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Est-il raisonnable de combattre toute illusion ?

Publié le 05/01/2004

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L'effort de conceptualisation sera indispensable pour conduire une stratégie de dissertation. Montrez bien que les illusions sont fréquemment des nécessités vitales. L'existence a besoin de falsifier le réel, qui est trop noir. Bibliographie DESCARTES, Méditations métaphysiques, Garnier-Flammarion, Première Méditation. NIETZSCHE, Vie et vérité, Textes choisis, PUF. FREUD, L'avenir d'une illusion, PUF. Introduction * Est-il raisonnable de combattre toute illusion ? Voici un intitulé qui nous questionne sur un choix fréquent dans la quotidienneté, sur une certaine manière d'être au monde et d'appréhender ce dernier. Remarquons que le premier terme susceptible d'être déchiffré est « raisonnable », lequel désigne ici ce qui est conforme à la raison, non point comme forme raisonnante ou logique, mais comme raison pratique. Si rationnelle s'applique à la connaissance (on parle d'un savoir rationnel), raisonnable s'applique à la conduite et désigne un comportement sensé et sage.
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« sont-ce pas ces derniers qui sont normes centrales ? Il est sensé de combattre toute illusion, puisque cettedernière fonctionne comme un écran s'interposant entre moi et le vrai.Mais l'illusion est tout aussi maléfique sur le plan pratique qu'elle l'est au niveau théorique : en effet, l'illusionsuppose que nous renonçons au réel, pour nous bercer de consolantes et apaisantes chimères.

Or, le refugeconfortable ou, en apparence bienfaisant, dans l'imaginaire, nuit aux exigences de l'action.

En m'apportant desconsolations chimériques, en m'écartant de la pression du monde, du vrai et du réel, l'illusion m'empêche (biensouvent) d'agir.

Dès lors, quand de vaines et maladives visions prennent, à mes yeux, la place du réel, n'est-ce pasma pratique qui s'égare ? D'ailleurs, généralement, pour qui se berce d'illusions, le réel réapparaît, menaçant.

Si jeme crois dans un palais, en lieu et place de mon étroit logis, ma pratique (agir, lutter socialement) est écartée parune chimère et, quand le réel revient, me restent seulement les fantasmagories et spectacles fantastiques dudélire...

Oui, il est raisonnable de combattre toute illusion, car elle est obstacle à mon action et m'ouvre à unimaginaire clos sur lui-même, infantile, inadéquat.Suspecte théoriquement, nuisible pratiquement, l'illusion est, enfin, dangereuse éthiquement : toute illusion neconstitue-t-elle pas, en effet, une mise entre parenthèses du réel et du vrai et donc un oubli de la vraie personne ?Oui, il y a du mépris d'autrui, au sein de l'illusion.

J'oublie le vrai sujet qui est devant moi, agissant, parlant, existant.À sa place, j'introduis un fantôme, une chimère.

Loin de respecter autrui, je le recouvre d'une image autre,étrangère à lui-même et à sa véritable essence.

Sur le plan de la morale, l'illusion doit être combattue ; il est senséde la refouler car l'illusion, c'est l'anti-morale, l'anti-respect, la substitution d'une image fictive à la véritableprésence d'autrui.Sur un triple plan, théorique, pratique et moral, l'illusion m'égare et il est raisonnable de la pourchasser et del'expulser : non pas seulement l'illusion en général, mais toute illusion, dent l'essence est de m'aveugler, dont lenoyau est de m'abuser.

Qu'il soit raisonnable et sensé de combattre toute illusion, n'est-ce pas, d'ailleurs, cequ'avait appréhendé la grande rationalité classique, avec Descartes au premier chef ? Il faut, nous montreDescartes, placer le sujet pensant hors des atteintes de l'illusion : la dénoncer, l'expulser et la répudier.

