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À quoi reconnaît-on qu'une science est une science ?

Publié le 18/01/2004

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La connaissance scientifique est : a) générale. La connaissance du particulier ne permet ni l'explication, ni la prévision. C'est essentiellement la visée de la relation générale qui distingue, comme l'a spirituellement mis en évidence Henri Poincaré, le point événementiel de l'historien du point de vue intemporel du physicien : « Carlyle nous dit : Jean-sans-Terre est passé par ici, voilà ce qui est admirable, voilà une réalité pour laquelle je donnerais toutes les théories du monde... C'est là le langage de l'historien. Le physicien dira plutôt : Jean-sans-Terre a passé par ici, mais cela m'est bien égal puisqu'il n'y passera plus. » La science, en effet, pense par concepts généraux (comme « la chaleur » ou « les métaux ») et par relations générales et intemporelles, c'est-à-dire non datées, entre concepts : « La chaleur dilate les métaux. » Ce qu'Aristote a exprimé dans la formule célèbre : « Il n'y a de science que du général. »

« Des fontainiers, à Florence, sont surpris par un fait auquel leur pratique les rend sensibles : l'eau ne franchit pasune certaine hauteur-limite, dans une pompe aspirante.

C'est un fait étrange, pittoresque, etc., pas encore un faitscientifique.

Il le devient lorsque Torricelli (puis Pascal) font l'hypothèse théorique que la hauteur du liquide est enparticulier proportionnelle à la pression de l'atmosphère, et qu'ils cherchent alors des faits susceptibles de contrôler,vérifier ou infirmer, cette idée : par exemple, faire la même expérience au pied et au sommet d'une montagne, pour« voir » si la hauteur du liquide reste ou non la même lorsque la pression de l'atmosphère varie.Une interprétation discutable On a l'impression de se trouver maintenant en présence d'une situation simple.

D'un côté l'hypothèse théorique(elle-même inscrite dans une théorie plus vaste : l'hydrostatique, la mécanique des fluides, arti-culée à la mécanique des solides).

De l'autre, un fait scientifiquement élaboré, donc capable d'apporter desinformations pertinentes.

Mais quelles informations ? Dire que la théorie est confirmée par les faits, comme le sujet y invite, paraît d'abord aller de soi (même s'il fautcomprendre : des faits).

On ne confirme que ce qui, d'une certaine façon, est déjà établi, et la théorie, en effet,précède toujours le fait (du moins une théorie scientifique détermine-t-elle toujours consciemment les faitssusceptibles d'être porteurs d'informations pour elle).

Lorsque, le 19 septembre 1648, l'expérience du Puy-de-Dômeest faite, l'hypothèse semble définitivement confirmée.

Mais, en toute rigueur, l'est-elle vraiment ? Quand bien même on multiplierait les faits, aussi solidement construitsqu'ils voient, aurait-on le droit de passer de ces faits à des propositions universellement valables ? Bien plus, rien nepeut assurer qu'une autre théorie, plus simple, plus intéressante, n'expliquerait ou n'expliquera pas mieux les faits enquestions que celle qu'on croyait confirmée par eux. La théorie scientifique est une théorie qui peut être infirmée C'est la thèse de K.

R.

Popper.

« Les théories ne sont jamais vérifiables empiriquement », écrit-il.

« C'est lafalsifiabilité [= réfutabilité] et non la vérification d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation »entre une science authentique et ce qui n'a que les apparences d'une science (La logique de la découvertescientifique, tr.

fr., p.

37).La science doit élaborer les conditions de production de faits capables de l'infirmer, comme c'est le cas dansl'exemple de Pascal proposé plus haut.

Aucune théorie n'est jamais définitivement confirmée.

Qu'un fait invalide unede ses propositions, c'est tout l'édifice qui lui est lié qui peut être remanié, voire abandonné. L'histoire des sciences physiques est celle de leur révolution permanente.

Les théories n'ont qu'une valeur provisoire.

Des faits « polémiques » surgissent qui les contredisent, qui obligent à des révisions.

Tout succèsscientifique ouvre plus de questions qu'il n'en clôt.

Faut-il pour autant sombrer dans le scepticisme et affirmer qu'iln'y a rien qui vaille vraiment ? Comment distinguer, dès lors, la véritable science de la métaphysique ou des pseudo-sciences comme l'alchimie ou l'astrologie ? Et que penser des sciences humaines ? La psychanalyse, la théorie del'histoire de Marx peuvent-elles prétendre légitimement à la scientificité ? Popper , dans « Logique de la découverte scientifique » propose un critère de démarcation, capable d'établir, de manière concluante, la nature ou le statut scientifique d'une théorie.

Il écrit : « C'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation.

En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisseêtre choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'ilpuisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de lascience empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience.

» A l'époque de Popper , on affirmait généralement que ce qui distinguait la science des autres disciplines, c'était le caractère empirique de sa méthode.

Autrement dit, en multipliant les observations et les expériences, lesavant en tirait, en vertu du fameux principe d'induction, des lois qu'il considérait comme nécessaires etuniversellement valides.

Partant de là, les néopositivistes soutenaient que tout ce qui n'est pas vérifiable est« métaphysique » et doit être éliminé de la science.

Or, comme le souligne Popper , l'induction, qui consiste à inférer une règle universelle à partir d'une multitude de cas particuliers et donc des théories à partir d'énoncés singuliersvérifiés par l'expérience, est une démarche logiquement inadmissible : « Peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observé, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs. » Aussi Popper affirme-t-il qu'aucune théorie n'est jamais vérifiable empiriquement et il distingue trois exigences auxquelles devra satisfaire ce qu'il appelle un « système empirique » ou scientifique : « Il devra, tout d'abord, être synthétique, de manière à pouvoir représenter un monde possible, non contradictoire.

En deuxièmelieu, il devra satisfaire au critère de démarcation, c'est-à-dire qu'il ne devra pas être métaphysique mais devrareprésenter un monde de l'expérience possible.

En troisième lieu, il devra constituer un système qui se distingue dequelque autre manière des autres systèmes du même type dans la mesure où il est le seul à représenter notremonde de l'expérience.

» La troisième exigence est la plus décisive.

Comment, en effet, reconnaître le système qui représente notre mondede l'expérience ? La réponde de Popper est la suivante : par le fait qu'il a été soumis à des tests et qu'il y a résisté. Cela signifie qu'il faut appliquer une méthode déductive.

En d'autres termes, si nous ne pouvons exiger des théoriesscientifiques qu'elles soient vérifiables, nous pouvons exiger d'elles qu'elles soient mises à l'épreuve.

Il s'agit pourcela de déduire de la théorie examinée des énoncés singuliers ou « prédictions » susceptibles d'être facilement testés dans l'expérimentation.

Une théorie qui ne résiste pas aux tests sera dite « falsifiée » ou « réfutée » par l'expérience.

Si elle passe l'épreuve des tests, elle sera considérée comme provisoirement valide jusqu'à ce qu'elleéchoue à des tests ultérieurs ou qu'une théorie plus avantageuse apparaisse.. »

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