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Qu'est-ce qui différencie les beaux-arts de l'art de l'artisan ?

Publié le 11/02/2004

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Application rigoureuse de la science, la technique repose sur une méthode scientifique précise dont toutes les démarches sont enseignables, répétables. Il suffit généralement de savoir ce qu'il faut faire pour réussir. Quant à l'artisanat, s'il exige une certaine habileté voire un tour de main qui ne se réduit pas à des recettes d'une application mécanique, il ne requiert, cependant, aucune faculté d'invention ou génie particulier. Seul l'art, qui repose sur la fantaisie créatrice de l'artiste, requiert autre chose que « l'aptitude à savoir faire ce qui peut être appris d'après une règle quelconque ». Les beaux-arts doivent donc nécessairement « être considérés comme des arts du génie ». * Les beaux-arts sont les arts du génieDire que « les beaux-arts sont les arts du génie », cela signifie donc que l'art exige un talent complètement opposé à l'esprit d'imitation et qui ne peut être ramené à un savoir transmissible par enseignement. La façon dont l'artiste réalise son produit ne peut être exposée scientifiquement ni même décrite. En cela, l'art se différencie radicalement de la technique, mais aussi de la science dont les démarches sont enseignables, communicables. Le génie ne se pliant à aucune règle préexistante semble créer avec la même heureuse spontanéité que la nature. Mais c'est au prix du travail et de la souffrance.

L'art, au sens actuel, désigne la capacité à produire des objets beaux. En parlant des arts, on entend les beaux-arts. Les œuvres d'art sont d'une très grande diversité : architecture, sculpture, peinture, musique, théâtre, poésie... Cependant, l'objet de la philosophie n'est pas d'examiner les arts en particulier mais de rechercher'ce qui fait la spécificité ou l'originalité de l'art en général.

« de juger (1791), Kant, même s'il ne prétend pas faire une théorie des objets beaux (car, selon lui, le beau n'est pasune qualité des objets : il n'y a pas de règle du beau ni donc de science du beau), affirme qu'il n'existe pas de bellessciences, mais seulement des beaux-arts.

Il accorde même, d'une ..

certaine manière, une supériorité à l'art sur lessciences et la technique, puisqu'il considère qu'il n'y a de génie que dans les Beaux-Arts : «Les Beaux-Arts sont lesarts du génie.

»Dans la civilisation artisanale, l'artiste, qu'il bâtisse et orne les lieux du culte ou qu'il décore les palais, était auservice de la religion ou des princes.

Le développement de l'industrie permet à l'art de s'émanciper.

Désormaisindépendant, l'artiste découvre qu'il ne tient pas son pouvoir de créer de Dieu, mais que celui-ci lui appartient enpropre.

C'est ce pouvoir de créer qui, d'une certaine manière, rend l'artiste égal à Dieu, qu'on appelle le génie.Application de la science, la technique repose sur une méthode scientifique précise dont toutes les démarches sonttransmissibles, renouvelables.

Même les techniques les plus complexes peuvent être décomposées, analysées dansleurs moindres détails, et réduites à des gestes simples.

Il suffit généralement de savoir ce qu'il faut faire pourréussir.

Quant à l'artisanat, il ne requiert aucune faculté d'invention ou génie particulier.

Seul l'art, qui repose sur lafantaisie créatrice de l'artiste, demande autre chose que « l'aptitude à savoir faire ce qui peut être appris d'aprèsune règle quelconque ».

Les Beaux-Arts doivent donc nécessairement « être considérés comme des arts du génie ».Que faut-il entendre par génie sinon « un talent qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règledéterminée » ? Certes, l'art, comme toute production, exige des règles, mais celles-ci ne préexistent pas à l'œuvre.Aussi le génie peut-il être défini plus précisément comme le talent naturel de « donner des règles à l'art ».

Il n'obéitdonc qu'aux règles qu'il se donne à lui-même.

Et puisque « le talent comme faculté productrice innée de l'artiste,appartient lui-même à la nature, on pourrait également s'exprimer ainsi: le génie est la disposition innée de l'esprit(ingenium) grâce à laquelle la nature donne des règles à l'art ».Sans doute doit-on trouver dans les produits de l'art « toute la ponctualité voulue dans l'accord avec les règles,d'après lesquelles seul le produit peut être ce qu'il doit être »; mais cela ne doit cependant pas être pénible« Il ne faut pas que le produit laisse transparaître la forme de l'école, c'est-à-dire qu'il porte trace apparente quel'artiste a eu la règle sous les yeux et que celle-ci a imposé des chaînes aux facultés de son esprit.

