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LA QUINZIÈME (15e) SATIRE DE JUVENAL : UN TRAIT D'ANTHROPOPHAGIE.

Publié le 02/05/2011

Extrait du document

I

La Satire XV est remplie par une anecdote, qui donne occasion à Juvénal d'exhaler une fois de plus sa vieille hargne contre les Orientaux. Il s'y élève vers la fin à certaines considérations, d'une sentimentalité inattendue chez un jouteur aussi rude. Le poète commence par dauber sur l'absurdité des cultes égyptiens. « Qui ne sait, ô Volusius Bithynicus, à quels monstres l'Egyptien adresse son culte insensé ? Les uns adorent le crocodile, les autres se sentent saisis d'effroi devant l'ibis gorgé de serpents. On voit briller la statue dorée du cercopithèque sacré, là. où résonnent les accords magiques de la statue tronquée de Memnon et où gît ensevelie l'antique Thèbes aux cent portes. Des villes entières révèrent, ici, des chats ; là, le poisson du fleuve ; là le chien : quant à Diane, personne n'a cure d'elle. C'est un sacrilège que d'outrager, en y mettant la dent, le poireau et l'oignon. Saintes populations, dont les divinités poussent dans les jardins Les bêtes à laine ne paraissent sur aucune table. Là-bas c'est un sacrilège que d'étrangler un chevreau. Mais il est permis de se nourrir de chair humaine... «

« et que, capables de nous élever au divin, aptes à pratiquer et à créer les arts, nous avons tiré de la demeurecéleste un instinct supérieur qui a été refusé à la brute dont le regard est attaché au sol et ne saurait monter plushaut.A l'origine du monde, le Créateur de toutes choses n'a départi aux animaux que la vie ; à nous il donna aussi uneâme afin qu'une mutuelle affection nous invitât à nous demander et à nous prêter appui ; afin que les hommesdispersés formassent une société et que, quittant leurs bois antiques, les forêts où avaient habité leurs aïeux, ils seconstruisissent des maisons, établissant la contiguïté des foyers et assurant par ce voisinage même, par laconfiance qui en naissait, la sécurité de leurs sommeils.

Ils apprenaient à protéger de leurs armes un concitoyentombé, ou chancelant sous l'atteinte d'une large blessure ; à marcher au combat à un même signal ; à se défendrepar les mêmes remparts ; à se protéger par les mêmes portes fermées avec la même clé ». III La pièce, au total, n'a pas grande portée.

Elle ne manque pourtant pas de pittoresque, ne fût-ce que dans ladescription du combat des Tentyrites et des Ombites.

Friedländer veut qu'elle laisse une impression « senilerImpotenz » : c'est là un jugement bien dur.

— Au moins est-il un point de détail, une détermination géographique,où l'exactitude de Juvénal, après avoir été longtemps contestée, apparaît finalement irréprochable.Juvénal fait de Tentyra et d'Ombos deux cités voisines (v.

33 et s.).

Or, Tentyra (aujourd'hui Denderah) s'étendaitsur la rive gauche du Nil, entre Coptos et Diospolis, et Ombos (Kôm Ombo) était sis à plus de 18o kilomètres de là,sur la rive droite du fleuve.

Pline l'Ancien ne comptait pas moins de cinq nomes (ou praefecturae oppidorum) entrel'Ombite et le Tentyrite, à savoir l'Apollopolite, l'Hermontite, le Tinite, le Phaturite, le Coptite.

Comment Juvénalavait-il pu commettre une erreur aussi grossière ?En fait, nulle confusion ne s'était faite dans ses souvenirs.

Il y avait dans l'Egypte ancienne deux Ombos : 1° UnOmbos, chef-lieu de l'Ombitès, qui adorait Sobek, le dieu crocodilocéphale : c'est à cet Ombos-là que les critiquessongeaient communément, non sans s'étonner que le poète eût oublié l'énorme distance qui le séparait de Tentyra;2° Un autre Ombos dont Flinders Petrie, a déterminé l'emplacement non loin de Kôm-Belal, en 1896.

Seth en était ledieu protecteur.

La ville était sise sur la rive gauche du Nil, à une vingtaine de kilomètres de Tentyra, et au sud-ouest de Coptos (aujourd'hui Kouft), bâti de l'autre côté du fleuve.

Elle correspond donc de façon très satisfaisanteaux brèves indications de Juvénal, et du même coup la précision topographique du poète, si longtemps mise endoute, apparaît irréprochable.Au surplus, la divergence des cultes observés à Tentyra et à Ombos est confirmée par divers historiens antiques.Les Ombites adoraient le crocodile, les Tentyrites le pourchassaient.

Les haines féroces entre tribus d'Egypte pourdes motifs de cet ordre ont été notées plusieurs fois dans l'antiquité .

Plutarque s'exprime ainsi : « Il en est quiracontent que, pour diviser les Egyptiens qui, volontiers, se révoltaient contre lui, un roi d'Egypte ordonna à chaquetribu d'honorer un animal particulier, du nombre de ceux qui sont naturellement ennemis.

Les tribus se trouvèrentainsi avoir épousé les haines mutuelles de ces animaux.

De nos jours, les Kynopolitains, ayant mangé un oxyrinche,les Oxyrinchites attrapèrent des chiens qu'ils immolèrent et dont ils mangèrent la chair, comme celle des victimes.De là naquit une guerre qui fut très sanglante pour les deux peuples ; les Romains la firent cesser, après les avoirsévèrement châtiés, l'un et l'autre ».L'épisode rapporté par Juvénal n'a donc en soi rien d'invraisemblable ; et le cadre où il le place est parfaitementintelligible et conforme à la disposition réelle des lieux.. »

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