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Rousseau: La nature est-elle égalitaire ?

Publié le 08/03/2005

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rousseau
[...] il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes, plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société. Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui en dépend, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a été élevé, que de la constitution primitive des corps. Il en est de même des forces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de la différence entre les esprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui se trouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu'un géant et un nain marchent sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autre donnera un nouvel avantage au géant. Or, si l'on compare la diversité prodigieuse d'éducations et de genres de vie qui règnent dans les différents ordres de l'état civil avec la simplicité et l'uniformité de la vie animale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même manière et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien la différence d'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que dans celui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter dans l'espèce humaine par l'inégalité d'institution.

DIRECTIONS DE RECHERCHE    • Quel est ici le but de Rousseau ?  — Se demander si les inégalités entre les hommes sont dues uniquement à « la nature « ou à « la culture «.  — Se demander si ses inégalités sont plus à mettre au compte de la culture que de la nature.  — Se demander si l'inégalité s'accroît ou se résorbe par la « culture «.  — Établir que l'inégalité était moindre à l'« état de nature « qu'elle n'est dans l'état de société.  • Que signifie ici « l'état civil « ?  • Quelles réflexions faites-vous à propos de l'argumentation de Rousseau ?  — Etablit-il ce qu'il en était lors de l'état de nature à partir d'éléments empiriques datant de « ce temps-là « ?  — Que pensez-vous de ses comparaisons ? (On dit que comparaison n'est pas raison)  — Que pensez -vous de l'articulation entre ce qui est dit à la première phrase et ce qui est dit dans les deux phrases suivantes ? (remarquez notamment « uniquement « et « viennent souvent plus « alors que les deux phrases sont  reliées par « ainsi « ).  • Que pensez-vous de la thèse de Rousseau ?  • En quoi ce texte présente-t-il un intérêt philosophique ?

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« 2.

Les inégalités naturelles ont une origine biologique.

Elles sont dues à l'hérédité, elles sont innées (on naît avec).Par contre, les inégalités sociales ont pour origine le milieu dans lequel on vit.

Elles sont donc transmises etacquises, surtout par l'éducation.

Par exemple, pauvreté, nationalité ne sont pas héréditaires.

La couleur des yeuxet de la peau est héréditaire.3.

Cherchez la définition d'« incompatible ».

Demandez-vous si le progrès des sociétés s'accompagne d'un progrèsmoral qui réduirait les inégalités.Justice et progrès ne s'excluent-ils pas? Ce a quoi le texte s'oppose Rousseau conteste, dans cet extrait du Discours sur l'origine de l'inégalité, le préjugé selon lequel la nature estinégalitaire et instaure des différences de constitution entre les hommes, aussi bien sur le plan physiquequ'intellectuel.L'opinion commune affirme, en effet, que la nature a fait les uns plus robustes, les autres plus fragiles, les uns moinsintelligents, les autres plus rusés, etc.

Les sophistes grecs de l'Antiquité s'appuyaient d'ailleurs sur ces différencesnaturelles pour poser que seuls les plus forts doivent commander aux plus faibles.

Ainsi, pour eux, l'inégalité desdroits civils devait trouver sa justification dans l'inégalité que la nature avait instituée entre les hommes.

Dans ledialogue qu'il a intitulé Gorgias, Platon nous présente même le sophiste Calliclès soutenant, face à Socrate, la thèsesuivante : la véritable justiceest celle qui respecte les inégalités naturelles ; il est donc juste que les plus forts dominent les plus faibles etdeviennent les chefs dans une cité puisqu'ils sont, par nature, les plus forts.Rousseau s'oppose totalement à cette idée et inverse la perspective précédente : l'inégalité civile ne peut être,selon lui, légitimée par une prétendue inégalité naturelle puisque, dans l'état de nature, « l'uniformité de la vieanimale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même façon et font exactement lesmêmes choses », rend minimes les différences d'homme à homme.L'auteur déduit de cette constatation la loi selon laquelle l'inégalité naturelle augmente, dans l'espèce humaine, enproportion de l'inégalité d'institution, c'est-à-dire à mesure que les différences culturelles augmentent entre leshommes.

Ce que défend ce texte: Ce n'est donc pas la nature qui produit de l'inégalité, mais bien la culture.

En civilisant les hommes, la société créede l'inégalité et, souvent, des différences qui passent pour naturelles « sont uniquement l'ouvrage de l'habitude etdes divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société ».Par cette affirmation, Rousseau accorde à l'éducation toute son importance, en montrant qu'elle n'influence pasuniquement l'épanouissement des esprits, mais aussi des corps.

Un corps robuste ou délicat l'est moins en raison desa constitution naturelle, donnée une fois pour toutes, qu'en fonction de la manière, dure ou délicate, selon laquelleil a été élevé.L'argumentation de Rousseau s'appuie ici sur le caractère le plus manifeste de la culture, à savoir l'extrême variétéde ses manifestations, des comportements et des manières de vivre que les différentes sociétés humaines nousdonnent à voir.Les inégalités qui en découlent se renforcent toujours davantage, au cours de l'existence, comme l'illustre l'image dugéant qui, à chaque pas, augmente l'écart qui le sépare du nain.

Cette image sert à nous faire comprendre quel'inégalité culturelle, qui prend sa source dans les différences d'éducation, non seulement ne peut jamais êtrecomblée, mais s'accroît même au fur et à mesure que les existences individuelles se déroulent.En inversant ainsi la perspective traditionnelle, à propos de l'origine de l'inégalité, ce texte engage par là même uneréflexion d'ordre politique.

Si les inégalités naturelles, certes inévitables, sont minimes, celles qu'institue une sociétépeuvent être supprimées, et avec elles les injustices qu'elles entraînent.Nul pouvoir et nul privilège social ne peuvent donc s'appuyer sur une soi-disant supériorité naturelle pour justifierleur exercice, et ils peuvent être contestés pour le motif qu'ils reposent en réalité sur l'arbitraire de la culture.

Le discours de Calliclès. "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent desblâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcherque ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres etque l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux àde tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en seréférant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus quele moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, cheztoutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités !. »

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