La raison est-elle incapable de donner un sens à la vie ?
Publié le 23/02/2004
Extrait du document
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Mais cela suffit-il à nous garantir contre les illusions ? D'autre part, ce sens est-il transcendant, se trouve-t-ilquelque part hors de la vie même ? Se pose aussi le problème du rapport à l'autre, le lien avec ce que nous nesommes pas, dont pourtant nous dépendons pour vivre.
Vivons-nous pour nous-même ou pour ce qui est autre ?Sommes-nous un être singulier ou une partie d'un tout ? Se poser ces questions, délibérer sur la vie, faitessentiellement humain, signifie peut-être s'approprier son existence.
Il semble aller de soi que tout être vivant tende à persévérer dans l'être et soit attaché à la vie.
Mais il est plusdifficile d'en assigner les causes et d'en mesurer les suites.
Cela provient-il d'un attachement instinctif etinconditionnel ? Mais l'on ne comprendrait pas alors le désir de mort ; non seulement celle des autres, mais parfoisla sienne.
Ou bien faut-il considérer la valeur de la vie comme une donnée rationnelle ? Pourrions-nous doncapprendre à mourir ? Ces hésitations témoignent à nouveau d'une tension, qui résulte de notre nature double : êtresensible et être doué de raison.
L'existence, tout comme la mort, est éminemment individuelle.
Mais si nous noussentons concerné au plus près par la singularité de notre être, nous sommes aussi un être social.
Membre d'unesociété qui elle aussi prétend persévérer dans son être propre, en nous protégeant de nous-même, prenant le relaislorsque nos propres ressources nous abandonnent.
Elle nous oblige à élargir nos perspectives, au risque de nousaliéner.
Si l'existence est difficile, c'est peut-être parce qu'elle doit sans cesse résister à tout ce qui, en elle, l'éloigned'elle-même, à une série de tentations qui la distraient d'elle-même.
C'est autant celles qui veulent l'enfermer dansla réalisation de buts finis et déterminés, que celles qui lui assignent une finalité externe et transcendante.
Autantles bruyantes revendications de l'originalité à tout prix que les facilités du conformisme.
Autant les illusions d'uneliberté déréglée et aveugle que la froide gestion technicienne des déterminismes.
Mais quelque chose nous pousseà vivre, une pulsion incontrôlée, en dépit des problèmes et de l'absurdité apparente, celle de la mort, inéluctable,ou de l'absence de sens.
Nous pallions communément cette absurdité en accordant au présent tous les espoirspermis par l'indétermination du futur.
Par manque d'authenticité nous évitons de regarder en face notre propreexistence et nous jouons la comédie tout en y croyant.
Or l'existence, celle de la vie en général ou la nôtre propre,a-t-elle une raison d'être ? Et à défaut de trouver du sens à tout cela, peut-être nous faut-il, comme Épicure entreautres l'enseignait, apprendre à vivre en saisissant l'instant présent.
CAMUS : Cet insaisissable sentiment de l'absurdité, peut-être alors pourrons-nous l'atteindre dans les mondes différents mais fraternels, de l'intelligence, de l'art de vivre ou de l'art tout court.
Le climat de l'absurdité est aucommencement.
La fin, c'est l'univers absurde et cette attitude d'esprit qui éclaire le monde sous un jour qui lui estpropre, pour en faire resplendir le visage privilégié et implacable qu'elle sait lui reconnaître.Toutes les grandes actions et toutes les grandes pensées ont un commencement dérisoire.
Les grandes oeuvresnaissent souvent au détour d'une rue ou dans le tambour d'un restaurant.
Ainsi de l'absurdité.
Le monde absurdeplus qu'un autre tire sa noblesse de cette naissance misérable.
Dans certaines situations répondre rien à unequestion sur la nature de ses pensées peut être une feinte chez un homme.
Les êtres aimés le savent bien.
Mais sicette réponse est sincère, si elle figure ce singulier état d'âme où le vide devient éloquent, où la chaîne des gestesquotidiens est rompue, où le coeur cherche en vain le maillon qui la renoue, elle est alors comme le premier signe del'absurdité.Il arrive que les décors s'écroulent.
Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatreheures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette routese suit aisément la plupart du temps.
Un jour seulement, le pourquoi s'élève et tout commence dans cette lassitudeteintée d'étonnement.
« Commence ceci est important.
La lassitude est à la fin des actes d'une vie machinale, maiselle inaugure en même temps le mouvement de la conscience.
Elle l'éveille et elle provoque la suite.
La suite, c'estle retour inconscient dans la chaîne, ou c'est l'éveil définitif.
Au bout de l'éveil vient, avec le temps, laconséquence : suicide ou rétablissement.
[...]De même et pour tous les jours d'une vie sans éclat, le temps nous porte.
Mais un moment vient toujours où il fautle porter.
Nous vivons sur l'avenir : « demain plus tard « quand tuauras une situation avec l'âge tu comprendras Ces inconséquences sont admirables, car enfin il s'agit de mourir.
Unjour vient pourtant et l'homme constate ou dit qu'il a trente ans.
Il affirme ainsi sa jeunesse.
Mais du même coup, ilse situe par rapport au temps.
Il y prend sa place.
Il reconnaît qu'il est à un certain moment d'une courbe qu'ilconfesse devoir parcourir.
Il appartient au temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi.Demain, il souhaitait demain, quand tout lui-même aurait dû s'y refuser.
Cette révolte de la chair, c'est l'absurde.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 Quel est l'état d'esprit grâce auquel le problème du sens de l'existence se trouve posé ?2 Peut-on échapper à la question du sens de l'existence ?3 Que retirons-nous d'une méditation de l'absurde ?
Réponses:
1 - Par le sentiment de l'absurde.
C'est par le biais de cette expérience que l'existence se trouve confrontée ausens, à travers l'absence de ce sens : le néant.2 - Oui, et c'est même ce que l'on fait le plus souvent, en se laissant entraîner par un temps rythmé par lesoccupations machinales.3 - La possibilité de vivre autrement le monde ou de voir s'ouvrir un monde nouveau.
Cette conscience de l'absurde.
»
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