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En quoi le langage est-il spécifiquement humain ?

Publié le 12/03/2004

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Le langage est au cœur de la réflexion philosophique. Plus exactement, il est, avec la raison, ou encore le travail, l'élément central de l'anthropologie des philosophes. C'est en effet par lui qu'ils distinguent le plus certainement l'homme de l'animal. Le langage est la propriété spécifique de l'homme. S'il en est ainsi, c'est que le langage est plus qu'un simple moyen de communiquer ses sentiments ou ses idées. Antérieurement à cela, le langage est constitutif, chez les philosophes anciens comme modernes, et de la pensée de l'homme, et de son existence politique. Il faut savoir en effet, pour bien comprendre l'importance attachée au langage par les philosophes, que le même mot désigne dans la langue grecque le langage et la raison : «logos« (que l'on retrouve dans logique, et dans le suffixe -logie). Pour bien traiter ce sujet, il est nécessaire de connaître ces présupposés anthropologiques. On peut aussi aborder le sujet sous un second angle, celui de la linguistique moderne. La linguistique est, pour simplifier, la science qui borne son étude aux différents aspects du langage. Elle procède à son étude technique, séparée de toute représentation générale de l'homme. C'est donc sur des critères techniques que la linguistique distingue le langage humain des moyens de communication de l'animal. Ses analyses sont intéressantes, d'autant que le sujet ne demande pas simplement si le langage est spécifiquement humain, mais en quoi il l'est.

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« Troisième partie : Spécificité du langage humain Dans un essai intitulé « Communication animale et langage humain », où il compare le langage des abeilles aulangage humain, E.

Benveniste note cependant qu'il existe des différences considérables et essentielles entre celui-ci et celui-là.

Il observe en effet : 1) « Que le message des abeilles consiste entièrement dans la danse, sans intervention d'un appareil "vocal", alorsqu'il n'y a pas de langage sans voix.

» Que, en outre, « n'étant pas vocale, mais gestuelle, la communication chezles abeilles s'effectue nécessairement dans des conditions qui permettent une perception visuelle, sous l'éclairagedu jour ; elle ne peut avoir lieu dans l'obscurité.

Le langage humain ne connaît pas cette limitation.

» Ces argumentsne nous paraissent pas décisifs, puisque, nous l'avons vu, certains animaux utilisent des signes vocaux, etqu'inversement des sourds-muets de naissance peuvent utiliser des langages sans voix. 2) Qu'une « différence capitale apparaît aussi dans la situation où la communication a lieu.

Le message des abeillesn'appelle aucune réponse de l'entourage, sinon une certaine conduite, qui n'est pas une réponse.

Cela signifie queles abeilles ne connaissent pas le dialogue, qui est la condition du langage humain.

Nous parlons à d'autres quiparlent, telle est la réalité humaine.

Cela révèle un nouveau contraste.

Parce qu'il n'y a pas dialogue pour lesabeilles, la communication se réfère seulement à une certaine donnée objective.

Il ne peut y avoir de communicationrelative à une donnée « linguistique » ; déjà parce qu'il n'y a pas de réponse, la réponse étant une réactionlinguistique à une manifestation linguistique ; mais aussi en ce sens que le message d'une abeille ne peut êtrereproduit par une autre qui n'aurait pas vu elle-même les choses que la première annonce.

(...) On voit la différenceavec le langage humain, où, dans le dialogue, la référence à l'expérience objective et la réaction à la manifestationlinguistique s'entremêlent librement et à l'infini ».

Cette absence de véritable dialogue dans la communicationanimale, liée à cette impossibilité de retrouver l'expérience objective de l'émetteur à travers son message, noussemble en effet être fondamentale.

Car même si certains animaux sont susceptibles de reproduire un message, cemessage n'est jamais pour eux une représentation de l'expérience, mais toujours un message-signal qui n'appelle quedes réponses actives, c'est-à-dire des comportements déterminés.

Le signe, chez l'animal, est donc toujours unsignal-stimulus ; chez l'homme, en revanche, il est un symbole.

