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En quoi notre parole nous engage-t-elle ?

Publié le 12/01/2004

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Cela est dans un certain sens logique, puisque la promesse dont nous nous occupons est noyée parmi d'autres. Il est donc possible qu'une action soit en contradiction avec une promesse, action qui n'aura pas de lien avec la promesse mais qui pourrait choquer par son extérieur, à savoir son côté visible par tous. Nietzsche donc, en présentant sa mémoire de la volonté, « remet la philosophie sur ses pieds » comme pourrait le dire Karl - -Marx (qui fait partie, avec Nietzsche, de ce que certains contemporains ont appelé l'ère du soupçon). En clair, lorsqu'une promesse est faite, peu importe le temps qui s'écoulera entre sa réalisation et le moment où justement elle a été prononcée. Peu de cas doit être fait d'un massacre si la promesse était de rendre le peuple heureux et que celui-ci l'est après une immense boucherie. Il s'agit là bien sûr d'un cas extrême, mais dans la ligne de pensée nietzschéenne. Il n'est donc pas « à craindre de voir céder sous l'effort cette longue chaîne de volonté En effet, l'interaction de promesses d'action, écheveau apparemment complexe, ne peut que s'ordonner avec le temps, le résultat corroborant exactement la promesse initiale. De cette fin de passage transparaît un optimisme certain, à savoir qu'avec le temps cet équilibre promesse-résultat ne peut, grâce à la « mémoire de la volonté », qu'exister. Il nous faut cependant apporter quelques restrictions à ce passage, et faire apparaître les limites du texte. Tout d'abord, on peut reprocher à Nietzsche sa vue trop réductive de la mémoire.

On connaît tous le sens de l'expression "donner sa parole". Cela signifie en effet, dans le sens commun promettre quelque chose à quelqu'un, lui donner la certitude que l'on fera ce qu'on a dit. Et pourtant si on se penche plus précisément sur l'expression, celle-ci semble un petit peu plus complexe. En effet, qu'entend-on exactement par donner sa parole. Tout d'abord, il y a l'idée de donner qui est l'acte par lequel une personne( le donateur) se dépouille sans contrepartie d'un bien en faveur d'un autre( la donataire).  La parole, quant à elle, à bien sûr avoir avec le langage mais en est bien distincte. Si le langage est un système particulier de mots, de signes, la parole désigne l'acte individuel par lequel s'exerce la fonction du langage. Dès lors la parole appartient toujours à quelqu'un puisque elle est ce par quoi l'individu parle, exprime. Donner sa parole, c'est donc céder sans retour ce qui nous est propre? Mais que donne-t-on réellement? Cela est-il un gage de sincérité?

« commué en paroles, un acte retardé.

Kant montrera ainsi dans la Critique du jugement la nécessité morale qui sous-tend la promesse : « un but final ne peut être commandé par aucune loi de laraison, sans que celle-ci ne promette en même temps, quoique d'une manièreincertaine, que ce but peut être atteint » (§ 90).b) Mais la parole peut être rompue : certaines promesses ne sont jamaistenues.

On peut opposer ici les actes aux paroles, et aller, avec Nietzsche,jusqu'à dire que la parole doit être rompue.

Au début de la secondedissertation de sa Généalogie de la morale, Nietzsche n'a pas de mots assezdurs pour les « misérables roquets qui promettent », c'est-à-dire ceux qui,dressés par la morale, ignorent que tout action exige l'oubli, et un au-delà dela morale. "Cet animal nécessairement oublieux, pour qui l'oubli est une force etla manifestation d'une santé robuste.

s'est créé une faculté contraire,la mémoire, par quoi, dans certains cas, il tiendra l'oubli en échec, - àsavoir dans les cas où il s'agit de promettre : il ne s'agit donc nullementde l'impossibilité purement passive de se soustraire à l'impression unefois reçue, ou du malaise que cause une parole une fois engagée etdont on n'arrive pas à se débarrasser, mais bien de la volonté active degarder une impression, d'une continuité dans le vouloir, d'une véritablemémoire de la volonté : de sorte que, entre le primitif « je ferai » et ladécharge de volonté proprement dite, l'accomplissement de l'acte,tout un monde de choses nouvelles et étrangères, de circonstances et mêmes d'actes de volonté, peut se placer sans inconvénient et sans qu'on doive craindre de voircéder sous l'effort cette longue chaîne de volonté." Nietzsche La mémoire, manifestation de la vie, a toujours intéressé les philosophes, et ceci à plusieurs titres.

Toutd'abord, de façon physiologique, pour expliquer ses altérations dans les cas de régression (névrose, apparitionde la mémoire autistique...), puis dans le cadre de recherches sociologiques, comme par exemple M.Halbwachs.

Frédéric Nietzsche, lui aussi, s'est penché sur ce problème en l'appréhendant sous un anglenouveau.

De son étude est apparue la conception d'une « mémoire de la volonté » qu'il développe dans untexte dont l'intérêt est évident.

Nous allons donc dans un premier temps mettre en lumière la structure dupassage, tout en limitant, en un deuxième temps, la portée du texte.L'idée principale du texte est la recherche d'une définition de la mémoire humaine, définition négative s'il enest, puisqu'il l'oppose à l'oubli.

D'autre part, il relève la corrélation étroite existant entre la volonté et lamémoire.

Ce passage se présente en trois articulations, bien qu'il n'y ait qu'une seule et longue phrase.

Toutd'abord, l'auteur nous présente simplement la mémoire (« tenir l'oubli en échec »).

Puis il se pose la question :pourquoi la mémoire? Il rejette une mémoire qui serait « photographique » (impossibilité de se soustraire à uneimpression reçue ou à un engagement irrémédiable) pour nous présenter ce qui est en fait le point nodal dupassage : la « mémoire de la volonté ».

Enfin, il nous donne une explication que l'on pourrait qualifier depratique, à savoir qu'un temps plus ou moins long peut s'écouler entre promesse et accomplissement.

Le style,s'il peut dérouter au premier abord (une longue phrase sans pause), est en fait assez simple (mais il faut seméfier de la fausse simplicité des écrits de Nietzsche), en tout cas plus clair que le langage obscur et empli deparaboles du prophète Zarathoustra.

Une étude en détail s'impose donc pour préciser les jalons de la penséede l'auteur.La première partie commence donc avec une présentation : « cet animal ».

On peut supposer qu'il s'agit del'homme, bien que l'auteur présente celui-ci justement comme « une corde tendue entre l'animal et lesurhomme » (Ainsi parlait Zarathoustra - Prologue).Or cet animal est « nécessairement oublieux ».

L'adverbe insiste donc sur une obligation.

Celle-ci peut être soitle fruit d'une incapacité physiologique due à sa nature même, soit à une décision pure et simple de ne point sesouvenir.

Il y a là une opposition nette avec la conception de certains penseurs.

Tout d'abord, on ne présentepas la mémoire, mais différents niveaux de mémoire.

En ce qui concerne la mémoire sociale (où le passé estrevécu et reconnu), l'on se sert de cadres sociaux pour replacer temporellement et spatialement un fait.L'individu policé se situe donc dans une certaine société où il y a donc prééminence de la mémoire.La mémoire est une garantie de reconnaissance parmi et par les autres individus.

Au contraire, la conceptionde Nietzsche est que « l'oubli est une force et la manifestation d'une santé robuste ».

L'individu se doit de nepoint toujours se référer au passé, mais au contraire d'avoir une vue progressiste.

Quant, dans Ainsi parlaitZarathoustra, l'homme s'éloigne de ses racines, l'animal, pour tendre vers le surhomme, il oublie et s'oublie, etl'image qu'il voit de son ancienne personnalité ne provoque que risée : « Qu'est-ce que le singe pour l'homme?Un objet de risée et une honte douloureuse.

Et c'est exactement ce que sera l'homme pour le sur-homme : unobjet de risée et une honte douloureuse.

»C'est donc bien une force qu'oublier : c'est sur de nouvelles bases qu'il faut ordonner et planifier l'avenir.Cependant, et dans certains cas, « il tiendra l'oubli en échec ».

Il n'y a donc pas complète négation de lasomme du passé et Nietzsche s'explique : « dans les cas où il s'agit de promettre.

» A la fin de cetteintroduction, nous nous apercevons donc de la progression de l'auteur.

Il faut rechercher l'oubli (« signe d'unesprit robuste », pourrait-on dire) mais il ne faut pasaller jusqu'à se renier soi-même.

C'est sur cette constatation que s'achève la première partie qui voit Nietzscheposer les premières pierres d'un édifice qui, à ses fondations, rejette déjà certaines idées de la pensée. »

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