Devoir de Philosophie

Ce qui est naturel peut-il être mauvais ?

Publié le 04/03/2004

Extrait du document

A. Comment se représenter le naturel ?

Être naturel est une propriété. Comment la définir ? Est-ce une qualité ou un défaut ? Quoi qu'il en soit, nous devons être en mesure de produire des critères permettant d'en juger. Ce terme sert autant à qualifier des produits consommables que des hommes. Une nourriture naturelle se reconnaît à l'absence d'additifs chimiques et est alors parée du prestige du sain et de l'authentique. Lorsque nous disons de quelqu'un qu'il a un bon ou mauvais naturel, nous indiquons la présence en lui d'une spontanéité ennemie du mensonge. Nous retrouvons, transposée sur le plan éthique, l'idée d'absence de préparation et d'artifice.

La publicité utilise le naturel comme un argument destiné à nous faire préférer tel produit à tel autre. Cette tendance exploite évidemment les craintes et les rejets suscités par des formes d'industrialisation massive. Nous sommes induits à croire que la nature est synonyme d'harmonie et d'absence de dangers pour nos organismes. Or, s'il est vrai que certaines maladies sont dues à la pollution, il ne faut pas oublier que nos ancêtres mouraient bien plus jeunes. De même, être naturel peut passer pour l'expression d'une qualité, comme la franchise, mais désigne également un esprit rude, brutal et même méchant. Ainsi, sur le plan physique comme moral, il apparaît que cette notion est équivoque et contient deux sens opposés. Cette ambiguïté justifie que l'on se demande si les éloges qu'on lui décerne ne méritent pas d'être critiqués. Le propre de l'homme est de se cultiver et de se civiliser. Le naturel n'est-il pas la marque d'un défaut voire d'un vice qu'il s'agit de vaincre ?

« est cet inventeur de moyens, toujours renouvelés, par lesquels il domestique la nature pour satisfaire ses besoins etses désirs.

Cette opération lui est vitale.

Le mythe de Prométhée le souligne.

Le titan châtié par Zeus pour avoirdérobé aux dieux les secrets de l'art du feu est le bienfaiteur du genre humain.

On note cependant que cet acte futpensé comme un vol, ce qui inscrit d'emblée la technique dans un registre moral.

Il devient possible de suspecter lavaleur de ce geste.

Ce n'est pas une bonne action que l'on peut appuyer sans réserves.

Rousseau présenteProméthée comme celui qui fit le malheur des hommes en leur permettant de s'éloigner toujours plus de leur origine.Ce cadeau était empoisonné et les maux engendrés par la vie sociale seraient là pour en attester.

Rousseau souligneque certaines maladies ne doivent leur existence qu'à la vie en communauté.

Les inégalités de condition entraînentdes régimes de vie ruineux dans tous les cas.

Les riches mangent trop de mets raffinés et les pauvres avalent sansmesure des aliments de mauvaise qualité.

Quant au plan moral, la vie sociale génère des vices inconnus de celle desorigines car elle pousse les hommes à se comparer sans cesse ce qui gonfle leur orgueil et les rend méchants.

Lavolonté de satisfaire son intérêt au détriment d'autrui devient une nécessité et la rivalité est d'autant plusdétestable qu'elle prend le masque de la bienveillance.

L'état de nature se présente donc comme un paradis perdu.Rousseau dresse le contre modèle d'une vie délivrée des passions qui rongent tout à la fois le coeur des hommes etles institutions civiles.

Rien de mauvais ne saurait s'y produire. B.

La violence du naturelCes thèses célèbres appellent toutefois une remarque importante.

Le sens du mot naturel apparaît dans un cadrethéorique culturellement défini.

Rousseau forge une idée de la nature qui sert ses visées philosophiques.

Ne pourrait-on pas lui objecter qu'une autre signification est légitimement envisageable ? Comme nous le suggérions dansl'introduction, l'homme est appelé à se cultiver donc à polir ses penchants naturels.

II apparaît alors que cet adjectifdésigne des attitudes néfastes à une bonne vie commune.

Hobbes, dans le Léviathan, appelle « condition naturellede l'homme », une situation invivable du fait de la crainte qui y règne en permanence.

La guerre de tous contre tousest la caractérisation d'un état sans aucune institution.

Les désirs individuels s'opposent de façon déchaînée car ilssont motivés par la même ambition : acquérir un pouvoir toujours plus grand.

Hobbes décrit cette logique infernalequi pousse les hommes à se faire des torts croissants à raison de la crainte qu'ils s'inspirent.

Plus l'autre m'effraiera,plus je chercherai les moyens de le dominer, ce qui me portera à commettre des injustices à son égard.

Cetteattitude étant réciproque, on devine sans peine que ce milieu est intenable.

Les lois sont donc nécessaires et avecelles un pouvoir capable de s'imposer à tous afin d'assurer la sécurité publique.

Le mérite des institutions est doncde médiatiser les impulsions primitives qui mènent chacun à désirer s'emparer sur le champ de ce qu'ilvise.

C'est également la fonction de l'éducation dont Kant souligne qu'elle est constituée de trois moments.L'instruction, les soins et la discipline.

Le premier transmet des connaissances.

Le deuxième veille à ce que l'enfantne se mette pas en danger.

Quant au troisième, il a pour tâche de brider la violence en punissant.

Son action estuniquement répressive.

Le penchant spontané à la brutalité ne peut être extirpé mais il doit être combattu. [Transition] Cette nouvelle étape nous place devant deux positions diamétralement contraires.

Le naturel peut être synonymede pureté et d'harmonie comme de violences diverses et illimitées.

Il est susceptible d'être jugé bon ou mauvais.

Ledépassement de ce conflit demande que nous caractérisions mieux le registre dans lequel ce terme est employé.

SUPPLEMENT: Le discours de Calliclès. "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent desblâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcherque ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres etque l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux àde tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en seréférant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus quele moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, cheztoutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste. De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit laguerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son pèreont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loide la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous ! Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisons. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles