Devoir de Philosophie

ROUSSEAU: Gouvernement et Egalité des citoyens

Publié le 27/04/2005

Extrait du document

rousseau
Ce qu'il a de plus nécessaire, et peut-être de plus difficile, dans le gouvernement, c'est une intégrité sévère à rendre justice à tous, et surtout à protéger le pauvre contre la tyrannie du riche. Le plus grand mal est déjà fait, quand on a des pauvres à défendre et des riches à contenir. C'est sur la médiocrité seule que s'exerce toute la force des lois ; elles sont également impuissantes contre les trésors du riche et contre la misère du pauvre ; le premier les élude, le second leur échappe ; l'un brise la toile, et l'autre passe au travers. C'est donc une des plus importantes affaires du gouvernement de prévenir l'extrême inégalité des fortunes, non en enlevant les trésors à leurs possesseurs, mais en ôtant à tous les moyens d'en accumuler, ni en bâtissant des hôpitaux pour les pauvres, mais en garantissant les citoyens de le devenir. Les hommes inégalement distribués sur le territoire, et entassés dans un lieu tandis que les autres se dépeuplent ; les arts d'agrément et de pure industrie favorisés aux dépens des métiers utiles et pénibles : l'agriculture sacrifiée au commerce ; le publicain' rendu nécessaire par la mauvaise administration des deniers de l'État ; enfin la vénalité poussée à tel excès que la considération se compte avec les pistoles', et que les vertus mêmes se vendent à prix d'argent : telles sont les causes les plus sensibles de l'opulence et de la misère, de l'intérêt particulier substitué à l'intérêt public, de la haine mutuelle des citoyens, de leur indifférence pour la cause commune, de la corruption du peuple, et de l'affaiblissement de tous les ressorts du gouvernement. ROUSSEAUPour être juste, le gouvernement doit instaurer l'égalité la plus parfaite possible entre les citoyens, seul moyen pour faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers.
rousseau

« Comment « prévenir cette extrême inégalité des fortunes ? » Rousseau semble rejeter ce qui pourrait s'apparenter àun nivellement a posteriori, et en appeler à une organisation économique et sociale excluant, dans son principemême, la corruption.

C'est négativement qu'il évoque les traits d'une telle organisation.

Équilibre démographiqueopposé à l'« [inégale distribution] sur le territoire » ; revalorisation des métiers « utiles » au regard du luxe et del'artifice ; protection de l'agriculture contre les méfaits du commerce ; assainissement de l'administration publique.Un tel programme peut se déduire du constat critique effectué par Rousseau de ce que tend à devenir la société deson époque.

À bien des égards, ce constat ne vaut-il pas encore aujourd'hui ? Au-delà de la différence descontextes historiques serait alors en jeu la mise en évidence des tendances profondes de toute société, marquéepar la corruption et soumise au règne de l'argent.

L'apologie sans nuances, aujourd'hui, de l'« économie de marché »n'est pas sans rapport avec la « vénalité » que Rousseau stigmatise.

Et l'exaltation du règne des « gagneurs »,courante dans les sociétés capitalistes, pudiquement rebaptisées « libérales », n'appelle-t-elle pas le jugementcritique formulé avec vigueur par l'auteur du texte lorsqu'il écrit « la considération se compte avec les pistoles » ? Les quatre dernières lignes du texte soulignent les dangers que les trop grandes inégalités sociales font courir augouvernement, et à la société elle-même.

Considérations très actuelles là encore, lorsqu'on songe audéveloppement de la violence, de la délinquance, du sentiment d'exclusion, du mépris du bien public, dans unesociété entièrement soumise aux fascinations de l'argent.

L'intérêt public, notamment, survit difficilement à sapropre usurpation par l'intérêt particulier, ou à la disparité trop accentuée des conditions sociales.

Dans le Contratsocial, Rousseau précisait qu'égalité et liberté sont étroitement solidaires.

Rappelons le texte du chapitre 11 du livreII : « à l'égard de l'égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soientabsolument les mêmes, mais que, quant à la puissance, elle soit au-dessous de toute violence et ne s'exerce jamaisqu'en vertu du rang et des lois, et, quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoiracheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre ». Conclusion La force singulière du texte de Rousseau réside dans son souci d'asseoir la force des lois, le droit, sur une justicesociale authentique.

Sans un tel point de vue, le droit lui-même n'apparaîtrait-il pas comme une simple clause destyle, indifférente à ses conditions d'application ? À cet égard, Rousseau échappe au reproche d'abstraction etd'idéalisme qui trop souvent lui fut adressé.

Il anticipe la critique marxiste des idéologies de justification de l'inégalitésociale, et, d'une certaine façon, met en garde contre la seule affirmation d'un « état de droit », affirmation qui nes'assortirait pas de la prise en compte des conditions sociales effectives qui lui donnent sens — ou au contraire ladisqualifient.

Rousseau lui-même écrivait dans le Discours sur l'économie politique, d'où est extrait notre texte, unephrase qui a conservé toute son actualité : « Le prétexte du bien public est toujours le plus dangereux fléau contrele peuple.

» ROUSSEAU (Jean-Jacques). Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778. Il n'est pas dans notre propos de résumer la vie de Rousseau, sou séjour aux Charmettes chez Mme de Warens, àMontmorency chez Mme d'Épinay, ses travaux de musique, sa persécution par les catholiques comme par lesprotestants, son voyage en Angleterre après sa fuite de Suisse ou l'hospitalité du marquis de Girardin à Ermenonville.Non plus que la mise à l'Assistance Publique des cinq enfants qu'il eut de Thérèse Levasseur, ou sa brouille avecGrimm et Diderot.

Jean-Jacques Rousseau fut seul, chassé de partout, et c'est en méditant sur son existencemalheureuse, qu'il a pu énoncer sa doctrine de philosophe.

Sa philosophie n'est pas un système, mais une vision dela condition humaine.

— Contrairement aux Encyclopédistes, l'homme, pour Rousseau, est naturellement bon etjuste.

Il fut heureux lorsqu'il vivait sans réfléchir, au milieu de la nature, uniquement préoccupé des soins matérielsde la vie quotidienne.

Puis, il a cherché à paraître, à dominer.

Il a inventé la propriété.

Sont venus l'inquiétuded'esprit, le goût du luxe, l'ambition, l'inégalité, les vices, la philosophie.

La société a corrompu l'homme, en l'élevant àla moralité.

La vie idéale n'est pas le retour à l'état de nature ; mais elle doit se rapprocher le plus possible de la vienaturelle.

C'est le coeur qui fournit à l'homme la preuve des vérités morales et religieuses, qui lui permet de goûteraux plaisirs de la générosité, de la bienfaisance, de l'amitié.

L'enfant, naturellement bon, doit être éduqué de façon«négative».

Il faut laisser libre cours à son propre développement.

Rousseau prône les vertus de l'intuition et del'émotion.

— Le fondement de toute société, c'est le contrat social, par lequel chaque contractant renonce à sapropre liberté au profit de la communauté, et se soumet à la volonté générale.

Rousseau pose ainsi le principe de lasouveraineté populaire.

Tant en littérature qu'en philosophie ou en politique (la Révolution française le revendiqua),l'influence de Rousseau fut considérable.

Il a véritablement transformé la sensibilité humaine.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles