Devoir de Philosophie

Y a-t-il du romancier dans l'historien ?

Publié le 16/06/2006

Extrait du document

Un romancier est celui qui pratique l’art du roman, genre littéraire aux contours mouvants, caractérisé pour l'essentiel par une narration fictionnelle plus ou moins longue, ce qui le distingue de la nouvelle (celle-ci étant traditionnellement un genre littéraire de faible durée). Le roman peut également être défini comme un ouvrage en prose, laissant une forte place à l’imaginaire. Milan Kundera le caractérise comme « forme exploratoire de la vie « en tant qu’il se rapporte aux incarnations diverses de la vie humaine au cours de l’histoire, dont il essaye de traduire, au moins formellement, la singularité.

 

Un historien est un spécialiste de la discipline Historique, c'est-à-dire du discours qui prétend reconstituer la trame et le sens des événements qui ont eu lieu dans le passé. La qualité d’Historien s’acquière en fonction de critères variables selon les pays, mais qui discriminent ceux et celles qui ont droit de le porter a partir d’évaluations universitaires (concours, niveau d’études…).

La question « y a-t-il du romancier dans l’historien ? « peut nous apparaître particulièrement pertinente dans la mesure où elle concerne indirectement la dimension scientifique de la discipline historique. En effet, le propre de l’art du romancier est de mettre en ordre un discours essentiellement fictif : créateur des personnages et des évènements dont il est question dans son œuvre, il ne prétend nullement dire la vérité exacte de ce qui est advenu dans le passé, mais à créer un récit capable de s’affranchir de la norme absolue et contraignante de la vérité. A contrario, l’historien est celui qui prétend faire une ascèse à fin de dire la vérité du passé, de ne rien mêler de subjectif à sa présentation dépassionnée et aussi complète que possible de ce qui est advenu. Cependant, malgré cette ambition, il semble bien souvent que quelque chose de l’art du romancier entre dans l’écriture de l’historien, dans la mesure où ce dernier, à l’image de l’auteur de romans, doit organiser des faits dans un récit, les mettre en scène et, ce faisant, s’expose à les gauchir peu ou prou. Mais nous verrons que précisément, tout l’effort de la discipline historique est de creuser l’écart entre le romancier et l’historien, d’évacuer tout ce qui peut être romanesque dans l’écriture historique afin que celle-ci puisse susciter notre conviction.

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer dans quelle mesure l’historien parvient à éviter l’entrée de toute composante romanesque dans son écriture, de sorte à faire correspondre son travail à des normes de scientificité.  

 

« Le discours nécessairement subjectif de l'historien, à l'image de celui du romancier b.

Allant plus loin, nous dirons que le discours de l'historien est douteux pour une autre raison : parce qu'il s'agit d'undiscours nécessairement partial (en plus d'être partiel).

En effet, un historien étudie toujours une période en raisonde motifs purement subjectifs qui le déterminent à tel intérêt universitaire et avec un point de vue inévitablementsingulier.

Ainsi, l'objet d'étude de l'historien est choisi en fonction de motifs subjectifs et la manière dont il l'étudieest elle aussi purement subjective.

Prenons l'exemple d'un historien à tendances marxistes qui s'intéresseraient à larévolution française de 1789 : ses tendances politiques risquent de fonctionner comme un filtre entre lui et sonobjet d'étude, de sorte qu'il lui sera impossible de la traiter avec l'objectivité que l'on attend d'un véritablescientifique.

C'est donc en raison de la nature propre de son objet d'étude que le discours de l'historien ne peut êtrecru sans réserves : parce que la réalité humaine est complexe et le regard d'un individu sur elle nécessairementpartial et déterminé par ses particularités empiriques (âge, sexe, milieu social, vécu…) que nous ne pouvons croireles historiens qu'en apportant de prudentes réserves à cette croyance.

L'historien, qui prétend se distinguer duromancier par son objectivité, son regard dépassionné sur les faits, est donc lui aussi guidé par des motifs purementsubjectifs.

De même que le romancier n'écrit ses œuvres que sur des thèmes qui le passionnent profondément, lesollicitent intimement, l'historien est également mu par des motifs entièrement subjectifs. II.

Le romancier dans l'historien existe à titre de tentation à laquelle ce dernier résiste au nom de la scientificité de son discours L'Histoire est une science car elle est soumise au critère Popperien de la réfutabilité a.

Cependant, nous ne pouvons en rester à une telle thèse.

En effet, s'il y a des raisons de soupçonner un romancierqui sommeille dans tout historien qui s'exprime, nous devons bien prendre conscience que l'historien s'efforce de nepas mériter cette assimilation au romancier en faisant de son discours un discours proprement scientifique, c'est-à-dire réfutable.

En effet, lorsque nous reprochons à la discipline historique d'être romanesque, c'est-à-dire deprésenter des faits erronés subjectivement agencés, nous lui reprochons de tenir un discours qui peut être réfuté àl'avenir par une découverte (comme la découverte d'un document du passé, ou d'un objet).

Or, n'est ce pas nonseulement le cas pour tous les autres discours scientifiques, sinon le critère définitoire de la scientificité elle-même ?Pour Karl Popper, une hypothèse scientifique n'en est une que si elle est réfutable : tant que les résultats des testsexpérimentaux sont conformes aux prédictions de la théorie, on dit que celle-ci est corroborée par l'expérience.Dans le cas inverse, elle est falsifiée par l'expérience.

Est scientifique tout ce qui peut être falsifié.

Comme l'écritPopper : « Mais comment distinguer le système qui représente notre monde de l'expérience ? La réponse est la suivant :par le fait qu'il a été soumis à des tests et qu'il a résisté à des tests […] Selon cette conception, « l'expérience »apparaît comme une méthode caractéristique qui permet de distinguer un système théorique d'autres systèmesthéoriques.

De sorte que la science empirique semble se caractériser non seulement par sa forme logique maisaussi par la spécificité de sa méthode […] Un système n'est empirique ou scientifique que s'il est susceptible d'êtresoumis à des tests expérimentaux.

Ces considérations suggèrent que c'est la falsifiabilité, et non la vérifiabilité d'unsystème qu'il faut prendre comme critère de démarcation ».

La logique de la théorie scientifique (1935) I, 1,6. Ainsi nous dirons que contrairement aux apparences, le caractère romanesque, potentiellement erroné du discourshistorique est au contraire le garant de sa scientificité.

C'est donc parce que le discours historique est en quelquesorte romanesque qu'il est scientifique, et par conséquent crédible. Des normes scientifiques encadrent le discours historique b.

Nous pouvons également revenir sur la critique que nous avons commence par faire à propos de la partialité dudiscours historique.

Au contraire de ce que nous avons d'abord prétendu, ne pouvons nous dire que le discoursscientifique est un discours encadré par des normes, régi par une éthique de la vérité qui peut être comparée a celledu journalisme ? En effet, le véritable Historien a conscience du caractère partial de sa perception des choses : ils'efforce de limiter celle-ci et de ne présenter une analyse des faits qu'a la suite d'une présentation neutre et aussirigoureuse possible des faits dont il a connaissance.

L'historien est en effet conscient qu'il y a quelque chose d'un. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles