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À quelles conditions pouvons-nous avoir confiance en l'autorité d'autrui sans tomber dans le préjugé ?

Publié le 08/02/2004

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Ce sujet, qui est tout sauf classique, peut paraître complexe vus les nombreux termes qu'il utilise, les nombreuses pistes qu'il invite à suivre. Commençons par Autrui : c'est d'abord toute personne autre que nous. « L'autorité d'autrui », ensuite, est d'emblée reconnue comme un fait. Autorité que nous pourrions apparemment approuver si un lien de « confiance » était établi. Or, qu'est-ce qui peut fonder ce lien de confiance ? Il est généralement entendu que tout un chacun cherche à imposer son autorité. Accepter l'autorité d'autrui nécessitera donc l'intervention d'une valeur particulière modifiant ce rapport. Ensuite, « ne pas tomber dans le préjugé » implique à son tour que ce lien fondateur de l'autorité d'autrui se devra d'être justifié. Toute tendance naturelle des hommes à s'incliner devant un gouvernant, « parce qu'ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le nom d'un », telle que l'entendait La Boétie, est alors exclue du sujet. Le rapport d'autorité n'est donc pas considéré comme un lien naturel, acquis définitivement. Il nécessite d'être légitimé. Dès lors, nous devons nous demander : « Qu'est-ce qui fonde l'autorité d'autrui ? » Celle-ci pourrait d'une part être établie par la crainte qu'inspire autrui. Cette crainte serait le fondement du respect. Mais, à l'inverse, « autrui » n'est pas peut-être pas simplement un autre. Il est une personne, un sujet de droit, et son autorité ne pourrait être valable que s'il nous reconnaît comme personne également. Dès lors, la confiance en l'autorité d'autrui se fonde-t-elle sur la force ou sur le droit ?

Avons-nous raison de nous en remettre à l'autorité d'autrui ? À quelles conditions est-ce compatible avec un esprit critique qui s'efforce de penser par lui-même ? La réponse de l'auteur est claire : la confiance en l'autorité d'un autre n'est légitime que dans les domaines où le seul exercice de la raison ne suffit pas, c'est-à-dire dans les disciplines qui réclament de l'expérience ou de l'instruction. Ce sont donc les limites de l'exercice de notre raison qui rendent possible le recours à la compétence d'autrui, non pas l'insuffisance de cet exercice.  Dans cette mesure, la confiance en l'autre peut donc être qualifiée de raisonnable. Toutefois l'acte de confiance représente bien en lui-même une démission de la raison. En effet, il consiste en un acte de croyance : ce qu'autrui me dit, j'estime que c'est vrai parce que c'est lui qui me le dit. Même si ma raison m'y autorise en reconnaissant sa propre incapacité à me guider sur cette question, même si je m'efforce de ne pas me fier à n'importe qui en m'enquérant d'indices rassurants, le rapport de confiance qui s'instaure envers autrui comporte toujours quelque chose d'aveugle. N'ayant pas, par définition, la compétence de celui à qui je m'en remets, je ne suis pas non plus capable de discerner avec assurance les signes extérieurs de cette compétence. Même raisonnable et raisonnée, la confiance comporte donc toujours un noyau irrationnel : non pas arbitraire mais dicté par l'intuition, par le sentiment.  

« démontrée, pour pouvoir s'établir comme telle.

Elle commence par un « conflit », comme dirait Hegel, une attente de la démonstration du pouvoir d'autrui, qui consiste à établir, entre autrui etsoi, qui a à faire autorité.

Ainsi, celui qui aura le plus conscience de soi, etpar la même occasion, celui qui aura davantage confiance en lui, sera celuiqui imposera son autorité.

A l'inverse, pouvoir remettre l'autorité à autruinécessite que nous ayons confiance en sa force, en sa capacité à gouverner.Sa force n'imposera alors son autorité que si elle est affichée et reconnuecomme telle.

C'est pourquoi un penseur comme Machiavel, dans Le Prince , justifiait (assez ironiquement d'ailleurs, puisque son livre fut distribué auxsujets en priorité, et non au prince pour lequel il est dédicacé ) le bon usagede la violence dans l'Etat.

« Un prince, il n'y a aucun doute, doit êtreclément ; mais à propos et avec mesure.

» La clémence, capacité assezexceptionnelle, se doit donc d'être affichée exceptionnellement.

