Ce qui fait l'actualité, est-ce qui fait l'histoire ?

« discipline historique, elle porte nécessairement sur le passé.

En effet, une histoire ne peut être conçue que pour autant que des documents écrits ont été consignés.

Une enquête historique suppose de disposer de documents,d'archives : elle dépend de l'écriture, qui seule permet d'accéder à la pensée des peuples du passé.

Dans le casd'histoire du passé lointain (archéologie, paléontologie) l'historien utilise des traces non écrites, qui ont pour nom« vestiges ».

Cependant, quelle que soit le type d'histoire que l'on prend en considération, c'est toujours au passéqu'elle se rapporte.

L'histoire, en effet, est ce qui s'appuie sur des documents, des faits, pour nous donner àconnaître ce qui a eu lieu.

A la lumière de ces précisions conceptuelles, nous pouvons donner une réponse claire etdéfinitive à la question qui nous occupe : ce qui fait l'actualité ne saurait être ce qui fait l'histoire, car l'actualitéappartient au présent, l'histoire au passé, de sorte qu'actualité et histoire se tiennent dans deux espaces temporelsimperméables.

Les mécanismes conduisant à la génération de l'une ne sauraient avoir d'influence sur l'autre. II.

Cependant, l'histoire est générée par l'actualité a.

Une histoire de l'actualité passée Cependant, nous ne pouvons en rester à une telle thèse qui repose précisément sur l'idée erronée de l'altérité del'actualité et de l'histoire.

Regardons un peu mieux ce qui fait l'histoire.

L'histoire est faite d'évènements passés quiont revêtu non seulement une importance au moment de leur production, mais dont l'importance s'est accrue avecle temps qui a prouvé l'étendue de leurs conséquences.

Par exemple, la découverte de l'énergie atomique a eu uneimportance immédiate, qui ne s'est toutefois mesurée pleinement qu'avec le temps qui a montré toutes lesconséquences de l'invention : bombe atomique, guerre froide, équilibre de la terreur, nucléaire civile… Mais il fautbien voir que ces évènements dont l'histoire s'occupe et garde la trace sont en vérité de l'ancienne actualité, del'actualité qui fut présente, dont toute l'importance n'était sans doute pas distinguée sur le moment, mais qui s'estnéanmoins avérée, précisée avec le temps.

Nous dirons donc qu'il n'y a pas lieu de distinguer comme nous le faisionsentre actualité et histoire, en reléguant l'une dans le présent, l'autre à l'étude du passé marquant, car le passé donts'occupe la discipline historique a nécessairement été, en son temps, une actualité. b.

Les évènements marquants de notre actualité sont les inflexions de l'histoire Mais allant plus loin, nous pouvons montrer que ce qui fait l'actualité est nécessairement ce qui fait l'histoire, car lesmécanismes de production de l'une sont aussi les mécanismes de production de l'autre.

Actualité et histoire ne setiennent pas dans deux dimensions imperméables l'une pour l'autre, dans la mesure où l'histoire peut bel et bien êtreconsidérée comme ce qui est généré, non par l'actualité, mais par un certain type d'actualité.

En effet, nous avonsvu que l'actualité était de manière indifférente tout ce qui advient dans le présent.

Mais il y a des évènementsd'actualité plus marquants dans le présent qui deviennent à leur tour des évènements historiques et influent sur ledevenir historique.

Nous pouvons prendre à ce propos l'exemple de Marx, qui pour écrire le Capital , ouvrage économique qui découvre à la racine de toute l'histoire la lutte des classes, ne cessait de se préoccuper del'actualité au point de repousser la publication de son grand œuvre en fonction des mouvements de l'actualité :découvertes scientifiques, mouvements populaires en Pologne, Commune en France… Nous dirons donc que ce quifait l'actualité fait l'histoire, car les évènements fondamentaux de notre actualité génèrent à leur tour l'évolutionhistorique.

Pour autant, peut-on dire que si ce qui fait l'actualité fait l'histoire, il y a pour autant une histoire del'actualité ? III. Existe-il une histoire de l'actualité ? a.

La prise en compte de l'actualité dans l'histoire Nous nous demanderons ici s'il existe une histoire de l'actualité.

En effet, à partir du moment où nous avons vu queles mécanismes de production de l'actualité étaient en définitive les mécanismes de production de l'histoire, nouspouvons chercher à déterminer si l'histoire porte également sur l'actualité.

A cette question nous pouvons répondrepar l'affirmative en nous appuyant sur une réalité disciplinaire française.

L'étude de l'actualité par les historiens a étéstimulée par la décision du CNRS de créer en 1978 un laboratoire qui prenne, notamment, en charge le dossier deVichy et relaie le Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, dépendant des services du Premier ministre.

Celaboratoire a pris pour nom l'«Institut d'histoire du temps présent ».

Il faut bien noter la dimension polémique decette dénomination qui affronte la définition de l'histoire comme récit portant sur le passé que nous aconsprécédemment rappelée.

Le choix de cette désignation marque en effet un déplacement du centre de gravité desrecherches historiques de la quête de l'origine vers l'actualité et la volonté de rendre le présent compréhensible.

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