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La Représentation Est-Elle Indispensable Pour Apprécier Et Comprendre Pleinement Une Pièce De Théâtre ?

Publié le 25/09/2010

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La représentation théâtrale existe depuis l’Antiquité, mais la publication des pièces n’est apparue que plus tard, et a permis la lecture des œuvres. Encore plus tard, certains auteurs renonçaient même à la représentation scénique de leur pièce, la destinant uniquement à la lecture. La représentation est-elle indispensable pour apprécier et comprendre pleinement une pièce de théâtre ? Pour le savoir, nous allons voir que oui, elle est indispensable, puis nous verrons en quoi elle ne l’est pas. Enfin, nous étudierons pourquoi le théâtre est avant tout un spectacle.

 

Pour étudier en quoi la représentation théâtrale est nécessaire, nous verrons la vivacité d’une représentation, la mise en scène, puis les inconvénients de la lecture.

Lors d’une représentation, le spectateur assiste à la mise en scène d’une pièce, mais celle-ci est accompagnée d’un décor particulier. Celui-ci rend le tout plus réel, plus vivant, l’histoire plus vraie. De plus, les acteurs offrent une réalité physique plus concrète aux personnages de la pièce. Tout cela rend l’œuvre plus compréhensible pour le public, qui voit les choses en chair et en os. Par exemple, dans Don Juan, de Molière, la mort du héros à la fin de la pièce n’est pas clairement exprimée. Lors de la représentation, cette mort devient concrète, et donc visible au spectateur.

La mise en scène d’une œuvre théâtrale offre plusieurs horizons au metteur en scène, selon la manière dont il a perçut la pièce en la lisant, et selon la manière dont il l’interprète. La représentation lui permet alors de montrer sa vision de la pièce, qui peut être différente de celle du spectateur qui a lu l’œuvre. Cela créé donc une intéressante confrontation d’idées. Par exemple, la pièce de L’Avare, toujours de Molière, offre différentes façon de représenter le héros Harpagon. Certains le montrent sous un jour comique, ridicule, alors que d’autres mettent en avant son côté menaçant pour sa famille. On peut donc dire que la représentation est la continuité inévitable de la lecture.

En effet, la lecture seule ne rend pas l’œuvre théâtrale à sa juste valeur. Le temps utilisé par le lecteur pour lire la pièce modifie la temporalité de l’histoire. Les tons utilisés par les personnages ne sont précisés que par les didascalies, voire pas du tout décrits. Enfin, les dialogues lus non oralement dénaturent également les échanges verbaux, fondements du Théâtre. Dans Le jeu de l’amour et du hasard, Marivaux use de la règle des trois unités, c’est-à-dire une intrigue, en un seul lieu, et en un seul jour. Le temps nécessaire à la lecture, les pauses faites par le lecteur, dénaturent la durée de la pièce, désirée par le dramaturge.

Tout cela fait que la représentation scénique est essentielle à l’œuvre, tant pour la rendre à sa juste valeur que pour le plaisir du spectateur. Nous allons maintenant voir en quoi elle n’est pas indispensable.

 

Pour cela, nous dirons en quoi la lecture est bénéfique au texte lui-même, au lecteur, et enfin en quoi elle est plus adaptée à certaines pièces de théâtre.

Lorsqu’on lit une pièce de théâtre, on accorde plus d’attention au texte, que lorsqu’on l’écoute dans un théâtre. On peut ainsi en saisir beaucoup mieux la force, et découvrir parfois les messages cachés de l’auteur, les jeux de mots, ou les doubles sens. La lecture est d’autant plus indispensable pour les pièces écrites en vers. Par exemple, Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, est écrit en alexandrin. On ne peut saisir cela qu’en lisant l’œuvre, surtout si les alexandrins sont mal récités lors de la représentation.

Le propre de la lecture est de laisser son imagination s’évader. En lisant une pièce de théâtre, le lecteur est plus libre d’imaginer sa propre vision du décor, de l’aspect des personnages. Au fil de la lecture, il peut même en changer, ou s’identifier à un des personnages. Dans Antigone, d’Anouilh, l’auteur précise dans les didascalies (pour le metteur en scène) que le décor est neutre. Ce décor va plutôt à l’encontre de l’univers que le lecteur s’imagine naturellement d’une histoire se déroulant pendant la Grèce antique.

De plus, ce rêve créé par la magie de la lecture s’oppose lors d’une représentation, à l’interprétation arrêtée du metteur en scène. La pièce est alors rigide, enfermée dans l’unique vision choisie pour le spectacle. De plus, elle peut même aller à l’encontre de ce que l’auteur de la pièce désirait, comme une sorte de trahison théâtrale. Le Cid, de Corneille, est écrit en vers. La représentation empêche le rêve propre à la Poésie, et au Théâtre, par l’immobilité du décor, et la finalité de l’interprétation donnée.

Nous avons donc vu en quoi la représentation n’est pas nécessaire à une œuvre théâtrale pour le lecteur. Nous allons maintenant démontrer en quoi le Théâtre est avant tout un spectacle.

 

Pour cela, nous verrons que tout est prévu pour la représentation, que celle-ci passe souvent avant la publication, et enfin que le spectacle est l’aboutissement de la pièce.

Lorsque le dramaturge écrit son histoire, il ajoute aux paroles des personnages des didascalies. Ces dernières donnent des indications sur le décor, les mouvements des personnages, le ton employé dans les dialogues… Ces informations sont là pour faciliter la mise en scène de la pièce. D’un autre côté, elles permettent à l’auteur d’imposer au metteur en scène sa propre vision de la mise en scène, car le metteur en scène est obligé de suivre ces indications. Dans la pièce Ruy Blas, de Victor Hugo, les didascalies sont très nombreuses. Elles permettent d’avoir une idée plus précise de la mise en scène que l’auteur veut donner, comme celle de l’agonie de Ruy Blas lors de la mort du héros.

Beaucoup de pièces de théâtre ont été jouées avant même d’avoir été éditées. Cela prouve donc que le but premier de l’auteur de la pièce a été la représentation, et non la publication. Certaines pièces n’étaient même pas du tout publiées, mais destinées uniquement au spectacle (notamment le Théâtre antique). Ainsi, les pièces de Shakespeare n’ont pu être éditées que grâce à des réécritures de la représentation scénique, tout comme celle des canevas de la Commedia dell’arte.

Enfin, on peut dire que le spectacle est l’aboutissement de la pièce, la concrétisation d’un long travail de l’auteur et d’autres intermédiaires comme les acteurs, les techniciens, les metteurs en scènes… C’est sur scène que l’histoire prend tout son sens, et se finie. Le célèbre auteur de Théâtre, Molière, est l’exemple parfait de l’acheminement d’une pièce du début à la fin. En effet, il était l’auteur, puisqu’il écrivait l’histoire, mais il la mettait aussi en scène avec sa propre troupe, et était même un des acteurs, souvent principal.

 

D’un côté, on peut dire que la représentation théâtrale est essentielle pour comprendre et apprécier pleinement une œuvre, car elle la rend plus vivante, plus réelle que la lecture, et offre une vision plus fidèle. Mais la lecture permet quand même au lecteur d’être plus libre, et de rêver plus facilement que dans un théâtre. Mais le Théâtre reste avant tout un spectacle. On pourrait se demander si le fait que le metteur en scène soit différent de l’auteur trahi la pièce.

 

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