Le vrai
bonheur et la maîtrise des plaisirs
Ce resserrement de
la définition du plaisir pourrait consister à préciser ce que c'est
qu'un plaisir réel et stable, dont nous puissions être maîtres.
C'est le rapport de l'homme au plaisir qui est en question : si
l'homme parvient à limiter et maîtriser les objets qui lui sont
susceptibles de lui procurer un plaisir réel et durable, alors il
devient possible de poser une identité entre une recherche de
bonheur et une recherche du plaisir. Cela passe par exemple par une
limitation des désirs : si l'homme ne désire pas des plaisirs vains
ou fuyants, il se donne les moyens d'atteindre un état de bonheur.
La limitation des plaisirs dans la recherche épicurienne de
l'ataraxie, de l'absence de troubles, permet par exemple de poser
une identité entre recherche du bonheur et recherche du plaisir.
Epicure,
Lettre à Ménécée
C'est un grand
bien, croyons-nous, que le contentement, non pas qu'il faille
toujours vivre de peu en général, mais parce que si nous n'avons pas
l'abondance, nous saurons être contents de peu, bien convaincus que
ceux-là jouissent le mieux de l'opulence, qui en ont le moins
besoin. Tout ce qui est fondé en nature s'acquiert aisément,
malaisément ce qui ne l'est pas. Les saveurs ordinaires réjouissent
à l'égal de la magnificence dès lors que la douleur venue du manque
est supprimée. Le pain et l'eau rendent fort vif le plaisir, quand
on en fut privé. Ainsi l'habitude d'une nourriture simple et non
somptueuse porte à la plénitude de la santé, elle fait l'homme
intrépide dans ses occupations, elle renforce grâce à
l'intermittence de frugalité et de magnificence, elle apaise devant
les coups de la fortune.
Partant, quand
nous disons que le plaisir est le but de la vie, il ne s'agit pas
des plaisirs déréglés ni des jouissances luxurieuses ainsi que le
prétendent ceux qui ne nous connaissent pas, nous comprennent mal ou
s'opposent à nous.
La formulation du sujet demande que l’on mette en question une équivalence entre deux termes : celui de « recherche du bonheur « et celui de « recherche du plaisir «. Ces deux termes ont en commun l’élément de la « recherche «, ce qui suppose une attitude active de l’homme, et met donc en jeu une position générale de l’homme par rapport à la conduite de sa vie, position qu’il choisit sciemment.
Les deux termes qu’il faut évaluer l’un par rapport à l’autre sont « bonheur « et « plaisir « : on entend par bonheur un état de satisfaction durable, que l’on définit souvent d’ailleurs comme étant recherché par tout homme, ou comme étant le but de toute vie. Le plaisir est aussi une forme de satisfaction, mais c’est une satisfaction comprise comme plus ponctuelle et plus limitée : on prend du plaisir à telle action, sur le moment où on la fait ; ce caractère évanescent du plaisir a souvent été dénoncé par la philosophie, comme si la quête du plaisir était nécessairement une quête dont la satisfaction se trouvait limitée par la nature même de son objet. Une conception plus satisfaisante du plaisir par rapport au bonheur est-elle envisageable ? Est-ce une illusion que de considérer que la recherche du plaisir peut entrer dans la recherche du bonheur, ou même se confondre avec elle ?