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Qui a peur de la liberté ?

Publié le 01/02/2004

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Et, néanmoins, c'est souvent pour leur servitude qu'ils se battent, comme nous le dit l'exemple fameux de certains esclaves, qui refusèrent la liberté quand elle leur fut offerte et se révoltèrent devant sa réalité. Qui dit mieux ? Aussi faut-il s'interroger sur la question posée. Cet homme qui s'effraie de la liberté, en soupèse le danger et veut la fuir, n'est-ce pas d'abord cet être humain qui naît inachevé et qui se trouve voué à une relation intersubjective de dépendance initiale ? Avec la figure paternelle, s'intériorise, dès les jeunes années, montre Freud, une relation de pouvoir acceptée et contestée. Naît le besoin impérieux de plier devant l'autorité, devant le substitut du père. Qui a peur de la liberté ? Celui qu'agite encore le fantôme d'un maître tout-puissant, réitérant la figure paternelle. C'est bien le principe d'analyse de Freud que reprend Wilhem Reich, à propos de la peur de la liberté. Le sujet qui craint sa liberté a vu sa sexualité domptée durant l'enfance.

Quelle personne éprouve un sentiment de danger (réel ou imaginaire) devant l'état de « non-servitude «, devant le pouvoir spirituel de dire oui ou non ? Pourquoi des situations de soumission volontaire, qui sont liées à la peur de la liberté ? Comment peut-on vouloir l'oppression ? N'est-il pas aisé de se laisser guider par un maître tout-puissant ? En définitive, n'existe-t-il pas un amour de la servitude, laquelle est fréquemment apaisante, et la lâcheté de l'homme ne doit-elle pas être prise en compte ? L'homme n'est-il pas, par paresse, responsable de sa minorité ? Le problème soulevé par le sujet prend racine dans la réalité de la nature humaine: l'homme est-il vraiment libre par nature, comme le prétend Rousseau ?

« Qui craint la liberté ? Celui, certes, qui a été « dressé » dans son enfance, mais aussi celui qui, existentiellement,politiquement, s'assimile au chef et se fond, en quelque sorte, en lui.

Celui qui se soumet s'identifie au maître etparticipe à sa puissance par une projection d'abord imaginaire.

Il craint l'expansion libre de son moi en se saisissant,par identification, à travers le maître et dieu : il est fasciné par sa projection dans le maître.

Que fait-il ? Ils'identifie au chef qui fournit l'illusion de la maîtrise.Le sujet qui fuit sa transcendance libre est donc celui qui s'identifie au tyran ou au maître.

Pris dans une affectivitédomptée par le père (Freud) il se retrouve dans le maître, auquel il s'assimile (La Boétie). La servitude volontaire ÉTIENNE DE LA BOËTIE (1549) La soumission de la multitude à l'autorité d'un seul est une véritable énigme que La Boëtie tente d'éclairer.

Commentles hommes, alors que la liberté est inhérente à leur nature, supportent-ils la servitude ? C'est en effet la servitudevolontaire qui distingue avant tout l'homme de l'animal :« Les bêtes, si les hommes ne font trop les sourds, leur crient : vive la liberté ! »Le phénomène est d'autant plus étrange que cette soumission est nécessairement volontaire.

Il serait effectivementaisé de l'abandonner, le nombre est toujours du côté des opprimés : que peuvent les autocrates contre la volontéde la foule ? Force est donc de constater un état contre nature :« La seule liberté les hommes ne la désirent point ; non point pour autre raison (ce me semble) sinon pour ce ques'ils la désiraient, ils l'auraient...

»Par nature l'homme est évidemment influençable mais il est aussi raisonnable et libre.

Comment, dans ces conditionscomprendre l'incompréhensible ?La Boëtie voit dans cet état de fait la conséquence d'une double dénaturation.

Les gouvernés, d'abord, parhabitude, paresse et facilité abdiquent rapidement.

Ils jugent plus confortable de laisser à un tiers le soin de prendreà leur place des décisions.

Les gouvernants, quant à eux, se laissent aller à la spirale de la tyrannie.

Le pouvoirsemble appeler le pouvoir et se découvre être sans limite :« Le tyran ôte tout à tous.

»La Boétie montre aussi — et ce point est probablement le plus intéressant que le tyran pour maintenir sa dominationsait lui associer ceux-là même qu'il domine.

La ruse du gouvernant consiste à rendre complices ses propres sujets deleur servitude : « Ainsi le tyran asservit les sujets les uns par le moyen des autres.

» L'idée est neuve etimportante, elle suggère que le principe de la servitude volontaire est peut-être à chercher du côté de cettepyramide de servitudes que construit le tyran : remettre en question la tyrannie du Prince, c'est aussi vouloirremettre en cause celle dont chacun semble jouir à un titre ou à un autre dans la société.

Chaque gouverné tienten effet à son tour le rôle du gouvernant.

Tel qui obéit à son Maître se fait aussi obéir de ceux que le Maître a su luisubordonner.

Ainsi la servitude est volontaire dans la mesure où elle paraît être la condition nécessaire aux desseinsde la volonté de maîtrise.

Quel « petit chef » n'est pas prêt à payer du prix de la servilité son pouvoir, aussi dérisoiresoit-il ? Transition. Toutefois, si nous saisissons qui craint la liberté, qui la redoute et la fuit, ne nous faut-il pas mieux comprendrecette scène actuelle où la peur de la liberté s'actualise ? Quel est ce trouble mêlé de désir et de crainte qui meutl'homme ? Quel est l'homme qui tremble ? C.

L'amour de la servitude : paresse, préjugé et peur. Celui qui a peur de devenir libre, qui est-il exactement ? Pris dans son enfance (Freud), s'identifiant au tyran (LaBoétie), c'est un être de paresse et de lâcheté.

Il est mû par l'indolence, le goût des habitudes et les préjugés.

Il neveut pas s'installer dans la raison, la conquérir et la construire.

Il est donc responsable de sa minorité, qu'il cultiveen lâche.« La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les aaffranchis depuis longtemps d'une direction étrangère [...] restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs, etqu'il soit si facile à d'autres de se poser en tuteurs des premiers.

Il est si aisé d'être mineur ! Si j'ai un livre, qui metient lieu d'entendement, un directeur, qui me tienne lieu de conscience, un médecin, qui décide pour moi de monrégime, etc., je n'ai vraiment pas besoin de me donner de peine moi-même.

Je n'ai pas besoin de penser, pourvu queje puisse payer; d'autres se chargeront bien de ce travail ennuyeux.

» (Kant, Qu'est-ce que les Lumières ? inPhilosophie de l'histoire, Aubier, p.

83).. »

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