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En réfléchissant sur les formes variées que prend la fête dans le monde d'aujourd'hui, pensez-vous que, comme l'affirme JEAN CAZENEUVE, la fête "confirme la hiérarchie en la niant pour un instant bien déterminé."

Publié le 22/02/2012

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• Les Panathénées à Athènes (Antiquité), grande fête que les Athéniens célébraient en l'honneur d'Athéna, protectrice de leur ville. — Quand Thésée réalisa l'unité politique de l'Attique, il fit de cette festivité la fête nationale de toute la contrée. — Préparatifs et programme de la célébration étaient soigneusement réglementés. — Les Grandes Panathénées avaient lieu tous les quatre ans. Elles duraient au moins quatre jours. Les premiers jours étaient remplis par diverses cérémonies et concours de tous genres à l'hippodrome, au stade... ; régates ou courses navales au cap Sounion ; concours de musique, danse, chant, divers instruments de musique... — Le dernier jour de la fête avait lieu la grande procession (Cf. frise du Parthénon). Le cortège partait du Céramique et, à travers toute la ville se dirigeait vers l'Acropole pour porter à la déesse, dans l'Erechthéion, le nouveau péplos (voile, vêtement) tissé et brodé. — La fête se terminait par une hécatombe (= sacrifice) et un banquet public. • Les Saturnales romaines, fêtes en l'honneur de Saturne, étaient célébrées le 16 des calendes de janvier. Elles finirent par se prolonger sept jours durant. Pendant ces fêtes, toutes les distinctions sociales disparaissaient. Souvent même les esclaves prenaient la place de leurs maîtres qui les servaient à table et les tribunaux, les écoles étaient en vacances. On ne pouvait exécuter les condamnés. On cessait les hostilités. Les esclaves coiffés du bonnet d'affranchi parcouraient la ville en chantant, s'enivraient, se livraient à mille désordres. On purifiait et on lavait les maisons ; on s'envoyait des présents. Quelques riches payaient les dettes de leurs amis ; on voyait même des propriétaires faire remise du loyer échu à leurs locataires ! Des festins magnifiques accompagnés d'orgies se célébraient dans chaque maison. Les gens sérieux ou simplement de goût délicat fuyaient à la campagne les Saturnales qui faisaient le bonheur de la foule. Notons que Saturne est un dieu très populaire en Italie ; c'est un dieu créateur, symbole du Temps, dont le règne — remplacé par celui de Jupiter — était évoqué comme l'époque de l'abondance, de la justice, de la liberté. • Les fêtes burlesques abondent au Moyen Âge : fête des fous, de l'âne, des Innocents. Elles étaient d'une grande liberté et les instincts de la foule s'y donnaient carrière. Elles se précisent, se canalisent dans les soties, pièces théâtrales jouées lors des fêtes et qui sont étroitement en rapport avec le pouvoir : surveillées rudement par Louis XI et François ler, elles jouissent au contraire d'une grande liberté sous Louis XII, prince libéral et débonnaire qui les fit servir à sa cause. Ex. : la pièce Le Prince des Sots soulevait le peuple en faveur du Roi contre le Pape. Telle autre censurait âprement les gens de loi, d'Église, d'université qui justement frondaient le pouvoir royal.

« explosion de l'âme grégaire, joie qui prend ses racines dans la « richesse affective, la connivence de ses membres »(P.

EMMANUEL). II.

La fête...

