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Réhabilitation de la passion ?

Publié le 14/03/2004

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Rousseau, Fourier : les passions, gages de la perfectibilité de l'homme   Perfectibilité: Notion forgée par Rousseau pour désigner la faculté de l'homme à dépasser les déterminations de l'instinct grâce à l'acquisition perpétuelle de nouvelles capacités qui perfectionnent son action et son entendement. «Quoi qu'en disent les moralistes, écrit Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), l'entendement humain doit beaucoup aux passions, qui d'un commun aveu, lui doivent beaucoup aussi. C'est par leur activité que notre raison se perfectionne ; nous ne cherchons à connaître que parce que nous désirons de jouir ; et il n'est pas possible de concevoir pourquoi celui qui n'aurait ni désirs ni craintes se donnerait la peine de raisonner» (Discours sur l'origine de l'inégalité, 1755). Au siècle suivant, Charles Fourier (1772-1837), l'un des chantres du «socialisme utopique», tiendra un discours comparable. Les passions réprimées, entravées, sont d'autant plus redoutables que leur poussée est plus intense. «Nos passions les plus décriées sont bonnes telles que Dieu nous les a données ; il n'y a de vicieux que la civilisation ou industrie morcelée qui dirige toutes les passions à contresens de leur marche naturelle» (Théorie de l'unité universelle, I, 153 - 1841-1843). Hegel : la passion dans l'histoire C'est parce que seul l'individu passionné peut «mettre à l'arrière-plan tous les autres intérêts et fins» - afin de faire aboutir son désir - que l'on peut dire avec Hegel : «rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion» (Leçons sur la philosophie de l'histoire, 1822-1831). Le passionné, autrement dit, ce n'est pas seulement une Phèdre, mais c'est aussi Alexandre, César ou Napoléon. La démarche hégélienne réhabilite ainsi quelque peu la passion, en la désignant comme la trame de l'histoire universelle. C'est que la passion n'est plus pensée ici comme pure passivité : «Passion n'est pas d'ailleurs le mot tout à fait exact pour ce que je veux désigner ici, j'entends, en effet, ici, d'une manière générale, l'activité de l'homme dérivant d'intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l'on veut, d'intentions égoïstes» (ibid.

« grands hommes, formes politiques et organisations économiques, arts et religions, passions et intérêts, figurentla réalité de l'Esprit et constituent la vie même de l'absolu .« L'Esprit se répand ainsi dans l'histoire en une inépuisable multiplicité de formes où il jouit de lui-même.

Maisson travail intensifie son activité et de nouveau il se consume.

Chaque création dans laquelle il avait trouvé sajouissance s'oppose de nouveau à lui comme une nouvelle matière qui exige d'être oeuvrée.

Ce qu'était sonœuvre devient ainsi matériau que son travail doit transformer en une œuvre nouvelle.

» Dans cette dialectique ou ce travail du négatif, l'Esprit, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, se dressechaque fois plus fort et plus clair.

Il se dresse contre lui-même, consume la forme qu'il s'était donnée, pours'élever à une forme nouvelle, plus élevée.

De même que le Fils de Dieu fut jeté « dans le temps, soumis aujugement, mourant dans la douleur de la négativité », pour ressusciter comme « Esprit éternel, mais vivant etprésent dans le monde », de même l'Absolu doit se vouer à la finitude et à l'éphémère pour se réaliser dans savérité et dans sa certitude. Dès lors, ce n'est pas en vain que les individus et les peuples sont sacrifiés.

On comprend aussi que lespassions sont, sans le savoir, au service de ce qui les dépasse, de la fin dernière de l'histoire: la réalisation del'Esprit ou de Dieu.

Chaque homme, dans la vie, cherche à atteindre ses propres buts, cache sous des grandsmots des actions égoïstes et tâche de tirer son épingle du jeu.