» Le génie doit donner l'impression de produire avec la même facilité et spontanéité que la nature.

Cependant l'art,contrairement à la nature, a toujours « l'intention de produire quelque chose ».

Mais si la finalité est intentionnelledans les produits des Beaux-Arts, elle ne doit pas le paraître, c'est-à-dire que « l'art doit avoir l'apparence dé lanature, bien que l'on ait conscience qu'il s'agit d'art ».Le naturel dans l'art est donc le génie produisant comme la nature, sans règle préétablie.

Il s'ensuit que la premièrequalité du génie doit être l'originalité.

Comme l'absurde ou l'insensé peut aussi passer pour de l'originalité, il faut queles produits du génie « soient en même temps des modèles, c'est-à-dire qu'ils soient exemplaires ».

Le génie estdonc aussi originaire.

Autrement dit, il doit être à l'origine d'une école à laquelle il transmet les diverses règles et lesprocédés de son art.Ainsi, le génie se distingue aussi bien de la simple imitation scolaire (l'élève qui reprend le procédé d'un maître pourlui-même, indépendamment de ce qu'il exprimait dans l'œuvre et sans lui donner une nouvelle signification) que dumaniérisme, cette «forme de singerie qui consiste à n'être personnel (singularité) que pour tâcher de s'éloigner leplus possible des imitateurs, sans posséder le talent d'être en même temps un modèle ».Tout artiste, au fond, commence par le pastiche, et s'éveille à son propre génie au contact des œuvres de sesprédécesseurs.

De l'imitation scolaire se distingue « la filiation qui se rattache à un prédécesseur sans l'imiter ».Auquel cas on parle d'inspiration car « les Idées de l'artiste éveillent chez son disciple des Idées semblables, lorsquela nature a doté ce dernier d'une proportion semblable des facultés de l'esprit ».Il n'existe, sans doute, pas de meilleur exemple filiation que celui invoqué par Malraux dans Les Voix silence : latransformation des tableaux rouge et noir Caravage en l'œuvre nocturne de Georges de La Tour.

dernier prend auCaravage ses joueurs, son musicien, s miroir, sa Madeleine, son saint François, son Couronnement d'épines quideviendra le Christ de Pitié, son sain mais aussi et surtout sa relation d'un fond sombre étoffes rouges, et parfoisjusqu'à son rouge; il en éclairage semblable au sien.

Et, pourtant, il abouti presque opposé.

Tandis que, chez leCaravage, sombres sont là pour la lumière, la lumière pour ce qu'e éclaire, ce qui est éclairé pour devenir plus réelque ri pour prendre plus de relief, de caractère ou de drame, contraire, chez La Tour, la nuit règne sans partage etpré la forme séculaire du mystère pacifié.

Le monde devient semblable à la vaste nuit sur les armées endormies dejour, sous la lanterne des rondes, surgissaient, pas formes immobiles.Dire que « les Beaux-Arts sont les arts du génie » signifie donc que l'art exige un talent complètemtaire à l'espritd'imitation et qui ne peut être ramené à un savoir transmissible par enseignement.

La façon dont l'artiste réalise sonproduit ne peut être exposée scientifiquement même décrite :« Le créateur d'un produit qu'il doit à son génie ne sait pas lui-même comment se trouvent en lui les idées qui s'yrapportent et il n'est pas en son pouvoir ni de concevoir à volonté ou en suivant un plan de telles idées ni de lescommuniquer aux autres dans des préceptes, qui les mettraient à même de réaliser des produits semblables.

»En cela, l'art se différencie radicalement de la technique, mais aussi de la science dont les démarches sonttransmissibles :« Newton pouvait rendre parfaitement évidentes et réitérables, non seulement pour lui-même, mais aussi pour toutautre et pour ses successeurs, toutes les démarches menant des premiers éléments de la géométrie à ses grandeset profondes découvertes, mais aucun Homère, ou aucun Wieland ne peut montrer comment ses idées riches depoésie et cependant en même temps pleines de pensées surgissent et s'assemblent dans son cerveau, parce qu'il nele sait pas lui-même, et du même coup ne peut l'enseigner à personne.

»C'est pourquoi, dans le domaine scientifique ou technique, le plus remarquable auteur de découvertes ne sedistingue que par le degré de l'imitateur et de l'écolier le plus laborieux.« Même si un homme pense ou invente par lui-même au lieu de concevoir simplement ce que d'autres ont pensé,bien plus s'il fait maintes découvertes dans la technique ou la science, donc s'il est un « cerveau » [...], on n'est. »

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