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Raisonnement hypothético-déductif

Publié le 16/12/2004

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Pour préciser en quoi elle consiste, le mieux est de la comparer à l'opération mentale à laquelle on l'oppose, l'intuition. Comme l'indique l'étymologie, l'intuition est une vue; elle se réduit à un coup d'oeil de l'esprit procurant immédiatement une connaissance. Le raisonnement ne se réduit pas à ce coup d'oeil : l'esprit qui raisonne part bien de données intuitives, mais il lui faut passer par des intermédiaires plus ou moins nombreux pour aboutir à une connaissance nouvelle. L'objet de connaissance n'est pas vu : il est conclu. Nous pouvons donc définir le raisonnement l'opération mentale qui de propositions ou de faits donnés conclut à des propositions ou à des faits qui ne sont pas immédiatement donnés. Ou encore, pour revenir à l'acception étymologique du mot, raisonner c'est compter ou calculer : un « livre de raison « est un livre de comptes; « rendre raison « et « rendre compte « dans certains de leurs usages, sont des expressions synonymes. Je vois (intuition) les trois consommateurs assis à la table d'un café; je n'ai pas besoin de les compter. Mais si je veux savoir le nombre de personnes qu'il y a dans la salle, il faut que je les compte. Dans des cas plus favorables, je les calcule : huit tables de six, par exemple, me donnent quarante-huit. Ces quarante-huit personnes, je ne puis pas les tenir ensemble sous le regard de mon esprit en me rendant compte qu'elles sont bien quarante-huit; je n'ai pas l'intuition de leur nombre : ce nombre est conclu ou calculé.

« III.

— CE QU'EST UN RAISONNEMENT HYPOTHETICO-DEDUCTIF. A.

— La notion d' « hypothétique ».Procédant encore par comparaison, nous allons préciser le sens du dernier élément qui reste à examiner dans leterme à définir : « hypothétique », à l'aide de son opposé : « catégorique ».Dans le langage courant, nous qualifions de catégorique une affirmation ou une négation (« refus catégorique ») quine laissent place à aucune réserve ou à aucune objection, excluent toute possibilité de retour en arrière.

Dans levocabulaire de la logique, le mol conserve l'essentiel de ce sens, mais avec une plus grande précision et sans mettrel'accent sur la vigueur de l'affirmation : est dit catégorique un jugement ou un ordre (l' « impératif catégorique » deKANT) qui ne comportent aucune condition, c'est-à-dire inconditionnel; ainsi, tandis qu'en disant : «je viendrai si jesuis libre », je présente ma venue comme conditionnelle, « je viendrai » la donne comme inconditionnelle; mapromesse est alors catégorique.« Hypothétique » est synonyme de conditionnel.

Or, nous venons de voir sur un exemple, les propositionsconditionnelles commencent par « si » ou par une expression équivalente, par exemple « supposé que», « étantadmis que », « dans l'hypothèse où »...Ainsi, une proposition catégorique affirme une chose comme réelle ou comme devant être réelle : il pleut, l'eau estgelée, demain le soleil se lèvera à 5 h.

20.

Une proposition hypothétique indique ce qui suivrait d'une affirmationprise comme hypothèse : si le thermomètre descend au-dessous de 0° l'eau gèle; si j'emprunte 100.000 euros à 8%, à la fin d'une année les intérêts se monteront à 5.000 euros. B.

— Le raisonnement hypothético-déductif.Dans ce raisonnement, c'est la donnée de départ qui est hypothétique, c'est-à-dire se présente sous formed'hypothèse.

Ce caractère hypothétique peut s'exprimer par la conjonction « si » ou par une expression de mêmesens : ainsi les énoncés de problèmes commencent souvent par « supposons » que, et au cours de la démonstrationon dit « étant donné que, par hypothèse ».

Lorsque, pour connaître le nombre de convives présents dans une salle,je constate : « il y a huit tables; or chaque table comporte six convives; donc le nombre total des convives est dequarante-huit », j'ai fait un raisonnement catégorique.

C'est au contraire un raisonnement hypothétique que l'onpropose comme exercice de multiplication en demandant : « Supposez huit tables de huit convives chacune;combien y a-t-il de convives en tout ? »Mais la nature hypothétique des affirmations de départ peut être sons-entendue.

Les énoncés de problèmesomettent le plus souvent : « supposez que » et disent sous forme catégorique : « dans un restaurant il y a sixtables de huit convives chacune...

».

De même le géomètre parle de la circonférence ou du tronc de cône commes'ils existaient, bien qu'il sache qu'ils n'ont d'autre existence que celle que leur donnent ses définitions.Nous pouvons donc caractériser l'opération hypothético-déductive comme un raisonnement par lequel l'esprit tire depropositions qu'il se donne d'autres propositions qui en découlent nécessairement.

Comme on le voit, leraisonnement hypothético-déductif diffère du raisonnement ordinaire en ce que celui-ci part des propositionsdonnées, c'est-à-dire considérées comme vraies indépendamment de toute hypothèse, tandis dans celui-là c'estl'esprit qui, par l'hypothèse ou convention se les donne.Dans les problèmes classiques d'arithmétique, de géométrie ou de physique, il n'y a d'hypothétique que l'objet surlequel porte le calcul, en somme les définitions.

Les principes au moyen desquels on tire de cette donnée lesconséquences qui en résultent — par exemple : les axiomes et les postulats de la géométrie, le principe de causalité— sont catégoriques; le géomètre dit : « étant donné que la ligne droite est le plus court chemin d'un point à unautre », et non : « supposé qu'elle le soit ».

Mais on peut chercher aussi à étendre ce caractère hypothétique à cesprincipes eux-mêmes, se les donnant comme des hypothèses et faisant abstraction de leur vérité ou de leurfausseté.

L'ensemble de ces propositions, toutes hypothétiques, constitue une axiomatique ou un systèmehypothético-déductif. CONCLUSION.

— Dans le langage courant, la qualification d' « hypothétique » prend d'ordinaire une acceptation péjorative : cet adjectif est synonyme de « douteux », « aléatoire ».

Or, tout au contraire, c'est dans la mesuremême où un raisonnement est hypothétique qu'il est certain, irréfutable.

Sans doute, les faits qu'expriment lespropositions catégoriques peuvent être certains; mais, outre que nous majorons souvent cette certitude, ils ne sontpas nécessaires.

C'est au contraire dans le domaine de la nécessité que nous place la méthode de raisonnerhypothético-déductive.Il faut aller plus loin.

Même dans le raisonnement catégorique, lorsque nous opérons suivant les exigences de lalogique, éliminant les facteurs d'ordre irrationnel, nous faisons abstraction du fait que les propositions données sontvraies.

Les prenant comme elles se présentent, nous nous contentons d'en tirer ce qu'elles impliquent.

On neprocède pas autrement dans le raisonnement hypothético-déductif.

Celui-ci n'a donc rien de mystérieux : c'est leraisonnement qui nous est familier, mais réduit à sa forme pure.

En somme, en stricte logique, « raisonnement » estsynonyme de « raisonnement hypothéticodéductif ».Nous nous étions demandé en commençant ce que les mots « hypothétique » et « déductif» ajoutaient à l'idée de«raisonnement».

Nous pouvons répondre que, en un certain sens, ils n'y ajoutent rien.. »

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