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Quelles dimensions particulières la parole confère-t-elle a l'espèce humaine ?

Publié le 27/02/2008

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Bien définir les termes du sujet :

- « Dimensions particulières « : le terme est au pluriel, ce qui signifie qu’il va falloir en trouver plusieurs. Etant donné la formulation du sujet, le mot « dimension « peut avoir pour synonyme ‘’caractéristique’’, ou ‘’aspect significatif’’.

- « Parole « : même si la parole peut dans certains cas être intérieure, elle se différencie essentiellement du langage par le fait qu’elle est orale. Autrement dit, si le langage est une faculté de l’homme qui peut être ou non actualisée, il n’en va pas de même pour la parole qui est essentiellement une émission vocale du langage articulé.

- « l’espèce humaine « : terme vague qui désigne les hommes en général et qui n'invite pas à considérer l'être humain dans un domaine particulier comme celui de la politique ou de la sociologie. Il ne s’agit pas uniquement de considérer un seul individu, mais plutôt les hommes en ce qu’ils ont de plus général. Il s'agit ainsi de regrouper tous les individus conscients.

 

Construction de la problématique :

            Le sujet part d’un principe : la parole fait de l’homme un être à part en lui donnant certaines caractéristiques, il s’agit de déterminer lesquelles. Le but n’est pas de savoir si la parole est le propre de l’homme, mais plutôt comment elle le modèle, l’influence, et lui donne une dimension que les autres vivants n’ont pas.

Il semblerait donc que le fait de posséder la parole donne certains avantages, confère un pouvoir ou un statut particulier par rapport aux autres êtres. Se pose donc la question de savoir quels sont ces pouvoirs, et qu’est-ce que le fait de posséder la parole permet de faire de différent.

 

« affects : « les sons émis par la voix sont les symboles des états de l'âme ».

Le domaine propre de la parole est celuidu bien et du mal, elle est la capacité à communiquer des valeurs qui n'ont de sens que sur un être ensemble.

Seull'homme peut donc être politique – c'est-à-dire vivre avec ses congénères de manière organisée– parce qu'il estdoué de parole.

En d'autres termes, la parole permet d'accéder à une rationalisation du pouvoir. NB : il est aussi possible de montrer le pouvoir de la parole avec Platon, notamment Le Gorgias 451d – 453a. L'auteur montre comment un sophiste ou un orateur est capable de dominer n'importe quel individu par l'art desbeaux discours.

Cela lui confère un pouvoir encore plus grand que l'argent. III/ Pouvoir du langage et langage du pouvoir Puisqu'il a pour fonction essentielle l'expression de la pensée et la communication entre les hommes, il est clair que le langage joue un rôle éminent dans les phénomènes de pouvoir.

Il permet ou facilite l'action; il l'interdit oula sanctionne; le droit se dit et s'écrit et ceux qui dirigent la Cité exercent leur fonction par l'intermédiaire dulangage, tout comme ils sont attentifs à en capter les signes.Dans toutes les sociétés, les titulaires du pouvoir ont possédé la maîtrise du langage ou des langages propres àorienter l'action d'autrui.

Ceux-là sont détenteurs de ce "maître-mot" que Kipling attribuait dans la jungle à l'enflantdémuni mais qui finirait par s'emparer de la fleur rouge.

Prêtres et scribes, pontifes et rois, légistes et avocats,journalistes et hommes des médias connaissent tour à tour cette puissance.

L'agora d'Athènes était le lieu dedisputes, de collusions oratoires.

De même, Dieu se manifeste par cet acte de langage: " Au commencement était leVerbe" disait déjà Saint-Jean.Dans les sociétés complexes, le langage est l'expression du pouvoir.

A tel point que le fait de nommer, de qualifier unPouvoir, lui donne sa cohérence, sinon son existence: qui dit monarchie se met en mesure d'élaborer le systèmemonarchique, formule la série des concepts qui se trouvent mis dans la langue.Toutes les institutions majeures ont pour rôle de tester et d'élaborer le langage du Pouvoir.

