Devoir de Philosophie

RONSARD : A Hélène (commentaire)

Publié le 05/05/2011

Extrait du document

ronsard

Gentilhomme de race, d'abord destiné à la vie de cour, Pierre de Ronsard, devenu sourd, se mit, vers l'âge de dix-huit ans, à refaire ses études, et travailla au collège de Coqueret, sous la discipline de l'helléniste Daurat. Il publia ses premières dès en 1550, s'entoura d'amis épris comme lui de l'antiquité, constitua la Pléiade, et devint chef d'école. Odes, Amours, Hymnes, Élégies, Epopée (Franciade), Discours, etc., se succédèrent entre 1550 et 1580 environ.

TEXTE COMMENTÉ A Hélène (1574).  

1 Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant : « Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ! « 5 Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. 10 Je serais sous la terre, et, fantôme sans os, Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ; Vous serez au foyer une vieille accroupie, 15 Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

(Sonnets peur Hélène, II, 42.) 

ronsard

« ces mots a sa valeur plastique et pittoresque, et contribue à préciser ce tableau d'intérieur, avec son décor et sespersonnages.

— C'est le soir, le moment des souvenirs et des regrets.

Hélène chantera les vers de Ronsard.

Et c'enétait assez pour amener les réflexions sur la fuite de la jeunesse, et la conclusion.

— Mais l'imagination poétique deRonsard complète le tableau ; il en rend la composition plus large et plus vivante ; la servante d'Hélène l'entendprononcer le nom de Ronsard, et, à son tour, elle s'émerveille.

Cette servante, le poète pouvait se contenter de lanommer ; mais il la peint ; elle a, elle aussi, son attitude et ses gestes...

« Desja sous le labeur à demysommeillant...Ne s'aille reveillant, Benissant votre nom...» Grâce à ce second personnage, le tableau s'équilibre.

—Le nom de Ronsard, deux fois répété, n'évoque jusqu'à présent qu'un souvenir.

Ce souvenir, lui aussi, setransformera en une image, formant antithèse avec le tableau précédent.: «Je seray sous la terre, et, fantosmesans os...» vision mystérieuse, effrayante.

Et le poète semble ajouter : « Vous frémissez ? mais vous ne vaudrezguère mieux que Moi.

« Vous serez au foyer une vieille accroupie...» Et par là il complète et renouvelle la descriptiondu début ; tout à l'heure, il avait dit : Assise auprès du feu...

Ici, s'apercevant lui-même comme un fantosme sansos, il revient à Hélène et, devant son horreur, il l'humilie en aggravant les termes...

: une vieille accroupie...Alors, Hélène regrettera l'amour de Ronsard et son dédain à elle.

Donc, reprend le poète, épargnez-vous cesremords dans la vieillesse : « Cueillez d« aujourd'hui les roses de la vie.

» Les deux tercets, contenant lessentiments et la morale, font pendant aux deux quatrains renfermant le tableau. Les sentiments.

— Nous l'avons dit, la conclusion de ce sonnet est, en soi, banale ; elle est inspirée par unépicurisme dont les poètes païens, en particulier Horace, donnaient à Ronsard de nombreux exemples.

— Mais, à ybien regarder, ce n'est pas d'Horace, de Tibulle, de Properce, que s'inspire Ronsard ; c'est plutôt de Pétrarque, etdès lors il y a dans ce petit morceau une complexité morale très intéressante.

— Hélène, vieillie, nous estreprésentée comme la Laure de Pétrarque; elle a reçu avec dignité et avec émotion l'hommage d'un amour exalté, Lafierté qu'elle éprouve à rappeler que Ronsard la célébrait du temps qu'elle était belle, vient précisément de ce qu'ellepeut y mêler une idée de sacrifice et de gloire.

Au poète qui lui annonce qu'elle éprouvera plus tard des regrets deson « fier dédain », elle dirait sans doute qu'elle ne pourra s'en défendre, mais que ces regrets du moins serontd'une exquise et pure douceur, tandis que, si elle obéissait à ses conseils, elle n'éprouverait un jour qu'une sorte derévolte sans dignité contre une vie dont les plaisirs lui ont échappé.

Un parfum exquis de regrets sans remords et devertu mélancolique se dégage du sonnet tout entier ; et les « roses de la vie » qui s'épanouissent au dernier versforment une charmante opposition avec le triste tableau de la « vieille accroupie au foyer ».

C'est comme le bouquetplacé près de la chandelle, sur la table de la fileuse...

Ne semble-t-il pas que Victor Hugo ait écrit la réponsed'Hélène à Ronsard :Je puis maintenant dire aux rapides années : Fuyez, fuyez toujours, je n'ai plus à vieillir.

Allez-vous-en, avec vosfleurs toutes fanées: J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir. Commentaire grammatical.

— Il y a peu de chose à signaler dans ce sonnet, d'une venue très simple, d'une languepresque moderne.V.

3.

Direz, pour vous dire, ellipse du pronom sujet, très fréquente au seizième siècle.V.

4.

Du temps que, au temps où.V.

5.

Lors, alors.

Latin : illam horam, avec l's adverbial.

—Oyant (audientem), entendant, part.

prés.

du verbe ouïr.V.

7.

Bruit, renommée, gloire.

Ce sens se retrouve au dix-septième siècle, dans Molière, Mme de Sévigné, Bossuet.V.

Les ombres myrteux.

Souvenir mythologique, qui vient,comme toujours, gâter ce qu'il y a de plus personnel et de plus naturel chez Ronsard ; c'est la tache de ce beausonnet.

— On peut d'ailleurs entendre ces mots de deux façons :1° Les ombres, les fantômes ; myrteux, qui vivent sous les myrtes, arbres funèbres, arbres sous lesquels sepromènent les bienheureux dans les Champs-Élysées ;2° Les ombres formées par les myrtes, l'ombrage des myrtes.V.

13.

Si m'en croyez, ellipse de vous.V.

14.

Les roses de la vie.

On fera, à propos de ces roses, quelques rapprochements avec d'autres passages trèsconnus de Ronsard : Mignonne, allons voir si la rose...; le sonnet A une jeune morte, et avec Les Roses d'A.

de Baïf.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles