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À quoi tient la force des religions ?

Publié le 16/02/2004

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•    Croire n'est pas savoir. Mais la science ne répond pas à tout et l'homme a besoin de trouver des réponses pour donner sens à sa vie. La religion lui apporte des réponses, et d'abord une réponse d'appartenance collective : tout comme il appartient à une communauté sociale, l'homme n'est plus seul, il appartient à une communauté spirituelle. •    À cette appartenance collective s'ajoute le soutien moral individuel qu'est la consolation. L'homme, angoissé par l'idée de la mort, se tourne vers cette puissance protectrice et consolatrice qu'est la religion. •    Mais si la force de la religion tient bien à sa puissance sur la raison mise en échec, et si elle peut abuser de ce pouvoir jusqu'à tuer au nom de la foi, sa force est aussi cette aspiration proprement humaine à se transcender dans une quête de l'absolu.

Introduction 1. La force politique des religions A - Le pouvoir est religieux par nature B - L'exemple des religions antiques 2. La faiblesse des religions universalistes A - L'innovation chrétienne B - L'affaiblissement sectaire 3.La religion, victime d'elle-même A - Le génie moral du christianisme B - La mort de Dieu Conclusion

« [Introduction] Croire en un dieu est un acte de foi, une croyance sans preuves.

Pourquoi est-il possible que des millions de personnes adhèrent aux religions, fondées surdes dogmes invérifiables ? Comment une croyance peut-elle avoir tant d'influence ? Aujourd'hui, dans un monde techniquement et scientifiquement évolué,dans un monde où la rationalité a pris le pouvoir, comment se fait-il que le sentiment religieux soit encore aussi puissant, et même en recrudescence ? [I.

La religion procure un sentiment d'appartenance] Le fait religieux est un fait universel : « On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd'hui, des sociétés qui n'ont ni science ni art ni philosophie.

Maisil n'y a jamais eu de société sans religion », écrit Bergson.

Mais le sentiment religieux est fondé sur la croyance, c'est-à-dire sur une opinion qui n'impliquepas la vérité, contrairement à la science qui se construit sur un savoir vrai, vérifié.Pour le sociologue Émile Durkheim, la religion procure une force et un sentiment d'appui, comparable à ce que chacun éprouve lorsqu'il participe à la viesociale.

La religion est une force sociale, un processus d'intégration, et en ce sens les croyances religieuses sont des croyances collectives.

Leur pouvoirvient de ce que la réalité d'une religion s'accompagne nécessairement d'une Église constituée, hiérarchiquement ou non, mais organisée autour de rites etde cultes.

Les croyances partagées se répandent dans une sorte d'effet « boule de neige ».La force de la religion a été, est, de persuader des peuples entiers d'une vérité révélée : pensons, par exemple, aux pays d'Amérique latine colonisés par lechristianisme espagnol.

Cette colonisation a commencé par l'extermination des Indiens, puis par leur conversion forcée, et enfin aujourd'hui, cinq cents ansaprès l'arrivée de Christophe Colomb, l'Amérique latine est probablement la partie du monde la plus largement et profondément chrétienne.

C'est mêmedans ces pays qu'est née la théologie de la libération : des prêtres, des évêques, acceptent la lutte armée contre les gouvernements qui asservissent lespopulations en les affamant, en les exploitant dans les mines pour un salaire indécent, etc.

D'oppresseur, la religion est devenue libératrice.

Sa force est desoutenir les plus pauvres dans la conquête de leur dignité.

La religion apporte ainsi un réconfort, un appui, le sentiment de ne pas être seul, délaissé.

Etc'est sans doute la première grande force de la religion : rassurer et raffermir le sentiment collectif. [II.

La religion est une force consolatrice] L'homme sait aussi très vite qu'il est un être voué à la mort : les religions permettent d'échapper à cette impuissance.

Elles éclairent l'absurde de la vie endonnant sens à nos actes, et en faisant espérer une vie éternelle, sans inquiétude et sans angoisse.

L'homme a besoin d'infini, de transcendance.

La religionlui permet de s'élever au-dessus de sa condition finie et terrestre.

La science n'a pas réponse à tout.

La religion pallie ces trous noirs du savoir quiangoissent les hommes : d'où venons-nous ? qu'y a-t-il après la mort ? quel est le sens de la vie ? pourquoi tant de souffrance ?Toute religion est une quête de l'absolu.

Chaque religion entretient et garantit une vie meilleure, un paradis après la mort, un retour au monde anhistorique,celui d'avant le péché et la chute, un monde dans lequel chacun est amour.

Elle donne l'espérance, et cet espoir développe la force du désir, la force devivre.

Cette consolation qu'est la religion est une illusion vitale, note Freud, pour qui la religion « est une tentative pour s'assurer le contrôle du mondesensoriel dans lequel nous nous trouvons, au moyen du monde du désir que nous avons développé intérieurement en conséquence de nécessitésbiologiques et psychologiques ».Cette consolation reflète, pour Marx, une misère humaine réelle.

Et si l'homme a besoin de consolation, c'est parce qu'il est toujours dépendant d'uncontexte socio-économique et culturel donné.

Cet « opium pour le peuple », pour reprendre cette formule si célèbre, montre bien la force quasi hypnotique dela religion, refuge des âmes en souffrance qui apaisent leur malheur en adhérant aux dogmes d'une vie meilleure.

Mais la croyance apaise en engendrant ladépendance, comme une drogue : la force de la religion est d'aider en aliénant la liberté.

Le monde actuel, technologiquement performant, scientifiquementévolué, oublie sur le bord de la route les laissés pour compte de l'économie, mais aussi ceux qui ne voient plus aucun sens à cette course effrénée vers laconsommation, vers « le toujours plus » matériel.

Les repères ont disparu, d'autant plus qu'il est clair aujourd'hui que la société de consommation n'apportepas le bonheur, la paix intérieure.

L'autre grande force de la religion est de consoler, en misant sur la puissance de l'irrationnel qui permet de justifier ce quine pourra jamais l'être. [III.

La religion parie sur l'irrationnel] « La force est essentiellement puissance parce qu'elle est pouvoir [...] elle fait », écrit Vladimir Jankélévitch.

C'est pourquoi la religion fait croire que macertitude est vérité.

La preuve n'est pas nécessaire, l'intime conviction suffit.

C 'est au nom de cette intime conviction de posséder la vérité que deshommes ont massacré et massacrent encore d'autres hommes qui ne partagent pas leur croyance.

La croyance religieuse qui veut s'universaliser n'a lechoix qu'entre deux violences : la manipulation des esprits ou la violence physique, les deux étant très souvent liées.

La force de la religion tient donc ici àsa puissance sur la raison : la raison rigoureuse, qui n'accepte pour vrai que ce qui peut être démontré, ne remplit pas toujours la faille intérieure del'homme qui se trouve devant un univers incompréhensible.

L'homme est un être déchiré, et l'irrationnel est tout autant constitutif de son être que sa raison,sinon comment expliquer la force du désir et de la passion, qui peut être la passion de Dieu ? Il y a des fous de Dieu comme il y a des fous du jeu ou de laguerre, des fous de l'art : à l'origine se trouve ce sentiment sur lequel la raison ne semble n'avoir aucune prise et qu'on nomme l'irrationnel.Mais l'homme pourrait-il vivre avec comme seul horizon la raison raisonnable et rationnelle ? C'est la question de Pascal et de Kant qui posent que l'hommene peut pas se satisfaire de ce que lui apporte la raison, et qu'il y a une irrationalité nécessaire qui fonde la morale et la liberté.

L'une de ces irrationalitésnécessaires pour mieux comprendre les hommes est la religion.

Les religions du Livre – la Bible, le C oran – fondent la possibilité morale de l'homme, créé àl'image de Dieu, un Dieu tout-puissant, mais un Dieu d'amour pour les hommes.

L'irrationnel n'est pas le déraisonnable : qu'y a-t-il de déraisonnable àvouloir comprendre l'incompréhensible ? Le déraisonnable est de croire que la raison peut tout.

La plus grande force de la religion est de s'installer dans levide laissé par la raison qui veut tout comprendre, mais qui échoue dès qu'elle dépasse le domaine de notre expérience. [Conclusion] La force de la religion repose donc sur le soutien et la consolation qu'elle apporte à l'homme, soutien collectif et consolation morale.

Mais la croyancereligieuse reste une croyance, quelque chose que l'on ne peut pas démontrer et qui abuse souvent de sa force.

La crainte de la mort pousse les hommes àse soumettre à cette puissance qui permet de donner sens à la vie.

Mais la force de la religion n'est pas uniquement une force négative, fondée surl'ignorance, l'aveuglement, les préjugés.

La force de la religion peut aussi être cette aspiration humaine à s'élever vers l'absolu et à se dépasser.

Ce n'estpas un hasard si le sentiment religieux se redéveloppe aujourd'hui, car l'homme ne peut pas se contenter d'une vie matérielle.

Le danger est de croiredétenir la vérité et de confondre spiritualité et dogmatisme.. »

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