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J.-J. Rousseau écrit dans sa troisième « Lettre à M. de Malesherbes » : « L'or des genêts et la pourpre des bruyères frappaient mes yeux d'un luxe qui touchait mon coeur; la majesté des arbres qui me couvraient de leur ombre, la délicatesse des arbustes qui m'environnaient, l'étonnante variété des herbes et des fleurs que je foulais sous mes pieds tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d'observation et d'admiration : le concours de tant d'objets intéressants qui se disput

Publié le 09/02/2011

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rousseau

Voici un genre de dissertation par lequel d'aucuns aimeraient voir remplacer les sujets traditionnels accusés d'être le refuge des idées vagues, apprises par cœur dans les manuels et « regorgées « telles quelles. D'autre part, l'explication de texte proprement dite (avec ses cinq parties traditionnelles) est considérée comme trop difficile et trop longue. Entre les deux se situe le commentaire, c'est-à-dire une analyse, un diagnostic d'un texte, qui permet de retrouver par ce biais les idées générales déjà connues, mais mal établies, de fonder celles-ci non sur la mémoire, mais sur une opération précise de l'intelligence : voilà qui est la pierre de touche des bons esprits. Un esprit faux, au contraire, tombe ou dans la paraphrase, ou dans le lieu commun appris par cœur. Grâce à ces sortes de sujets, les élèves sérieux, mais malchanceux, ne pourront plus alléguer après leur échec que dans le programme immense de la classe de Première, il fallait nécessairement choisir et que ce choix n'est pas toujours celui des examinateurs qui fixent les sujets.   

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« Introduction. Que de fois n'a-t-on refait le portrait de Rousseau, diagnostiqué son cas! Psychanalystes et médecins, critiques ethistoriens se sont penchés sur lui comme sur un objet de curiosité.

Souvent on a oublié l'étude humble et patientedu texte! I.

— La sensibilité Autant il est facile de décrire les opérations de l'intelligence, autant, quand nous parlons de sensibilité, nous noustrouvons dans le vague.

Pourtant ce que Rousseau dit de lui-même : « Je sentis avant de penser », est vrai de touthomme.

La sensibilité colore tous les états psychologiques leur donne une certaine tonalité en les rendant agréablesou désagréables.

On peut donc parler d'une sensibilité pure ou première, c'est-à-dire de la façon dont les organesdes sens sont affectés, d'une sensibilité affective — les plaisirs du cœur ou ses douleurs, — enfin d'une sensibilitéintellectuelle, c'est-à-dire contenant des éléments de représentation.

D'où : la sensation, qui est passivité, simpleattirance, le sentiment qui est sympathie (au sens étymologique du terme), la représentation qui est activité. 1) La sensation ou la passivité. « Frappait mes yeux, se disputaient mon attention..., m1 attirant sans cesse.

» Tous ces termes insistent moins surl'aspect des choses que sur l'impression qu'en reçoit Rousseau.

On remarquera le caractère primordial de passivité :mais n'est-ce pas là le fait de toute sensibilité qui est attirance, nous dirions presque « tactisme »? C'est la loiuniverselle des êtres vivants; en dehors de cette loi aucune vie n'est possible.

Le propre de l'homme, c'est d'enprendre conscience, de transformer en élément de bonheur une simple disposition physiologique. Telle a bien été la tendance de Rousseau : il suit encore ici « la pente de son être ».

Il ne veut subir la contrainteque lorsque celle-ci lui agrée.

Il se laisse guider, emporter, attirer dans toute direction qui amplifie son être, leprolonge, multiplie les connexions avec la nature. 2) Le cœur ou la sympathie. « D'un luxe qui touchait mon cœur...

d'êtres selon mon cœur ». C'est le cœur qui préexiste : il a dirigé, orienté la sensibilité : celle-ci n'existerait pas sans lui.

Mais le cœur à sontour n'entre pas en vibration à vide : il est sollicité par la sensation; le sentiment reçoit d'elle sa nourriture.

Il nes'agit pas pour Rousseau d'une commotion violente qui bouleverse ou étonne (au sens étymologique de ce verbe),mais d'un état privilégié où l'être se sent dans une harmonie naturelle et primitive avec le monde qui l'entoure,trouve là sa véritable destination, une fois débarrassé de « l'opinion, des préjugés et de toutes les passions factices».

Rousseau parle ainsi chaque fois qu'il veut opposer le luxe naturel au luxe humain qui est corrupteur et ce luxe «touche son cœur plutôt qu'il ne charme ses yeux ».

Ici l'auteur trouve d'autre part les conditions d'un parfaitisolement (« qui me couvraient...

qui m'environnaient ») avec une nuance d'orgueil (« que je foulais »). 3) L'intelligence ou la représentation. « ...

Tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d'observation et d'admiration.

» L'état n'est donc passtable et unique.

Ce n'est pas encore la paix, la libération totale de la 5e Rêverie où toute sensation extérieure estécartée.

Il y a encore un va-et-vient qui est le propre de l'activité de l'esprit sollicité par les choses.

Le bonheurcomplet est arrêt, stabilité : il ne viendra qu'après.

Le mot observation ne doit pas faire illusion.

Rousseau est pluscontemplatif qu'observateur et il n'est botaniste que dans la mesure où il a besoin de l'être, lui qui ne veut étudier lanature que « pour trouver sans cesse de nouvelles raisons de l'aimer » (9e Rêverie).

L'admiration, d'autre part, n'estpas celle du primitif devant les prodiges de la nature, ni celle que provoque en nous l'action d'un homme supérieur.

Il faut presque prendre le terme dans son sensprimitif : mirari, s'étonner.

L'admiration est perte de sa propre personnalité, renoncement à l'orgueil* Trois aspectsde la nature la suscitent en Rousseau : la majesté (grandeur qui dépasse l'être humain), la délicatesse (finesse), lavariété.

Tout cela montre la puissance de l'Etre Suprême qui s'exerce dans tous les sens.

L'admiration muette est lepremier stade du sentiment religieux, dont il sera question plus loin, dans la même lettre, mais qui se prépare déjà ici: « Non, Salomon, dans toute sa gloire », c'est-à-dire : tout ce que font les hommes est inférieur à l'œuvre de Dieu. II.

— L'imagination Ici encore, il faut distinguer deux aspects : un élément passif, la rêverie ; un élément actif : la création. 1) La rêverie (« mon humeur rêveuse et paresseuse »). a) Mon humeur: le mot est typique; « Jean-Jacques suit aveuglément ses penchants ».

Il faut même prendrel'expression dans son sens étymologique : disposition permanente et non, comme aujourd'hui, affection passagère.. »

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