Est-ce que respecter l'humanité, c'est respecter ce qui est propre à l'homme ?
Publié le 01/02/2004
Extrait du document
«
Comme l'a montré Pascal (Cf.
Second discours sur la condition des grands, éd.Brunschvicg, p.
236), il existe deux sortes de respects, correspondant auxdeux sortes de valeurs que nous respectons en autrui, à savoir d'une part des«grandeurs d'établissement» (comme la noblesse), qui sont des grandeurssociales artificielles et conventionnelles en ce sens qu'elles dépendent de lavolonté des hommes et que cette volonté des hommes ne se fonde pas surdes raisons objectives; d'autre part des «grandeurs naturelles» qui, elles,contrairement aux précédentes, ne sont pas arbitraires, mais ont une valeuruniversellement reconnue dans la mesure où elles constituent des qualitésobjectives de l'individu, telles que l'intelligence, la science, la vertu, la santé,la force.
Les deux sortes de respect leur correspondant sont donc :– Le respect d'établissement ou conventionnel, qui est pour ainsi dire desurface : il ne s'agit pas de rejeter ces grandeurs, mais de les reconnaître enles tenant pour ce qu'elles sont : de simples conventions.
Ce type de respects'exprime d'ailleurs par ces autres conventions que sont les formes depolitesse (on s'agenouille devant un roi, mais on se tient debout dans lachambre des princes).– Le respect naturel, ou respect vrai, qui est l'estime, c'est-à-dire lareconnaissance d'une grandeur comme vraie grandeur, digne d'admiration etsusceptible de constituer un modèle.
Aussi le contraire de l'estime est-il «lemépris et l'aversion» (tandis que le contraire du respect d'établissement, c'estl'indifférence).
Respect et crainte
Mais parmi ces valeurs, tant naturelles que conventionnelles, peut-on ranger la force violente ? Puis-je respecter enautrui la force par laquelle il s'impose et me contraint? Des expressions comme « tenir» ou «garder quelqu'un enrespect» semblent bien montrer que la considération qu'enveloppe le respect peut en effet parfois se révéler n'êtrequ'une considération forcée, et le respect se présenter comme une soumission fondée sur la crainte.
Respect et loi
Semblablement, ne puis-je respecter l'autre non pour lui-même mais par respect pour la loi positive, soit par libreacceptation de cette loi, soit par crainte de ses rigueurs ?Un tel respect est certes possible, mais il s'agit alors d'une sorte de respect que nous pourrions dire purementpassif, dépouillé de toute admiration pour son objet comme de toute crainte à son égard, et donc tout près del'indifférence.
Dans ces conditions, on peut contester qu'il y ait réellement respect, si l'on voit dans le respect uneattitude positive, spontanée et libre.
La loi n'ordonne au reste pas de respecter autrui, mais ses droits: le respectqu'elle demande n'est ainsi guère autre chose qu'une limitation de la liberté de chacun par rapport à celle d'autrui.Un tel respect d'autrui imposé par la loi se révèle ainsi moins un respect de l'autre qu'un respect de la loi.
On ne peut respecter que des personnes
Distinguer choses et personnes
Selon Kant, si nous voulons être rigoureux, il nous faut clairement opposer deux types d'êtres:– Les choses, c'est-à-dire tous les êtres qui ne possèdent pas la raison.
Leur valeur, si grande qu'elle puisse êtresur tel ou tel plan, n'est cependant jamais absolue mais relative : les choses sont toujours des moyens.– Les êtres raisonnables ou personnes, c'est-à-dire ces êtres qui seuls sont doués d'autonomie, c'est-à-dire dupouvoir qu'ils ont d'obéir à la loi que leur impose leur nature raisonnable, du pouvoir de se déterminer à agir par laraison.
C'est de cette autonomie que la personne tient sa dignité inconditionnelle.
La personne n'a pas en effetseulement une valeur pour nous, mais une valeur absolue, littéralement une valeur incomparable.
«Tout homme,écrit Kant, a le droit de prétendre au respect de ses semblables et réciproquement il est obligé au respect enverschacun d'entre eux.
L'humanité elle-même est une dignité ; en effet l'homme ne peut jamais être utilisé simplementcomme moyen par aucun homme (ni par un autre, ni même par lui-même), mais toujours en même temps aussicomme une fin, et c'est en ceci précisément que consiste sa dignité (la personnalité), grâce à laquelle il s'élève au-dessus des autres êtres du monde, qui ne sont point des hommes et peuvent lui servir d'instruments.
c'est-à-direau-dessus de toutes les choses.
Tout de même qu'il ne peut s'aliéner lui-même pour aucun prix (ce qui contrediraitle devoir de l'estime de soi), de même il ne peut agir contrairement à la nécessaire estime de soi que d'autres seportent à eux-mêmes en tant qu'hommes, c'est-à-dire qu'il est obligé de reconnaître pratiquement la dignité del'humanité en tout autre homme, et par conséquent sur lui repose un devoir qui se rapporte au respect qui doit êtretémoigné à tout autre homme.»
Le respect ne peut s'appliquer qu'aux personnes
Ainsi, la valeur de l'homme dépassant celle de tous les autres êtres non raisonnables, ces derniers sont des «choses», qu'il peut légitimement utiliser comme moyens au service de ses propres fins.
Dans ces conditions, à strictementparler, on ne peut avoir du respect pour les choses, puisqu'elles peuvent être employées comme des moyens, maisuniquement pour les personnes.
«Le respect, écrit Kant, s'applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux.
»
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