Devoir de Philosophie

Suffit-il d'avoir raison pour convaincre ?

Publié le 06/11/2004

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Avoir raison, c'est être dans le vrai, avoir un discours adéquat à la réalité des choses et aussi, éventuellement, transmettre ce discours d'une manière rationnelle. Cela s'oppose à avoir tort, être dans l'erreur. En philosophie, convaincre s'oppose traditionnellement à persuader. Persuader, c'est chercher à ce que l'autre se soumette à notre pensée, il y a une notion de pouvoir dans l'idée de persuader. La pensée que l'on impose à l'autre ne peut être que superficiellement assimilée par lui, il suffit qu'il y consente et s'y soumette. Convaincre, c'est détailler à l'autre sa pensée, lui en montrer tous les développements et tous les aspects, avec l'espoir qu'il soit gagné par cette pensée : mais le consentement final à la pensée dépend de celui à qui on l'expose, il est libre de l'approuver ou non. S'il est « convaincu «, c'est qu'il l'approuve en profondeur et en l'ayant complètement comprise. La conviction n'est pas une soumission. L'expression « suffit-il « renferme deux idées : l'idée de nécessité, de besoin (il faut avoir raison pour convaincre), et l'idée d'exclusivité (il n'y a pas besoin d'autre chose que d'avoir raison pour convaincre). Il s'agit donc d'interroger, sous l'angle particulier de la suffisance, les rapports de la conviction et de la vérité, du fait d'avoir raison. Il faut remarquer au passage que le sujet présuppose que la vérité peut être exprimée d'une manière satisfaisante par le langage. Que faut-il pour convaincre ? C'est une question très ancienne posée par la philosophie : que l'on pense par exemple à la critique de la rhétorique développée par Platon. On peut réduire la conviction à la persuasion, ou décider de la soumettre à une exigence de vérité. Dans ce cas, dans quelle mesure convaincre produit-il la vérité ? Et, surtout, la conviction peut-elle être obtenue par la simple production de la vérité ? On pourra envisager les contextes de la conviction et de la production de la vérité pour répondre à la question : toute vérité est-elle productible dans n'importe quel contexte (cf. l'exemple de Galilée : il avait raison, mais le monde dans lequel il vivait avait un système de pensée tel qu'il n'a pas convaincu et a même été violemment attaqué). On pourra envisager également les modalités de cette conviction/production de la vérité : y a-t-il des codes par lesquels on montre que l'on a raison ? Y'a-t-il des règles à respecter, par exemple des règles de composition des textes dans lesquels on cherche à convaincre ? Le sujet réclame donc de prendre un recul critique sur les manières de montrer que l'on a raison, en rapport avec la conviction, pour en comprendre les contextes, les modalités, et finalement fixer la nécessité et plus particulièrement la suffisance du lien entre le fait d'avoir raison et le fait de convaincre.

Attention au sens des mots : « convaincre « ne doit pas être confondu avec « persuader « : « convaincre «, c'est « amener (qqn) à reconnaître la vérité d'une proposition ou d'un fait « (Petit Robert) ; « persuader «, c'est « amener (qqn) à croire, à penser, à vouloir, à faire qqch par une adhésion complète (sentimentale autant qu'intellectuelle) « (ici.)- Il y a ainsi dans « convaincre « l'idée d'une vérité et d'une démonstration rationnelle de cette vérité qui ne se trouve pas nécessairement dans « persuader «, et, inversement, dans « persuader « l'idée d'une mise en jeu du sentiment, de l'affectivité qu'il n'y a pas dans « convaincre «.

Le problème se pose donc de savoir s'il suffit d'avoir raison pour convaincre.

« I.

Thèse : La raison est insuffisante par elle-même pour convaincre autrui, d'où la nécessité d'avoir recours à la persuasion 1) Le constat Dans les conversations les plus banales portant sur les sujets les plus quotidiens, il arrive que nous tombions sur un interlocuteur qui ne veut pas entendre raison, il a l'incrédulité en principe : le scepticisme est se méthode. Dès lors qu'est-ce qui, de moi à autrui, trouble la communication de la vérité que je détiens ? 2) L'homme n'est pas un pur espritSi le discours rationnel n'est pas suffisant pour convaincre autrui, c'est que ma relation à l'autre est source d'ambiguïté.

En effet, ma relation à autrui n'est pas la confrontation de deux pures rationalités, transparentes l'une à l'autre.

Dans la relation de deux purs esprits, parler au nom de la raison suffirait sans doute : il deviendrait même inutile de convaincre autrui.

Mais d'ordinaire les préjugés, les passions sont constitutifs de mon rapport à autrui et rendent le discours rationnel impuissant à se faire reconnaître par lui- même.

Dès lors, que faire ? Deux solutions s'offrent à nous. 3) L'alternativeOu bien, face à mon interlocuteur qui ne veut pas entendre raison, je choisis d'abandonner et je me condamne au mutisme.

Cette solution nous parait indéfendable : elle considère qu'il faut désespérer de l'homme.

Ou bien la raison doit pactiser avec tout ce qui n'est pas rationnel chez autrui.

Autrement dit, la raison doit plaire : c'est ce qu'on appelle persuader.

La raison doit donc s'aider de son contraire ( préjugés vanité, croyances...) ) pour se faire reconnaître : elle doit charmer et, pour cela , se faire passer pour autre que ce qu' elle est. Transition : Mais le recours à la persuasion ne prése nte-il pas un piège pour la raison et son exigence de vérité ? II.

Antithèse: Le danger de la persuasion et son rejet. 1) Danger de la persuasion et son rejet La nécessité pour la raison de plaire peut en fin de compte me pousser à vouloir plaire seulement : si plaire suffit à emporter le consentement d'autrui, alors il n'est même plus nécessaire de parler au nom de la raison.

C'est ce que les so phistes ont compris : la sophistique qui se définit comme un discours qui persuade fait de la séduction la seule règle à suivre.

Le but du Sophiste est de faire paraître beau ce qui est laid, vrai ce qui est faux. 2) Rejet de la persuasion Dés lors quand on veut convaincre, on commence par écarter la séduction.

L'art de convaincre consiste dans la mise en œuvre de démonstrations, dans "la conduite de preuves méthodiques parfaites" (PASCAL, De l'art de persuader).

Convaincre autrui, ce ne peut donc être que l'amener à reconnaître, en toute liberté, la vérité que je lui présente.

C'est pourquoi le seul moyen de convaincre autrui est de parler au nom de la raison, et si cela ne suffit pas, c'est donc que la vérité ne se montre pas d'elle-même, qu'elle doit être air contraire montrée.

Ainsi lorsque DESCARTES commence L e Discours de la méthode en écrivant que "le bon sens est la chose du monde la mieux partagée", il ne veut pas dire que, tous peuvent trouver la vérité, mais que tous peuvent la reconnaître si on la leur montre.

La seule condition requise est chez l'autre l'honnêteté qui consiste à ne pas nier la vérité quand il la reconnaît :c'est ce qu'on appelle la bonne volonté. Transition : Mais la bonne volonté est-elle une condition suffisante pour qu'autrui reconn aisse la vérité quand on la lui montre et soit convaincu ? III.

Synthèse: Il faut rechercher un type de persuasion conciliable avec l' exigence de vérité. »

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