Tel est lenoyau de la Première Méditation.Néanmoins, il y a, en l'illusion, une telle puissance, elle revient si fort et si fréquemment quand je l'ai déracinée, qu'ilnous faut, peut-être, la questionner davantage.

Et si l'illusion formait une dimension de cette affectivité que nousne saurions mettre entre parenthèses ou refouler? L'illusion n'est-elle pas un besoin du « coeur », conçu commeaffectivité et vie immédiate ? B.

Comme désir et manifestation du corps, toute illusion ne peut être repoussée. Quel est, en effet, l'homme qui peut affirmer pouvoir vivre sans quelque illusion ? L'illusion n'est-elle pas une formedu désir et de l'expérience corporelle, liée à l'exercice même de notre vie, à notre « être-dans-le-monde » ? Au-delàde cette illusion que nous venons de déchiffrer, de cette croyance trompeuse qui nous éloigne du vrai et qu'ilimporte de repousser et combattre, dans le cas de tout individu sensé, ne peut-on comprendre autrement leproblème de l'illusion ? Loin d'être seulement tromperie se jouant de nous, l'illusion apparaît fréquemment croyancevitale, liée aux besoins de notre corps.

Aussi n'est-il pas raisonnable de combattre toute illusion ce serait combattrenotre incarnation même dans le monde, notre destin opaque et difficile.L'illusion, comme croyance fondée sur l'affectivité, comme force issue du désir et du corps, ne saurait toujours êtreraisonnablement combattue.

Est-il bien raisonnable de combatte e, par exemple, la croyance en l'immortalité, lebesoin de croire que l'âme survit à la mort du composé humain ? Quand une illusion naît d'exigences à la foisorganiques et psychiques très puissantes - comme l'idée d'immortalité, la notion de sacré, etc.

- il n'est pas toujourssensé de la combattre.

L'illusion, comme croyance se rattachant à un désir, enracinée avec force dans notreaffectivité, doit être examinée avec plus de bienveillance que tout à l'heure ! Elle n'est pas tout à fait trompeuse,puisque après tout, elle nous enracine au plus profond de nos désirs et de nos exigences.

C'est l'anthropologie (quisous-tend notre existence) que nous avions tout à l'heure écartée.

Après tout, Freud a montré que le désir était à l'origine de l'illusion.

Dès lors, l'illusion possède, dans certains cas, unefonction : protéger les désirs les plus anciens, les plus pressants del'humanité, apaiser notre angoisse existentielle.

Ainsi, l'idée de Dieu est-elle(peut-être) une illusion qui dissout l'angoisse humaine devant la vie et lamort.

Freud a été, dans ce domaine, fort lucide.

Il a montré que ce quicaractérise l'illusion, c'est d'être dérivée de désirs humains.

Dès lors, est-ilbien raisonnable de combattre toute illusion ? L'illusion du progrès, l'idée de lasurvie, la croyance en Dieu, ne sauraient être tout à fait expulsées de nous.En bonne logique, elles nous éloignent du vrai, mais le vrai est peut-être siamer et si dur que nul ne peut vraiment le contempler en face.

De ce point devue, une humanité renonçant à toute illusion est absolument inimaginable ! «Voilà qui semble merveilleux ! Une humanité qui aurait renoncé à toute illusionet qui serait ainsi devenue capable de créer sur terre une existencesupportable ! Mais je ne saurais pour ma part partager vos espérances [...]Parce que j'ai du bon sens [...] Vous vous flattez de l'espérance que lesgénérations qui, dans leur petite enfance, n'auront pas subi l'influence desdoctrines religieuses atteindront aisément la primauté voulue de l'intelligencesur leur vie instinctive [...] Si l'on veut expulser de notre civilisationeuropéenne la religion, on n'y pourra parvenir qu'à l'aide d'un autre systèmedoctrinal, et ce système, dès l'origine, adoptera tous les caractèrespsychologiques de la religion.

» (Freud, L'avenir d'une illusion, PUF, pp.

73-74).. »

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