En d'autre termes, comme le souligne R.

Ruyer dansL'Animal, l'homme, la fonction symbolique, « le pas décisif vers l'humanité est franchi lorsque le signal-stimulusdevient signe-symbole, c'est-à-dire lorsqu'il est compris non plus comme annonçant ou indiquant un objet ou unesituation voisine ou prochaine, mais comme pouvant être utilisé en lui-même, pour concevoir l'objet même enl'absence de cet objet » (p.

94).

Car comprendre un signe comme un signal, instinctivement ou après unconditionnement, « n'est pas du tout le comprendre comme symbole.

Au contraire, la fonction-signal bouche lafonction symbole » (p.

98).

Ainsi H.

Keller, aveugle et sourde de naissance, lorsqu'elle comprit ce qu'était le langage,c'est-à-dire qu'on pouvait associer un nom à un être, et que ce nom représentait cet être, connaissait pourtantdéjà 21 « mots » qu'on lui épelait dans le creux de sa main, mais qu'elle prenait pour des signaux : le mot « water »(eau) annonçait l'eau, il ne la symbolisait pas, tout comme la sonnette annonce pour le chien de Pavlov lanourriture, mais ne la représente pas.

Il appartient donc seulement au langage humain, ainsi que le note Benveniste,de pouvoir « procurer un substitut de l'expérience apte à être transmis sans fin dans le temps et l'espace, ce qui estle propre de notre symbolisme et le fondement de la tradition linguistique ». 3) Que « si nous considérons maintenant le contenu du message, il sera facile d'observer qu'il se rapporte toujourset seulement à une donnée, la nourriture, et que les seules variantes qu'il comporte sont relatives à des donnéesspatiales.

Le contraste est évident avec l'illimité des contenus du langage humain ».En effet, même s'il apparaît que chez d'autres espèces animales les contenus des messages peuvent être plusvariés, une caractéristique du comportement de signalisation des animaux, soulignée par les éthologistes, est lenombre limité de ces contenus et le caractère stéréotypé des messages.

En outre, les comportements decommunication sont spécifiques à chaque espèce ou à chaque genre, et ils ne peuvent être modifiés qu'à un degrétrès limité par l'apprentissage, par l'isolation de l'animal ou par son insertion dans la compagnie d'animaux d'une autreespèce.

En revanche, le langage humain est entièrement acquis et conventionnel, et complètement dépendant dumilieu socioculturel. 4) Enfin Benveniste observe que « le message des abeilles ne se laisse pas analyser.

Nous n'y pouvons voir qu'uncontenu global, la seule différence étant liée à la position spatiale de l'objet relaté.

Mais il est impossible dedécomposer ce contenu en ses éléments formateurs, en ses « morphèmes », de manière à faire correspondrechacun de ces morphèmes à un élément de l'énoncé.

Le langage humain se caractérise justement par là ».On a pu nuancer la thèse de Benveniste en faisant remarquer que l'on trouve des rudiments de syntaxe chezcertains animaux comme les primates.

Cependant il reste vrai, et ceci est fondamental, que seules les langueshumaines possèdent une double articulation :— Toute langue, en effet, se compose d'unités douées d'un contenu sémantique (signifié) et d'une expressionphonique (signifiant) que l'on nomme « morphèmes ».

Ces morphèmes ne correspondent pas exactement aux « mots», puisque dans l'énoncé : [il parla] nous avons deux mots mais trois morphèmes : [il] [parl] [a] ; [a] étant bien uneunité significative.

(Première articulation).— L'expression phonique se compose elle-même d'unités distinctives et successives appelées phonèmes.

Ainsi lemorphème [il] se compose de deux phonèmes [i] et [l].

Ces phonèmes sont en nombre déterminé dans chaquelangue, mais ils varient d'une langue à une autre.

(Deuxième articulation.)Cette double articulation du langage fait de ce dernier un système ouvert autorisant un nombre illimité de. »

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