, l'âme est unie au corps de deux façons, premièrement commeforme, en tant qu'elle donne l'être au corps qu'elle vivifie, deuxièmement comme moteur, en tant que par le corpselle exerce ses opérations.

La passion en premier lieu viendrait alors de la matière, mais nul ne subit de passion siquelque chose n'agit pas sur lui ; la passion est l'effet d'une action et relève donc à certains égards de l'âme : «Premièrement en ce sens que la passion commence par le corps et aboutit à l'âme qui est unie à ce corps comme. »

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