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ROUSSEAU: De la religion naturelle.

Publié le 28/04/2005

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Vous ne voyez dans mon exposé que la religion naturelle : il est bien étrange qu'il en faille une autre. Par où connaîtrai-je cette nécessité ? De quoi puis-je être coupable en servant Dieu selon les lumières qu'il donne à mon esprit et selon les sentiments qu'il inspire à mon coeur ? Quelle pureté de morale, quel dogme utile à l'homme et honorable à son auteur puis-je tirer d'une doctrine positive, que je ne puisse tirer sans elle du bon usage de mes facultés ? Montrez-moi ce qu'on peut ajouter, pour la gloire de Dieu, pour le bien de la société, et pour mon propre avantage, aux devoirs de la loi naturelle, et quelle vertu vous ferez naître d'un nouveau culte, qui ne soit pas une conséquence du mien. Les plus grandes idées de la Divinité nous viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure. Dieu n'a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu'est-ce que les hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions humaines. Loin d'éclaircir les notions du grand Être, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent ; que loin de les ennoblir, ils les avilissent ; qu'aux mystères inconcevables qui l'environnent ils ajoutent des contradictions absurdes ; qu'ils rendent l'homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu'au lieu d'établir la paix sur la terre, ils y portent le fer et le feu. Je me demande à quoi bon tout cela sans savoir me répondre. Je n'y vois que les crimes des hommes et les misères du genre humain. On me dit qu'il fallait une révélation pour apprendre aux hommes la manière dont Dieu voulait être servi ; on assigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu'ils ont institués, et l'on ne voit pas que cette diversité même vient de la fantaisie des révélations. Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l'a fait parler à sa mode et lui a fait dire ce qu'il a voulu. Si l'on n'eût écouté que ce que Dieu dit au coeur de l'homme, il n'y aurait jamais eu qu'une religion sur la terre. Il fallait un culte uniforme ; je le veux bien : mais ce point était-il donc si important qu'il fallût tout l'appareil de la puissance divine pour l'établir ? Ne confondons point le cérémonial de la religion avec la religion. Le culte que Dieu demande est celui du coeur ; et celui-là, quand il est sincère, est toujours uniforme. ROUSSEAU

Rousseau appelle Dieu la « volonté puissante et sage « qui « meut l'univers et ordonne toutes choses «. Il en conçoit l'existence nécessaire par l'usage de sa raison ; il le discerne dans « le spectacle de la nature « ; il s'adresse à lui mais ne le prie pas, car lui demander quelque chose reviendrait à contester l'ordre du monde établi par sa sagesse, plutôt que de changer la volonté de l'homme ; enfin, il lui rend un culte par l'ouverture de son coeur : sa pratique religieuse se réduit à une morale du sentiment.  Telle est la religion naturelle ou théisme : elle consiste à remonter, par les lumières de la raison, depuis l'ordre de l'univers jusqu'à son auteur, l'« architecte «, I'« horloger « dont parle Voltaire. Cet Être suprême, le Dieu des philosophes, a peu à voir avec le Dieu des religions historiques ; il est d'ailleurs accessible sans la médiation d'une révélation, d'un arsenal de dogmes, ou d'une Église, qui ont pour seul effet de répandre l'intolérance, « les crimes des hommes et les misères du genre humain «.  L'audace de telles affirmations, sous l'Ancien Régime, explique la condamnation de l'Émile par l'archevêque de Paris, et sa censure par les docteurs de la Sorbonne.

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« suprême dont l'existence et la nature peuvent être déterminées par les facultés naturelles de l'homme.

Dans cesens, le déisme renvoie à ce qu'on appelle le Dieu des philosophes par opposition au Dieu des Écritures ; ou encore,il renvoie à ce que le XVIIIe siècle appelait « religion naturelle » par opposition à la « religion positive » ou religionlittérale et statutaire.

Kant lui-même donne une définition du déiste, qu'il distingue du théiste.

Pour lui, le déisteadmet l'existence d'un « être primitif » qui est « toute réalité », mais il renonce à le définir davantage ; au contraire,le théiste tient qu'on peut déterminer davantage « cet objet de pensée » et affirmer qu'il est « le principe premierde toutes choses ».

À quelque degré, l'usage philosophique a retenu cette distinction : le déisme équivaut à unecroyance en Dieu qui reste volontairement imprécise, par refus soit de l'enseignement des Églises, soit desprétentions de la métaphysique ; le théisme accorde à la raison le pouvoir de démontrer l'existence de Dieu et dedéterminer sa nature créatrice par analogie avec la nature créée.

Aussi, les principes absolus (ce que certainsappelleront la religion naturelle, celle qui peut être développée par la raison humaine sans l'aide de la Révélation etqui sera naturelle parce qu'elle est, en droit, acceptable pour tout homme) peuvent être atteints par la penséerationnelle, à tel point qu'un schéma du monde tel qu'il est en lui-même, c'est-à-dire dans l'esprit divin, peut êtretracé. « Les plus grandes idées de la Divinité nous viennent par la raison seule.

Voyez le spectacle de la nature, écoutez lavoix intérieure.

Dieu n'a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu'est-ce que leshommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions humaines.Loin d'éclaircir les notions du grand Être, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent ; que loin de lesennoblir, ils les avilissent ; qu'aux mystères inconcevables qui l'environnent ils ajoutent des contradictions absurdes; qu'ils rendent l'homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu'au lieu d'établir la paix sur la terre, ils y portent le fer et lefeu.

Je me demande à quoi bon tout cela sans savoir me répondre.

Je n'y vois que les crimes des hommes et lesmisères du genre humain.

» Tout homme devant la nature éprouve un certain sentiment du divin.

La redécouvertede la nature prend ici un sens véritablement religieux .A cela, on peut trouver une raison historique La promenadeest devenue une habitude depuis le 18 e siècle.

Jean- Jacques Rousseau dans La Nouvelle Héloïse, montre aussi l'effet purificateur de la promenade en montagne : «Il semble qu'en s'élevant au-dessus du séjour des hommes, on ylaisse tous les sentiments bas et terrestres, et qu'à mesure qu'on approche des régions éthérées, l'âme contractequelque chose de leur inaltérable pureté.

» La promenade est un exercice de marche à caractère morale etascétique et un véritable acte de contrition.

C'est en s'élevant, par exemple, au-dessus de la mer de nuages pourreprendre le célèbre tableau de Friedrich que l'homme va s'élever au-dessus de la vallée de la conscience.

Au dessusde cette mer de nuages, le ciel est clair, les brumes sont oubliées, et Dieu peut enfin se manifeste dans les choses.L'homme peut s'identifier à Dieu, et s'oublie dans le Tout.

«La contemplation de paysage tourne donc vite à la prièreet à la méditation .On remercie le créateur, on s'émerveille de la grandeur de la puissance de l'harmonie des chosesoù s'expriment celles des vérités transcendantes.

» [1] Cette contemplation de la nature nous rappelle notre réalité caduque et aussi immortelle.

Cette émancipation de l'homme de la nature en tant que lieu d'un simple travail, luipermet d'admirer la nature et la percevoir sous un jour neuf et voir ce qui se véritablement en elle.

Cette volonté deretrouver Dieu dans la nature n'est donc pas neutre.

C'est une réponse au problème de la mort de Dieu qui a suscitédes débats au 18 e siècle et qui eut des conséquences politiques indirectes.

Un travail de repoétisation du monde s'est avéré nécessaire pour fonder une religion qui prendrait sa source dans la nature.

Cette présence- absence deDieu sera rendue sensible par des intellectuels qui en feront la définition d'un panthéisme chrétien et non d'unathéisme. « On me dit qu'il fallait une révélation pour apprendre aux hommes la manière dont Dieu voulait être servi ; onassigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu'ils ont institués, et l'on ne voit pas que cette diversité mêmevient de la fantaisie des révélations.

Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l'a fait parler àsa mode et lui a fait dire ce qu'il a voulu.

Si l'on n'eût écouté que ce que Dieu dit au cœur de l'homme, il n'y auraitjamais eu qu'une religion sur la terre.

Il fallait un culte uniforme ; je le veux bien : mais ce point était-il donc siimportant qu'il fallût tout l'appareil de la puissance divine pour l'établir ? Ne confondons point le cérémonial de lareligion avec la religion.

Le culte que Dieu demande est celui du cœur ; et celui-là, quand il est sincère, est toujoursuniforme.

» En effet, si la nature est le corps de Dieu, on n'a plus à attendre la révélation de l'Ecriture.

Dieu ne semanifeste pas comme une personne mais il est immanent à la nature et l'infini se manifeste progressivement enelle.

Dieu est en quelque sorte dépersonnalisé, désubstantialisé.

Il ne s'agit plus d'un Dieu personnel et transcendantcomme dans le christianisme.

Ce serait une religion sans miracle car le Monde est lui-même un miracle.

Une croyancepurement intérieure, où l'infini et le divin seraient au cœur de l'homme et ne ferait qu'un avec lui.

D'ailleurs, on neparlerait plus vraiment de religion, mais de religiosité sentie sous le mode de l'universel.

La relation au divin étantpersonnelle, la religion comme institution sociale n'aurait plus lieu d'être.

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Le centre de la religion est la conscienceet non plus un concept abstrait de Dieu.

Il est l'objet privilégié du sentiment religieux.

Il ne s'agit pas d'un Dieupersonnel comme dans le christianisme ou l'Etre transcendant de la métaphysique ; il y va plutôt d'un Dieu qui estvie, spiritualité présente au cœur de chaque existence.

Ce Dieu s'identifie à l'ordre du monde que réfléchit la nature.Le sentiment religieux symbolise en cela ce qui parvient à saisir cet ordre naturel du monde, l'unité de l'un et duTout, l'homogénéité du fini et de l'infini, l'universalité de tout destin individuel.

C'est donc une religion subjective etsans concept basée sur le sentiment que propose Rousseau.

Les concepts ne peuvent créer des dissensions, desoppositions dans les cultes.

Le panthéisme ici s'oppose au monothéisme pour qui il n'existe qu'un Dieu, même si dans. »

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