« Leshommes en général sont plus portés à ménager celui qui se fait craindre quecelui qui se fait aimer.

La raison en est que cette amitié, étant un liensimplement moral et de devoir après un bienfait, ne peut tenir contre lescalculs de l'intérêt, au lieu que la crainte a pour objet une peine dont l'idéelâche malaisément prise.

» Cette crainte qu'inspire autrui est doncreconnaissance de son autorité.

Personne ne reconnaissant la valeur de cequ'il méprise, cette crainte s'avère être une reconnaissance de l'autoritéqu'exerce autrui.

II/ La confiance passe par autre chose que la force La force d'autrui lui permettra alors d'imposer son autorité.

Cependant, nous devons maintenant nousdemander si cette force seule peut être au fondement de l'autorité.

En effet, qu'en sera-t-il de ce rapport d'autoritélorsque autrui aura perdue de sa force ? La crainte peut bien servir à montrer l'autorité d'autrui à un moment donné,dès l'instant où elle n'est plus inspirée, l'autorité cesse immédiatement.

La crainte a donc le défaut de tomber à sontour dans le préjugé puisque le pouvoir et l'autorité qu'elle donne ne sont rien qu'éphémères.

Comment dès lorsretrouver un lien fondateur durable qui fondera l'autorité autrement que sur la pure apparence ? Rousseau et son Contrat socia l peuvent ici nous frayer un chemin.

« Puisque aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucundroit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmiles hommes.

» Reconnaître autrui, ce n'est plus alors le reconnaîtresimplement comme un « autre.

C'est faire de lui une personne, un sujetirréductible et inaliénable dont la liberté s'avère être l'élément essentiel.

Nousne reconnaîtrons donc son autorité que s'il nous considère de la même façonque nous le considérons.

L'autorité ne repose donc plus ici sur un rapport deforce mais sur la capacité de celui qui la possède à reconnaître ceux qui s'ysoumettent comme des sujets de droit.

« On dira que le despote assure àses sujets la tranquillité civile ; mais qu'y gagnent-ils, si les guerres que sonambition leur attire, si son insatiable avidité, si les vexations de son ministèreles désolent plus que ne feraient leurs dissensions ? » La confiance enl'autorité ne peut donc reposer uniquement sur la sécurité qu'imposerait lacrainte.

D'autant plus que cette simple crainte détruit tout l'aspect moral queporte le terme d' « autrui ».

« Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à saqualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.

Il n'y a nuldédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une tellerenonciation est incompatible avec la nature de l'homme, et c'est ôter toutemoralité à ses actions que d'ôter cette liberté à sa volonté.

» Autrui n'a doncd'autorité sur nous que s'il reconnaît notre liberté et nos droits.

A cette seulecondition, il peut bien nous rappeler nos devoirs.

Son autorité ne consistedonc qu'en une valorisation de notre personne comme sujet de droits et de devoirs. III/ L'autorité d'autrui nécessite la justice . L'autorité d'autrui repose ainsi sur une relation où la notion de personne est mise en avant.

Si autrui nous rappelle nos droits et nos devoirs, alors nous pourrons estimer que son autorité est tout à fait fondée et qu'ilrespecte notre liberté.

Seulement comment pourrons-nous distinguer nos droits et devoirs réels de droits ou devoirsutilisés à mauvais escient ? La relation d'autorité, en effet, peut bien porter facilement autrui à abuser de sonpouvoir.

Les exemples historiques ne manquent pas pour trouver bon nombre de massacres accomplis par despersonnes qui pensaient « faire leur devoir » ou lutter « au nom des droits de l'homme ».

Dans le même temps, ensuivant ce que dit Kant dans l'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, l'homme semble être unanimal qui « du moment où il vit parmi d'autres individus de son espèce, a besoin d'un maître.

».

Il entend par« maître » non pas un despote qui rabaisserait ses sujets, mais à l ‘inverse, une autorité exerçant une domination,de manière à élever le particulier à l'universel.

Ce maître a pour fin de lutter contre un égoïsme qui atomiserait toutesociété qui s'en contenterait.

Dès lors, il nous semble difficile d'établir une relation d'autorité qui permettraitl'éducation sans aboutir à la tyrannie sans partager l'idée de justice.

Continuons avec Kant : « Mais où (l'homme)va-t-il trouver ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine.

Or, ce maître, à son tour, est, comme lui,. »

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