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La quête du bonheur peut-elle servir de principe législatif ?

Publié le 27/02/2004

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BONHEUR (lat. ougurium, chance, augure, présage)

Le bonheur, si l'on en croit l'étymologie (bon heur), ne peut être que l'effet de la chance, le produit de circonstances favorables. Pourtant, l'eudémonisme ancien prétend faire du bonheur le souverain bien, la fin dernière de notre activité qu'il dépendrait de nous de pouvoir atteindre. Or, cet état de satisfaction complète qui distingue le bonheur du plaisir des sens parce qu'il est toujours accompagné de la certitude de durer semble si difficile à définir qu'on peut le considérer avec Kant comme un idéal de l'imagination plutôt que comme une fin susceptible d'être rationnellement recherchée.

PRINCIPE (lat. principium, commencement)

Log. Désigne soit la proposition initiale d'une déduction dont résultent nécessairement d'autres propositions dites conséquentes, soit les lois générales de la pensée ou principes directeurs de la connaissance. principes logiques. Épist. Ensemble des propositions directives auquel le développement d'une science est subordonné. Méta. Cause première des choses. Ainsi, Dieu pour Pascal : « Tout par lui, tout pour lui. » Mor. Au sens normatif, règle d'action clairement formulée.

SERVIR : du latin servire, être esclave, être soumis ou dévoué à; agir, aider, contribuer à, participer.

            Chaque homme semble rechercher son bonheur, c’est-à-dire un état durable de plénitude, de joie, sans peine. En ce sens, cette quête du bonheur comme but de tous les hommes semblent être la chose la plus commune au genre humain. Or, l’homme vit en société, il est comme le définit Aristote un « animal politique «. La politique est l’art de gouverner la cité des hommes, et a pour fonction de produire un droit positif développant des lois, c’est-à-dire un ensemble législatif cohérent. Dans ce cas, si les hommes se regroupent dans une société, il faut bien qu’ils y trouvent un certain intérêt et puisque le bonheur est la préoccupation de tous les hommes, il semble possible que voir dans la quête du bonheur un principe législatif. Cela signifie que la loi, donc l’ensemble juridique du droit, aura pour tâche de promouvoir le bonheur de ses citoyens. Le but de l’Etat sera donc d’amener le peuple au bonheur et il le fera en promulguant des lois en ce sens.

            Cependant, n’est-on pas manifestement là face à un ensemble de contradictions ? En effet, le bonheur est individuel et peut rentrer en conflit avec le bonheur d’autrui, or comment l’Etat pourrait-il légiférer sur du singulier et cela d’autant plus qu’il ne peut pas connaître la définition personnelle qu’a chacun de son propre bonheur, et cela d’autant plus qu’une telle définition est souvent inconnue aux individus. Dans ce cas, faire de la quête du bonheur un principe législatif n’est-ce pas aussi risquer le despotisme dans la mesure où le législateur imposera par la loi une norme du bonheur ?

« a) En effet, le premier problème pour affirmer que la quête du bonheur est unprincipe législatif repose sur le fait que, comme le dit Kant dans les Fondements de la Métaphysique des Mœurs , « le bonheur est un idéal de l'imagination ».

Autrement dit, cela signifie que la définition du bonheur estpersonnel et ne peut donc en aucun cas faire l'objet d'un acte législatif dansla mesure où la loi non seulement toujours général, mais elle doit surtout nepas empêcher certains citoyens d'user de leurs libertés.

Or on peut remarquerque bien souvent, notre propre bonheur, ou ce que l'on définit comme telpeut entrer en conflit avec le bonheur d'autrui comme cela peut être le casdans l'ambition.

« Pour l'idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être dans monétat présent et dans toute ma condition future, est nécessaire.

Or il estimpossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on lesuppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici véritablement.Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il paspar là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ?Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour luireprésenter d'une manière d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présentse dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez de peine à satisfaire.

Veut-il du moins la santé ?Que de fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.

! Bref, il estincapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablementheureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience.

[…] Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parlerexactement, ne peuvent commander en rien, cad représenter des actions d'une manière objective commepratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils que pour des commandements de la raison ; leproblème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un êtreraisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, ausens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais del'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminerune action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie… » Kant , « Fondements de la métaphysique des mœurs ». L'objet de la « Dialectique » de la raison pure pratique, c'est le souverain bien , défini comme l'accord de la vertu et du bonheur, dont nous avons besoin en tant qu'êtres doués d'une sensibilité.

La vertu et le bonheur sont liésdans le concept du souverain bien.

Par suite, il faut déterminer la nature de cette liaison, de cette unité.

Ou bienelle est analytique et il faut affirmer l'identité de la vertu et du bonheur ; ou bien elle est synthétique et il faut direalors que la vertu engendre le bonheur.

Les deux grandes écoles morales de l'antiquité, stoïcisme et épicurisme, ontadopté le principe commun de l'identité du bonheur et de la vertu, mais elles l'ont conçu de façons différentes.

Tousdeux se trompaient en ceci qu'ils considéraient l'unité du concept de souverain bien comme analytique, alors qu'elleest synthétique ; en d'autres termes, leur erreur commune était de considérer comme identiques deux élémentshétérogènes ou du moins de regarder l'un des deux comme faisant partie de l'autre : « Le stoïcien soutenait que la vertu est tout le souverain bien et que le bonheur n'est que la conscience de la possession de la vertu, en tantqu'appartenant à l'état du sujet.

L'épicurien soutenait que le bonheur est tout le souverain bien –et que la vertun'est que la forme de la maxime à suivre pour l'acquérir, cad qu'elle ne consiste que dans l'emploi rationnel desmoyens de l'obtenir. » Or, les maximes de la vertu et les maximes du bonheur relèvent de principes totalement différents.

Si la vertu et lebonheur sont liés, cad si le souverain bien est pratiquement possible, ce ne peut être qu'en vertu d'une liaisonsynthétique.

On doit donc poser le problème ainsi: « Il faut ou que le désir du bonheur soit le mobile des maximes de la vertu, ou que la maxime de la vertu soit la cause efficiente du bonheur.

» Or ces deux solutions apparaissent également impossibles : la première parce qu'aucun mobile sensible ne peutdéterminer une volonté bonne ; la seconde parce que la vertu dépend de la loi morale, tandis que le bonheur dépendde lois naturelles, et qu'on ne voit pas, dans ces conditions, comme l'une peut produire l'autre.

Telle est l'antinomiede la raison pratique.

Cette antinomie se résout à peu près de la même façon que celle qui, dans la « CRP », mettait aux prises la nécessité naturelle et la liberté.

Là aussi, en effet, nous devons distinguer deux plans, le plan dusensible et le plan de l'intelligible.

la thèse selon laquelle le désir du bonheur serait le mobile des maximes de la vertuest absolument fausse.

Mais la thèse qui voit dans la maxime de la vertu la cause efficiente du bonheur n'est fausseque conditionnellement.

Dire que la vertu engendre le bonheur n'est faux que si nous considérons l'existence dans lemonde sensible comme la seule possible.

Si au contraire nous nous référons à l'existence nouménale : « il n'est pas impossible que la moralité de l'intention ait une connexion nécessaire, sinon immédiate, du moins médiate (parl'intermédiaire d'un auteur intelligible de la nature) comme cause, avec le bonheur comme effet dans le mondesensible .

» Ce n'est pas la vertu en tant qu'elle est prise dans le monde des phénomènes qui engendre le bonheur, mais unecause nouménale en rapport avec la vertu.

En d'autres termes, c'est Dieu qui « proportionne le bonheur à la vertu.« La morale n'est donc pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre. »

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