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En quel sens peut-on dire que nos paroles nous trahissent ?

Publié le 01/02/2004

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Analyse du sujet : Un sujet très classique interrogeant sur l'adéquation du langage au propos volontaire et la personnalité profonde du locuteur.

Peut-on faire confiance en nos propres paroles ? Ne sommes-nous pas maîtres d'elles ? Nos paroles peuvent nous trahissent - elles ? La parole trahit quand elle révèle ce que nous ne voulions pas qu'il révèle. Quand je me trahis, je donne involontairement des signes de ma pensée profonde, opposés à l'image que je voulais donner volontairement de moi. C'est le sens premier de l'expression. Dès lors, il s'agit de voir si la parole ne dit pas plus que ce que nous croyons/voulons qu'elle dise. Mais l'expression invite aussi à étudier le cas inverse, d'une parole qui ne dit pas la vérité. La trahison peut donc aussi bien être la révélation que le voilement de la vérité. Quelle vérité ? Celle de l'inconscient, celle des déterminations sociales ? Le sujet sous-entend la question de la pensée : nos paroles trahissent notre pensée, nos idées, et trompent autrui qui va alors juger injustement nos idées. Mais en disant plus que ce que nous voulions qu'elles disent, les paroles nous trahissent-elles vraiment ? Ne montrent-elles pas au contraire avec plus de justesse ce que nous sommes ? La non-maîtrise de la parole est-elle un atout ou un inconvénient ? Voir une trahison dans toute parole, n'est-ce pas un signe de la paranoïa, plutôt que d'une réalité ?

Parler, c’est dire ce que l’on pense, c’est-à-dire rendre publiques nos pensées. De ce point de vue, les paroles que nous proférons transmettent un message dont nous fixons nous-mêmes le sens. Dès lors, comment penser que nos paroles puissent, en un sens, nous trahir ? D’abord, on peut s’interroger sur les conditions dans lesquelles nous parlons : sous le coup de la colère, je dis des choses que je ne pense pas (« mes paroles dépassent ma pensée «) ou bien que je ne voulais pas dire. La trahison ce joue alors dans le décalage entre ce que je pense et ce que je dis, c’est-à-dire par l’absence de maîtrise dans ce que je dis.

Dès lors, nous devons remarquer deux choses : d’une part, parler, c’est parler à quelqu’un. Autrement dit, ce que je dis en susceptible d’être interprété par autrui : le sens de mes paroles se fixent aussi dans leur réception. Il ne s’agit pas de dire qu’autrui comprend mal mes propos, mais que mes paroles disent toujours plus que ce que je pense y mettre. La parole est donc le lieu d’un excès de sens. D’autre part, depuis les travaux de la psychanalyse, il n’est plus possible de tenir la pensée pour maîtresse d’elle-même : ainsi, ce que nous disons révèle toujours plus que ce que la pensée elle-même ne cherche à révéler dans la parole. C’est le cas, par exemple, du lapsus. Là encore, la parole est soumise à l’excès de sens. C’est cet excès que nous devons examiner, puisque nous nous demandons bien en quoi nos paroles, et non nous-mêmes, nous trahissent lorsque nous parlons.

« Une pensée pure inexprimable ? Mais si selon Bergson la pensée demeure incommensurable au langage, cela signifie qu'il existe au-delà de la penséeformulée dans le langage (c'est-à-dire de la pensée conceptuelle) une autre forme de pensée, une pensée pure etvraie, qui est la pensée intuitive « vision directe de la réalité ». C'est dans les mots que nous pensons. Mais on peut remettre en cause une telle vue, et aussi bien affirmer qu'une telle pensée au-delà du langage n'estpas autre chose qu'une pensée qui n'existe pas encore, qu'il n'est pas de pensée sans langage, qu'une pensée nonformulée dans le langage n'est qu'un fantôme qui s'évanouit aussitôt qu'il surgit.

Ainsi Hegel observe-t-il que «c'estdans les mots que nous pensons.

[...] Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des penséesdéterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notreintériorité, et que par suite nous les marquons de la forme externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractèrede l'activité interne la plus haute.

C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe etl'interne sont si intimement unis.

Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée.

[...] Etil est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessitéqui lie celle-ci au mot.

On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable.

Mais c'est làune opinion superficielle et sans fondement; car, en réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, la pensée à l'état defermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot.

Ainsi le mot donne à la pensée son existence laplus haute et la plus vraie » (Philosophie de l'esprit).

