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Peut-il y avoir un mauvais usage de la raison ?

Publié le 07/01/2004

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De même, elle appelle à la suppression du désir, lequel précisément ne se satisfait jamais de l'être, de ce qui est, mais est continuellement rongé par l'appel de l'Autrement, de ce qui n'est pas. L'enfant, le fou ■ Surtout tant qu'il ne parle pas, et donc qu'il ne raisonne pas, l'enfant est rejeté dans un monde inférieur, intermédiaire entre l'animalité et l'humanité, que la raison a longtemps considéré comme peu digne d'intérêt. Semblablement la raison repousse le fou et le met à l'écart de la société : M. Foucault dans son Histoire de la Folie, a montré que le « grand renfermement » des malades mentaux dans des asiles est contemporain du rationalisme cartésien. L'imagination, le mythe ■ La raison voit dans l'imagination, selon le mot de Malebranche, « la folle du logis » ; elle condamne également la pensée mythique comme primitive et prélogique. ■ Ainsi, en refusant de prendre en considération tout ce qui lui est étranger, la raison se fait totalitaire, et construit des mondes où elle règne seule. Mais ces mondes sont des univers clos, plaqués sur le réel qu'ils veulent masquer, mondes sans vie ou allant contre la vie : tel est un des reproches majeurs qu'on a pu faire aux utopies politiques en tant qu'hyperrationalisations du monde humain, destructrices de toute déviance, originalité, spontanéité, liberté. Par ailleurs, exclure ne signifie pas supprimer : ce que condamne la raison demeure, et souvent se retourne contre elle. Dans sa critique du rationalisme classique, Freud a montré que ses désirs et passions sont essentiels à l'homme, mais qu'ils s'opposent au principe de nécessité (au travail) qui gouverne le progrès de la civilisation. C'est pourquoi la raison, comme intériorisation du principe de nécessité, doit refouler les désirs inadéquats à la vie sociale, notamment les pulsions d'agressivité.

- La raison constitue une faculté par laquelle la connaissance est rendue possible. - Néanmoins, cette connaissance peut se fourvoyer lorsqu'elle s'éloigne hors du cadre de sa légitimité propre ; hors de ce cadre, la raison "erre", c'est-à-dire évolue hors du domaine de son objet propre. - Quelles sont les modalités particulières de l'errance possible de la raison ? Cette errance doit-elle être l'occasion d'une condamnation ferme, ou bien ne peut-elle, dans le domaine moral essentiellement, constituer la possibilité d'une tolérance nécessaire ?

« A.

Une raison réductrice La raison est une faculté d'ordre ; mais cet ordre, qu'elle érige en Ordre absolu, n'est autre que son ordre, ordrequ'elle impose à tout ce qu'elle considère.

En d'autres termes, en appréhendant un phénomène, la raison le contraintà se soumettre à ses principes, à ses catégories, à ses concepts, au risque de le déformer, de le mutiler ; certainsdiront même que quand un phénomène refuse de se plier à sa loi, elle le nie ou du moins l'ignore. Bergson a ainsi pu critiquer le concept et la logique du concept pur, tous deuxconstitutifs de la raison qui se définit comme la faculté de combiner logiquementdes concepts et des propositions.

Selon lui, en effet, les concepts morcellent leréel en rompant l'unité concrète des objets qui le composent ; en outre, ilsdéforment ce réel en rendant communes à une infinité de choses des propriétéssingulières, et en réunissant dans leur extension et leur compréhension desobjets et des éléments incompatibles entre eux ; enfin, ils figent l'écoulementcontinu de la réalité qui est essentiellement fluide et mouvante.

Dans ces conditions, explique W.

James, « rendre la vie intelligible au moyendes concepts, c'est arrêter son mouvement pour la découper comme avec desciseaux, et pour en immobiliser les morceaux dans notre herbier logique où, lescomparant entre eux comme des spécimens desséchés, nous pouvons établirlesquels, au point de vue statique, en impliquent ou en excluent d'autres, etlesquels, au même point de vue, sont impliqués dans les premiers ou exclus pareux ».