Et la passion, ce n'est jamais que l'activitéhumaine commandée par des intérêts égoïstes et dans laquelle l'homme met toute l'énergie de son vouloir et deson caractère, en sacrifiant à ses fins particulières et actuelles toutes les autres fins qu'il pourrait se donner: « Pour moi, l'activité humaine en général dérive d'intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l'on veut,d'intentions égoïstes, en ce sens que l'homme met toute l'énergie de sa volonté et de son caractère au servicede ses buts en leur sacrifiant tout ce qui pourrait être un autre but, ou plutôt en leur sacrifiant tout le reste.

» Mais si les passions sont orientées vers des fins particulières, elles ne sont pas, pour autant, opposées àl'universel.

Le tumulte des intérêts contradictoires, des passions se résout en une loi nécessaire et universelle.L'individu qui met son intelligence et son vouloir au service de ses passions sert, en fait et malgré lui, autrui, encontribuant à l'œuvre universelle.

Telle est la ruse de la Raison: les individus font ce que la Raison veut, sanscesser de suivre leurs impulsions, leurs passions singulières, de même que grâce à la ruse de l'homme, la naturefait ce qu'il veut sans cesser d'obéir à ses propres lois. L'universel est donc présent dans les volontés individuelles et s'accomplit par elles et particulièrement par lamédiation des grands hommes de l'histoire.

Ainsi, par exemple, Jules César ne croyait agir que pour sonambition personnelle en combattant les maîtres des provinces de l'empire romain.

Or, sa victoire sur eux fut enmême temps une conquête de la totalité de l'empire: il devint ainsi, sans toucher à la forme de la constitution,le maître individuel de l'Etat.

Et le pouvoir unique à Rome « que lui conféra l'accomplissement de son but deprime abord négatif » ouvrait une phase nécessaire dans l'histoire de Rome et dans l'histoire du monde: « Les grands hommes de l'histoire sont ceux dont les fins particulières contiennent la substantialité que contrela volonté de l'Esprit du monde.

» Les individus historiques sont donc les agents d'un but qui constitue une étape dans la marche progressivel'Esprit universel.

Mais sans la passion, ils n'auraient ri pu produire.« Ce n'est pas le bonheur qu'ils ont choisi, mais la peine, le travail pour leur but.

[...

] En fait, ils ont étépassionnés, c'est-à-dire ils ont passionnément pour leur but et lui ont consacré tout leur caractère, leur gd etleur tempérament.

[...] La passion est devenue l'énergie de leur moi; sans la passion ils n'auraient rien produire.» Les grands hommes, les peuples avec leur esprit, 1eur constitution, leur art, leur religion, leur science nemaîtrisent pas le sens de ce qu'ils font.

Ils ne sont, que « les moyens, les instruments d'une chose plus élevée,plus vaste qu'ils ignorent et accomplissent inconsciemment ».

Si « Rien de grand ne s'est accompli dans lemonde sans passion », c'est bien parce que les passions sont énergie, incandescence du vouloir, tension versun but, mais aussi et surtout parce qu'elles ne sont que « les moyens du génie de l'univers pour accomplir safin ». La «ruse de la raison» : les passions, instruments de l'histoire universelle «En ce qui concerne le côté moral des passions, elles n'aspirent, il est vrai, qu'à leur propre intérêt.

C'estpourquoi elles n'apparaissent d'un côté que comme mauvaises et égoïstes» (La Raison dans l'histoire, 1830).C'est moi qui suis dans l'action, c'est mon but que je cherche à atteindre.

Mais il ne s'ensuit pas que mon butparticulier est opposé à ce que Hegel appelle l'«universel» : «l'intérêt particulier de la passion est inséparable,écrit-il, de l'actualisation de l'universel» (ibid.).

Ainsi, la folle ambition de César fut-elle un instrumentnécessaire à l'histoire du monde, pour qu'on passât de la liberté fragile qu'offrait une République romainefinissante au principat (d'Auguste), puis à l'Empire, sous lequel la puissance de Rome se trouva enfin restaurée•. »

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