Les paroles ne trahissent pas en fait notre pensée.

Nossentiments et nos impressions, qui nous paraissent inexprimables ou mal rendus par les possibilités expressives de lalangue, ne sont en fait que confus et manquent de réalité pour pouvoir être exprimés dans l'élément du langage. La structure de la langue, origine de l'impression d'être trahis par nos paroles ? Mais que nous admettions ou non une pensée au-delà du langage, ne peut-on pas dire que nos paroles noustrahissent, non plus en ce sens qu'elle ne permettent pas d'exprimer exactement notre pensée, mais qu'ellesinduisent notre pensée en erreur, qu'elles nous trompent en raison d'un manque de clarté et de cohérence internedu langage lui-même? En effet, si nos paroles nous trompent, n'est-ce pas parce que le langage est ambigu? N'est-ce pas parce que le sens des mots n'est pas nettement défini, que les mêmes mots, les mêmes phrases possèdentsouvent plusieurs sens, parfois divergents, voire contradictoires ? De là ces incompréhensions et ces erreurs deraisonnement que dénonçait Aristote en observant que « l'erreur vient de la ressemblance, et la ressemblance dudiscours » (Réfutations sophistiques, 169 b).

Il nous faut donc examiner en quoi consiste l'ambiguïté du langage ; orcelle-ci est double : lexicale et syntaxique. La double équivocité du langage. Une équivocité lexicale, d'abord: à un même signifiant, c'est-à-dire à une même image acoustique, peuventcorrespondre des signifiés totalement différents et sans rapport entre eux.

Tel est le cas des homonymes : parexemple [ver] signifie aussi bien un ustensile pour boire (verre) qu'un animal (ver).

Ainsi l'énoncé « j'ai pris un [ver] »est-il par lui-même ambigu.Cette ambiguïté touche en fait la plupart des mots.

Un mot ne possède en effet que rarement une seulesignification.

Par exemple, « déjeuner» désigne 1) le repas du matin, 2) les mets de ce repas et 3) la tasse et lasoucoupe servant à ce repas.

On parle de polysémie lorsqu'on a le sentiment que les diverses significations d'un motsont reliées entre elles (par exemple ici les acceptions 1 et 2), d'homonymie dans le cas contraire (certainslinguistes considéreront que déjeuner 3 est homonyme de déjeuner 1 et 2).Outre les mots, les structures syntaxiques elles-mêmes peuvent être équivoques.

Par exemple, l'énoncé « Lemagistrat juge les enfants coupables » peut aussi bien signifier: « Le magistrat juge que les enfants sont coupables» que « Le magistrat juge les enfants qui sont coupables ».

Les logiciens, notamment ceux de l'école du positivismelogique, ont bien mis en évidence l'ambiguïté, souvent non apparente, du mode de désignation des mots qui conduità des ambiguïtés syntaxiques.

Ainsi, Wittgenstein écrit-il : « Dans le langage quotidien, il arrive très fréquemmentque le même mot désigne d'une manière différente - donc appartienne à différents symboles - ou que deux mots, quidésignent de manière différente, soient utilisés extérieurement de la même manière dans la proposition.

Ainsiapparaît le mot "est" en tant que copule, en tant que signe d'égalité et en tant qu'expression d'existence ; le mot :"exister" en tant que verbe intransitif comme le mot "aller"; "identique" en tant qu'adjectif ; nous parlons de quelquechose, mais aussi de ce qu'il se passe quelque chose.

(Dans la proposition "le vert est vert" - où le premier mot estun nom propre, le dernier un adjectif -, ces mots n'ont pas simplement une signification différente, mais ce sont dessymboles différents.)C'est ainsi que se produisent facilement les confusions fondamentales (dont toute la philosophie est remplie) »(Tractatus logico philosophicus, 3.323-3.324.).À la décharge du langage, on observera que l'équivocité se trouve le plus souvent réduite par- Le contexte syntagmatique, c'est-à-dire l'entourage linguistique du mot dans un énoncé.

Le signifiant [mer] perdde son ambiguïté s'il est précédé d'un article indiquant son genre.

Ainsi [la mer] (le maire] est bien univoque, mais[la mer] reste ambigu (= la mer ou la mère).- Le contexte sémantique.

L'énoncé « Je veux me baigner dans la mer » ou « J'ai brisé un verre » élimine touteambiguïté.- La situation, c'est-à-dire l'ensemble des circonstances dans lesquelles a lieu un discours.

Le sens d'un énoncé est. »

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