L'un des privilèges lesplus incontestables du milieu dirigeant est précisément de conserver la langue.

Le langage de la culture se confondavec celui de la classe dirigeante.

Les faits langagiers montrent la capacité "performative" des classes dirigeantes.Et, le propre de ces dernières est d'éviter ou d'intégrer la "gheottisation" du langage: culture jeune (BD, musique,expressions "branchées"...).

Dès lors, si le pouvoir manifeste son emprise sur le langage, ce dernier à son tourinfluence le Pouvoir, à tel point que l'évolution des phénomènes langagiers a une signification historique et politiqueconsidérable: l'invasion du franglais traduit ainsi notre infériorité à l'égard de l'Amérique anglophone, lorsque laFrance était puissante, on parlait français à Saint-Pétersbourg.

De même, à la limite, on obtient le phénomène de lalangue de bois qui est une conséquence de la glaciation du langage et/ou de la glaciation du Pouvoir.Aussi, il faut bien qu'un jour, change ce langage jugé rétrograde.

Et, la révolution se manifeste aussi par un acte delangage.

La prise du pouvoir ne s'accompagne pas par hasard de déclarations solennelles, de thèses ou deprofession de foi.En bref, on peut dire que le rêve de puissance est un rêve de langage.

Il fonde et manifeste le Pouvoir et celui-cis'exerce par celui-là.

IV/ La parole comme marque de la pensée : Mais surtout, la parole est la marque de notre pensée.

Pendant longtemps on a cru que la pensée pouvait exister seule et était largement supérieure à ce qu'il était possible de dire.

En effet, le simple flou dans lequel ellenous apparaissait parfois était considéré comme un signe de richesse et de profondeur.

Or, loin d'être un indice desupériorité ou de profondeur exceptionnelle, le fait qu'une pensée soit inexprimable est au contraire un défaut declarté.

C'est ce que souligne l'adage populaire « ce qui se comprend clairement s'énonce clairement.

» C'est aussi ce que montre Hegel dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques, Tome III, § 462.

Selon lui, les mots ne sont pas le simple véhicule d'une pensée qui préexisterait déjà.

Bien au contraire, la parole permetd'éclaircir la pensée, de lui donner une forme.

Autrement dit, la parole permet à l'homme de penser.

C'est l'étroiteassociation entre les mots et les idées qui permet aux hommes à la fois de se représenter les choses et de lesmontrer, mais aussi de penser à partir d'elles.

« L'inexprimable est, en vérité, seulement quelque chose de trouble,en fermentation, qui n'acquiert de la clarté que lorsqu'il peut accéder à la parole.

» Hegel souligne à quel point laparole, c'est-à-dire l'extériorisation de l'intériorité est nécessaire pour donner de la clarté à la pensée.

La parolenous permet donc non seulement d'éclaircir nos pensées, mais aussi de les connaître, d'en prendre connaissance.Pour connaître nos pensées, il faut que nous leur donnions la forme de l'objectivité, de l'être-différencié d'avec notreintériorité : il faut que nous les extériorisons.

Or cela n'est possible que par les sons articulés, autrement dit par laparole. Merleau-Ponty dans la préface de Signes confirme le propos de Hegel en l'approfondissant.

En effet, la parole selon lui permet non seulement de connaître et d'éclaircir nos pensées, mais elle est en même temps uneinterface où le sensible n'est jamais coupé de l'intelligible.

La parole a une puissance expressive qui fait que nous ladépassons sans cesse en tant que telle pour la faire participer à la formation du sens.

De même que nous avons desbras et des jambes sans y penser, nous avons la parole.

Cette dernière ne pourra jamais être parfaite, tout commela pensée ne se suffira jamais à elle-même.

« Pensée et parole s'escomptent l'une l'autre.

». »

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