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Quelle est la fonction de l'art ?

Publié le 21/01/2004

Extrait du document

Hume, Les essais esthétiques II. 2- "L'art et ses oeuvres, dans la mesure où elles sont jaillies de l'esprit et produites par lui, sont eux-mêmes de nature spirituelles." Hegel Esthétique. 3- "L'existence est une douleur constante, tantôt lamentable et tantôt terrible; ... Tout cela, envisagé dans la représentation pure ou dans les oeuvres d'art est affranchi de toute douleur et présente un imposant spectacle." Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation. (Comprendre que la douleur représentée n'est plus une souffrance). 4- "L'art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous mêmes tolérables aux autres... de plus, l'art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes..." Nietzsche, Humain, trop humain.

 

L'artiste paraît être cet individu qui est parvenu à s'émanciper des contraintes serviles de notre société : il est censé vivre de son inspiration, de sa propre volonté. Dès lors, comment le produit de son travail, son oeuvre, l'oeuvre d'art, pourrait-il obéir à une fin supérieure ? L'oeuvre d'art saurait-elle être soumise en tant que moyen à un but extérieur à elle-même ? Cela ne remet-il pas en cause l'indépendance essentielle à l'art ? A moins qu'on ne puisqse concevoir ce moyen comme une fonction auto-fondée, qui amènerait l'oeuvre d'art vers son propre achèvement ?

 

« de l'art d'aujourd'hui. SUPPLEMENT: "L'art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous- mêmes tolérables aux autres et agréables si possible : ayant cette tâche envue, il modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité, lie ceuxdont l'éducation n'est pas faite à des lois de convenance, de propreté, depolitesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment.De plus, l'art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces chosespénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tous les efforts, à causedes origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface: il doit agir ainsi surtout pour ce qui en est des passions, des douleurs del'âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ouinsurmontable, son côté significatif." Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain (1878), éd.

Colli-Montinari, trad.

I.-C.

Hemery, Gallimard Ce à quoi s'oppose cet extrait: On a coutume de dire que le propre de l'art est d'offrir au monde des oeuvresd'art, oeuvres dont la fonction alimente le discours de l'esthétique depuisl'Antiquité.

Nietzsche soutient, dans cet extrait, que cette conception esttrop étroite, trop restrictive, et que la sacralisation des oeuvres n'est qu'unprolongement accessoire du sens véritable de cette activité qu'on appelle l'art.Réduire celui-ci aux seules productions que sont les tableaux et autres sculptures des grands maîtres, c'est-à-direlimiter l'art aux beaux-arts, est là une vue bien pauvre que dénonce la première phrase du texte : le sens de l'artn'est pas de produire des oeuvres qui iront ensuite s'entasser dans les musées, car « l'art doit avant tout embellir lavie ».Cette affirmation en étend ainsi considérablement la notion car Nietzsche ne sous-entend pas ici que, par quelquevertu « décoratrice », les oeuvres viendraient embellir notre environnement et nos espaces d'existence.

Le sens esttout autre : il s'agit d'affirmer que l'art est un embellissement de toute la vie, car l'art est dans la vie, il est la viemême.Ce terme en vient donc à désigner ici l'effort d'« esthétisation » de toute notre existence, dans tous ses aspects ettoutes ses conduites.

Cette conception assurément très originale suscite toutefois des questions.

Qu'appelle-t-onexactement embellir la vie ? Ce que défend ce texte: La réponse que donne Nietzsche évoque, contre toute attente, des comportements moraux, comme « nous rendrenous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possibles ».

Une certaine forme d'ordre et de retenue dans notreconduite aussi, par lequel l'art nous « modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité, lie ceux dontl'éducation n'est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire aubon moment ».

L'art embellit donc la vie en la civilisant, en atténuant ou effaçant les rigueurs d'une nature grossièreque l'éducation et les règles du savoir-vivre n'ont pas policées.Certes, Kant avait bien affirmé, au XVIII' siècle, que l'art était à l'image de la morale, puisque le beau était lesymbole du bien.

Chez Kant, en effet, l'analogie postulée entre l'art et la morale avait pour principe ledésintéressement.

L'acte moral doit être désintéressé de la même manière que l'est le regard de l'artiste, qui ne viseplus la consommation mais la pure contemplation du monde.

Mais Nietzsche va ici beaucoup plus loin, puisqu'il nes'agit plus ici d'une simple analogie.

Une vie ordonnée et éduquée, tel est ici le sens de cette esthétisation de la vieen quoi consiste l'art.Derrière cette conception se cache cependant une autre idée.

La conduite civilisée doit nous faire oublier lagrossièreté de notre nature, l'emprise brutale des passions et des pulsions, c'est-à-dire ce qui est laid en nous.

L'artdoit, dans notre existence même, nous faire oublier ce que notre nature comporte de laid et d'insupportable : « l'artdoit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgrétous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface.

»Il faut donc comprendre ici que Nietzsche donne à la laideur un sens résolument moral et non pas esthétique, oùdans son sens traditionnel elle désigne la difformité des formes et la seule qualité plastique.

La laideur dont il est iciquestion est celle des passions, puisque les « origines de la nature humaine » sont celles de ce bouillonne-mentpulsionnel que l'auteur a nommé « volonté de puissance ».

Cette expression désigne la source de nos appétits et laforce aveugle du désir.L'art est donc la culture humaine dans son acception la plus générale, qui oppose, au déchaînement des appétits etde la volonté de puissance, les règles de la vie en société et l'oubli de notre nature.

Plus précisément, l'art faittransparaître « dans la laideur inévitable et insurmontable » de nos passions, leur côté « significatif», c'est-à-direleur côté fécond et productif, porteur de sens.

Ainsi, l'esthétisation de la vie parvient-elle à « convertir » nospulsions les plus destructrices en oeuvres de civilisation.

Parmi ces oeuvres, il y a les beaux-arts, mais c'est là uncas particulier parmi d'autres que l'on a, à tort, beaucoup trop privilégié.

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