Aussi, « au lieu d'être l'interprétation de la réalité, les concepts sont lanégation absolue de tout ce qu'elle a d'intime » (Philosophie de l'Expérience, tr.Le Brun, 1910, p.

233 et 236).

Nietzsche va encore plus loin queBergson en voyant dans la raisonl'expression d'une crainte et d'unedémission devant la vie.

« La logique, observe-t-il, ne s'applique qu'à des entités fictives, créées par nous.

Lalogique est une tentative de comprendre le monde réel d'après le schéma del'Être que nous avons construit.

» La raison, en effet, est une affirmation del'Être contre le Devenir, de la supériorité du Même sur l'Autre, puisque êtrec'est rester le même, et devenir c'est être autre que ce qu'on était ; or lepremier principe de la raison est le principe d'identité (« Ce qui est, est » ou «A est A »), et pour elle expliquer c'est identifier, c'est-à-dire ramener aumême, l'inconnu au connu.

Cependant, selon Nietzsche, ce n'est pas l'Être quiconstitue la réalité, mais le Devenir, Abîme où s'abolissent toutes choses, etqui exclut l'existence de vérités stables.

C'est la terreur de l'homme devant ceDevenir que tente d'apaiser la raison en construisant un monde fictif decertitudes, celui de la science : « A quoi sert, et, ce qui est pire, où vienttoute science ? demande Nietzsche.

Hé quoi ! le goût de la science ne serait-il que la peur du pessimisme et une feinte pour s'y dérober ? Une défensesubtile contre la vérité ? Et, en termes de morale, quelque chose comme de lalâcheté et de la fourbe ? En termes d'amoralisme, une ruse ? (...) Ne sepourrait-il pas que la prédominance du rationnel, l'utilitarisme théorique etpratiques ne soient...

un symptôme de force déclinante, de vieillesseapprochante, de lassitude physiologique ?» (Textes cités par J.

Granier, Le problème de la Vérité dans la philosophiede Nietzsche, p.

66 et 81). B.

Une raison totalitaire et dangereuse Parce qu'elle es normative, la raison est aussi exclusive : elle rejette tout ce qui n'est pas elle comme faux,mauvais, sans valeur.

Prenons quelques exemples :Le désir et les passionsLa raison proclame qu'il convient de réprimer, d'annihiler les passions, ou du moins de les soumettre à son contrôle :elle pose que les passions ne sont que «maladies de l'âme», désordres et déchéance.

De même, elle appelle à lasuppression du désir, lequel précisément ne se satisfait jamais de l'être, de ce qui est, mais est continuellementrongé par l'appel de l'Autrement, de ce qui n'est pas.L'enfant, le fou Surtout tant qu'il ne parle pas, et donc qu'il ne raisonne pas, l'enfant est rejeté dans un monde inférieur,intermédiaire entre l'animalité et l'humanité, que la raison a longtemps considéré comme peu digne d'intérêt.Semblablement la raison repousse le fou et le met à l'écart de la société : M.

Foucault dans son Histoire de la Folie,a montré que le « grand renfermement » des malades mentaux dans des asiles est contemporain du rationalismecartésien.L'imagination, le mythe La raison voit dans l'imagination, selon le mot de Malebranche, « la folle du logis » ; elle condamne également lapensée mythique comme primitive et prélogique.

Ainsi, en refusant de prendre en considération tout ce qui lui est étranger, la raison se fait totalitaire, et construitdes mondes où elle règne seule.

Mais ces mondes sont des univers clos, plaqués sur le réel qu'ils veulent masquer,mondes sans vie ou allant contre la vie : tel est un des reproches majeurs qu'on a pu faire aux utopies politiques en. »

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