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Le savoir suffit-il à guider la pratique ?

Publié le 12/03/2004

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  Le savoir suffit-il à guider la pratique ? En quel sens peut-on dire qu'il faut y adjoindre l'expérience ? Introduction. - Aux différents niveaux de l'enseignement, on tend de plus en plus à doubler de « travaux pratiques » les leçons ou cours ayant pour but de communiquer le savoir. Ce savoir ne suffit-il donc pas à nous guider dans l'action et en quel sens peut-on dire qu'il faut y adjoindre l'expérience ? Pour répondre à cette question nous commencerons par réfléchir sur le mot « savoir  ». I. - « SAVOIR » ET « LE SAVOIR » Ce mot est d'abord un infinitif, mais - et c'est ce que nous observons dans le libellé de la question à laquelle nous avons à répondre - cet infinitif s'emploie aussi substantivement. Savoir. - A l'infinitif, il est pris dans des acceptions fort diverses.

« II.

- SAVOIR ET EXPÉRIENCE COMME GUIDES DE LA PRATIQUE Le savoir abstrait.

— Dans la mesure même de son abstraction, le savoir est incapable de guider la pratique.

Aussivoit-on de grands mathématiciens, tel Poincaré, qui manifestent une touchante maladresse.

S'il en est chez qui lesens pratique reste normal, ils le doivent au fait qu'ils sont hommes, vivant parmi les hommes et en contact avec leschoses, non aux mathématiques.Sans doute, un certain savoir géométrique est utile à nombre de professions ; mais cette concession renforceraitplutôt l'affirmation générale que nous avons formulée, car la géométrie classique reste concrète, s'en tenant àl'espace dont nous avons une expérience sensible.

Il est vrai également que, dans la vie moderne, personne ne peutse passer d'un minimum de savoir arithmétique ; mais la connaissance des quatre opérations constitue un savoir-faire bien plus qu'un savoir ; le savoir du théoricien de l'arithmétique ne lui permettra pas d'effectuer des calculs plusrapides et plus justes, il sera toujours battu par le comptable de profession qui calcule machinalement, sans uneidée bien nette des problèmes que posent ses processus mentaux, et plus encore par la machine à calculer qui, elle,n'a pas l'ombre d'un savoir.

D'ailleurs il ne suffit pas de savoir mesurer et calculer pour prendre de sages décisionspratiques : dans les choses humaines mais aussi dans le monde de la matière, tout n'est pas mesurable et calculable; aussi ne manque-t-il pas de cas où il est ridicule de prétendre procéder mathématiquement.Nous devons donc conclure que le savoir abstrait du mathématicien ne suffit en aucun cas à guider la pratique,précisément parce que son abstraction le situe en marge du réel sur lequel nous avons à agir.

Pour guider notreaction, le savoir ne doit pas être coupé du concret.Le savoir concret.

— Néanmoins il ne faudrait pas croire qu'un savoir rigoureusement concret — si toutefois il estpossible — puisse nous servir de guide.

La réalité concrète, en effet, est individuelle, et les individus diffèrent plusou moins les uns des autres ; à plus forte raison les situations concrètes de l'existence humaine ne se reproduisent-elles jamais identiquement.

Aussi ne peut-on pas être assuré que ce qui a réussi une fois réussira dans un casanalogue.

Le savoir qui se réduirait à la connaissance de cas concrets et individuels ne saurait donc guider lapratique.Mais, à vrai dire, un tel savoir rigoureusement concret n'existe pas.

En effet, dès que, dans un cas particulier nousobservons un rapport qui nous parait caractéristique, essentiel ou causal nous ne nous en tenons pas à la donnéeparticulière et unique : nous généralisons et nous élevons aux notions universelles (la notion de planète et d'étoile,par exemple, celle d'orbite elliptique ; en histoire, celles d'anarchie, de paupérisme, d'invasion...).

Dans ce casparticulier nous pouvons avoir l'intuition d'une structure essentielle ou d'une loi...

Mais cela ne peut se faire sansabstraction.

Or, par définition, les notions générales et les lois sont abstraites.

Tout savoir, si concret qu'il nouspuisse paraître, comporte donc une part d'abstraction, et c'est pour cela que la connaissance de réalitésconsidérées comme concrètes, celles, par exemple, qui font l'objet de l'histoire, peuvent guider la pratique.Le savoir abstrait-concret.

— Bien que, à vrai dire, tout savoir tenu pour concret implique une certaine abstraction,ce sont les sciences expérimentales qui nous fournissent le type du savoir abstrait-concret.

Elles ont pour objet desréalités concrètes : les substances matérielles, les animaux et les végétaux, les hommes et les sociétés humaines.Mais elles n'en traitent qu'en faisant le détour par le général, et par suite par l'abstrait : le minéralogiste, parexemple, ne peut étudier une pierre rapportée d'une excursion en montagne et même en parler qu'en recourant auxtermes généraux désignant les diverses substances qu'il y discerne ; c'est encore au moyen de termes généraux queles services anthropométriques établissent le signalement des individus (cheveux châtains, menton rond, etc...) etque les caractérologues dressent leur profil psychologique.

A plus forte raison les lois sont-elles générales et nes'appliquent-elles que dans l'abstrait.Or, dans la pratique, qu'il s'agisse du menuisier ou de l'ingénieur, du médecin ou du psychologue scolaire, nousn'avons affaire qu'à du concret.

Il faut donc tâtonner, expérimenter, pour effectuer les adaptations nécessaires :ainsi le médecin détermine le traitement d'une maladie d'après l'expérience qu'il a du malade, et si celui-ci lui estinconnu, il doit souvent recourir à divers essais.

Aurait-on à appliquer son savoir à une matière homogène ettoujours à peu près identique à elle-même, c'est l'action de ses muscles qu'il faudrait adapter : il ne suffit pas desavoir intellectuellement comment on taille la pierre ou comment procède le graveur sur bois ; à ce savoir doits'adjoindre un savoir-faire, fruit d'une expérience parfois fort longue. Conclusion.

— Ainsi l'expérience joue un grand rôle dans l'activité pratique : elle est généralement nécessaire pour adapter le savoir.

De plus, il n'est pas inutile de le rappeler, ce savoir, qui guide la pratique, est lui-même le fruit del'expérience : les lois qui régissent le concret sont, en définitive, des lois expérimentales.Il ne faudrait cependant pas croire que la pure expérience puisse suffire.

En un sens les animaux font, comme nous,des expériences qui guident leur pratique et c'est parce qu'ils n'ont pas d'autre guide que leurs réalisations pratiquesrestent si inférieures aux nôtres.

Aussi n'est-ce pas une expérience quelconque qui, chez nous, s'adjoint au savoir,mais une expérience que le savoir continue à informer.

Savoir et expérience sont complémentaires.. »

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