confirmation de la hiérarchie ? • Cependant les sociologues modernes constatent que le sens de la fête a changé à notre époque.• Certes sous des gouvernements autoritaires comme celui des Romains de l'Antiquité, la fête n'était pas seulementorganisée sous les ordres de l'État ; mais parallèlement à certaines manifestations de plaisirs extériorisés presquephysiologiquement, il en existait d'autres — partant du principe « panem et circenses = pain et jeux pour le peuplespécialement pour l'occuper, le détourner de la tentation de réfléchir sur son sort, « confirm[ant ainsi] la hiérarchieen la niant pour un instant déterminé ».• CAZENEUVE donne à ce propos l'exemple des Saturnales où les esclaves pouvaient, le temps de la fête, inverserleur rôle et celui de leurs maîtres et se faire servir par ces derniers.• Dans cette structuration de la fête, dans toute fête non spontanée, pensée comme un véritable exorcisme par lesautorités, les rôles se figent.• Ce ne sont plus simplement des figures symboliques héritées de la tradition, mais des positions instituées.• Remarquons en effet qu'il est dans la fête deux grands types de rôles, ceux qui participent (qui jouent) et ceux quiregardent (spectateurs).• Or les classes dirigeantes sont bien plus fréquemment les spectateurs, sauf lorsqu'elles se cachent sous desmasques et les classes dominées sont celles qui participent directement, qui jouent pour un temps éphémère, etsouvent ce qui est d'habitude interdit.• Soupape intéressante donnée par un régime autoritaire que cette possibilité pour les dominés de se libérer descontraintes et mépris, le temps d'une fête... • Voilà qui est d'ailleurs vérifié par la manière dont le système soviétique des fêtes, révolutionnaires ou pas, estorganisé, de telle sorte que leur fonctionnement puisse renforcer le système (1 er Mai et son défilé sur la placeRouge).• Car la fête étant une des manifestations de la conscience des peuples, il semble nécessaire que les institutions lacontrôlent.• Occasion d'excès exceptionnellement permis ou d'extériorisation de sentiments, la fête ne sera pas innocente ; elleest réjouissance commémorative par exemple ; citons pour reprendre le cas soviétique, celle qui, exaltant lagrandeur des sacrifices (Stalingrad), donc la grandeur de tout le peuple, le rend alors heureux de sa gloire et il s'enréjouit en foule ; il ne pense pas à ses difficultés : il rentre dans le rang...• Et c'est loin d'être le seul exemple.

En Andalousie, entre autres, une fête annuelle coïncidant avec lacommémoration de l'expulsion des Arabes (Moros y Cristianos) reconstitue l'histoire de leur arrivée, puis lasoumission des chrétiens, enfin leur révolte et leur libération.

Elle semble, puisque chaque épisode restitue la langueet les gestes du passé, libérer les participants des vieilles oppositions.

Or elle met en réalité l'accent sur lesdifférences.• Donc la hiérarchie -- ethnique ici — semble être gommée, mais c'est « pour un instant bien déterminée », les troisjours (environ) des festivités ; et surtout vont se confirmer, par le truchement même de la reconstitution, leshiérarchies qui se sont fixées dans l'histoire.

Car la commémoration, qui rappelle l'enracinement de la présence del'arabe dans la culture espagnole en ayant l'air de le reconnaître, précise bien, finalement, que c'est l'espagnol qui l'aemporté, qu'il n'y a pas à le nier... Conclusion • Ainsi l'enjeu si important que représente toute festivité explique que la société dirigeante tente, spécialementdepuis les temps modernes (XVIe siècle), de la récupérer à son profit.• Plus un pays souffre économiquement, plus la fête, qui le défoule, est utile pour son gouvernement.• Car, comme dans les grands carnavals d'Amérique centrale ou du Sud, la fête apporte une semaine d'explosionvitale, avec même ses excès permissifs : tout peut s'accomplir à la faveur de la licence carnavalesque...

jusqu'à lamort...• Elle donne aux non-privilégiés l'occasion éphémère de se débarrasser des rancoeurs, déceptions, misères qui sontleur lot quotidien, d'avoir l'illusion d'appartenir à l'autre classe, de pouvoir jouir de ses avantages ou du moins de cequ'ils jugent tel : faire et dire tout ce que l'on veut, parader en habits superbes (on additionne toute l'année l'argentqui en permettra l'achat), se donner le luxe de créer, de s'adonner aux arts (danse, musique, peinture des masques,chars, déguisements...), bref jouer le rôle du « grand » pendant une semaine, au son endiablé des sambas.• Puis tout rentre dans le rang, dans un ordre parfois tyrannique, au moins autoritaire ou répressif, une fois la fêteterminée...• N'est-ce pas ce que démontrent les grandes fêtes sportives (Mundial) : la foule ne pense plus qu'au ballon rond etn'en est que mieux tenue en mains !. »

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