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La relation fondamentale a autrui est-elle l'imitation, la sympathie ou le conflit ?

Publié le 10/10/2005

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Ainsi l'expérience du conflit ne révèle autrui comme conscience que pour déterminer instantanément la destruction de cette conscience. Faut-il admettre d'ailleurs que les rivalités, les conflits, l'expérience «sadique» de la domination comme l'épreuve « masochiste » de la soumission soient privilégiées du point de vue de la connaissance d'autrui ? Il semble à beaucoup que ces expériences pénibles ne permettent pas de communication profonde précisément parce que les consciences rivales cherchent plutôt à se dissimuler qu'à se livrer. Nédoncelle écrit que « la connaissance curieuse ou maligne a pour corrélatif la stratégie défensive de l'opacité et de la dissimulation psychique». LA COMMUNICATION PAR LA SYMPATHIENe serait-ce pas plutôt l'expérience de l'amour, de l'amitié, de la sympathie qui serait susceptible de nous procurer une communication authentique avec d'autres consciences ? Déjà, Saint-Augustin notait qu'on ne «connaît personne sinon par l'amitié» et Max Scheler a développé la thèse selon laquelle la sympathie serait la forme privilégiée de la communication des consciences.Distinguons bien l'amitié de la camaraderie. Sans doute, dans la camaraderie y a-t-il une communication, mais l'origine de la communication est extérieure aux personnes des camarades (c'est la participation à une même classe au lycée, ou à un même groupe de combat, ou à un même parti politique). Comme dit très bien Jean Lacroix : « Les camarades s'oublient... dans leur oeuvre.

« une angoisse mortelle».

Bien plus, je puis comprendre selon Max Scheler des émotions que je n'ai jamais éprouvéesmoi-même.

Je lis dans ce visage une pureté, une candeur que je n'aurais pas soupçonnées auparavant.

Ce regardfurieux me signifie une qualité, une intensité de haine que jamais je n'aurais cru possibles.

Pradines écrit dans cetteperspective que « nous pouvons sympathiser même avec des sentiments que nous ne saurions éprouver soit qu'ilsnous dépassent soit au contraire que nous les dépassions, avec la tristesse de Jésus à Gethsemani ou avec lespetits chagrins d'un enfant».

La connaissance d'autrui bien loin de me renvoyer comme dans la théorie de l'analogieà des expériences familières, élargit au contraire mon horizon, m'apporte d'incessantes révélations. LIMITES ET DIFFICULTÉS DE LA COMMUNICATION DES CONSCIENCES Cette communication directe, intuitive, extra-rationnelle n'est-elle pas entachée de quelqu'illusion? Certes, lesphilosophes contemporains n'ont pas tort d'affirmer que spontanément nous prêtons aux expressions d'autrui unesignification, que nous avons l'impression d'entrer immédiatement en communication.

Mais cette impression vécueest-elle fondée ? Nous imaginons trop volontiers, par exemple, que la signification d'une expression, d'un visage estdonnée à l'intuition immédiate.

Pensons au visage un peu vulgaire de Socrate, à ses lèvres épaisses, à ses gros yeuxà fleur de peau.

Aucune intuition immédiate ne révélait à ceux qui rencontraient Socrate l'âme du grand philosophesous cette écorce peu attirante.

De même l'amour, l'amitié, la sympathie, ne sont pas toujours des moyens deconnaissance, mais bien souvent aussi des facteurs d'illusion.

Le vieil adage selon lequel «l'amour rend aveugle» sevérifie au moins aussi souvent que la thèse de Max Scheler qui voit dans l'amour l'instrument d'une connaissanceauthentique d'autrui.

Alquié remarque avec pertinence : « L'exemple sans cesse repris aujourd'hui de l'enfantdécouvrant spontanément le sens du sourire sur le visage de sa mère loin de justifier sur ce point les analyses àl'appui desquelles on l'invoque, nous paraît seulement témoigner chez les auteurs qui en font usage d'une nostalgiede l'enfance et du sourire maternel qui, en effet, ne trompe pas.

Mais Musset savait bien qu'il est plus difficile dedécouvrir le sens du sourire de sa maîtresse...

D'une sympathie définie comme intuition émotionnelle et infaillible dutoi, il faut dire sans doute, qu'elle serait une bien belle faculté mais c'est malheureusement une faculté qui n'existepas '.

» Et Nédoncelle lui-même, encore qu'il croie à la possibilité d'une communication des consciences par lasympathie, regrette qu'à côté de tant de travaux sur les erreurs des sens, de la perception des objets, il n'existepas d'étude systématique des «erreurs de la perception d'autrui».

Souvent en croyant découvrir autrui tel qu'il est,je ne fais que le recouvrir de mes songes.

Je l'aperçois non tel qu'il est mais tel que je voudrais qu'il soit.

Je prendspour intuition ce qui est projection.

Peut-être, si nous connaissions vraiment les autres, la vie nous serait-elle tropamère et souvent, comme le note Nédoncelle, «la perception que nous avons de l'homme doit finir par setransformer en rêve pour être tolérable2 ».Certes, les psychologues contemporains ont raison d'affirmer contre les thèses intellectualistes que nousconnaissons immédiatement et sans raisonnement l'existence d'autrui.

Mais il n'en est pas de même en ce quiconcerne la connaissance de ce qu'est autrui.

Ici, la réflexion, le raisonnement analogique (avec ses incertitudes),l'analyse attentive et discursive des comportements retrouvent leur place nécessaire.

Si l'affirmation de l'existenced'autrui est originaire, antérieure à toute réflexion et sûre d'elle-même, la connaissance d'autrui est incertaine,approximative et beaucoup moins intuitive qu'il est de mode de le soutenir aujourd'hui.

C'est bien souvent paranalogie avec moi-même, par un travail de réflexion à partir de mes expériences personnelles et de mesconnaissances que je puis entrer en communication avec les états de conscience des autres.

Par exemple, lacruauté si fréquente des enfants à l'égard des animaux reflète non le sadisme mais tout simplement l'impuissance àcomprendre les souffrances d'autres êtres (il faut bien l'accorder aux partisans de la théorie de l'analogie) parmanque d'expérience personnelle et par manque de réflexion.. »

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