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La scène de rencontre entre Frédéric et Marie Arnoux dans L'éducation Sentimentale

Publié le 18/09/2010

Extrait du document

 

 

 

L'ES raconte la vie de Frédéric Moreau qui se déroule essentiellement à Paris entre 1840 et 1869. Ce dernier aime Marie Arnoux, personnage de fiction inspiré d'Elsa Schlesinger, jeune femme dont Flaubert fut très amoureux pendant sa jeunesse. Dans cet extrait, Frédéric quitte Paris. Il est sur un bateau qui le conduit chez sa mère à Nogent-sur-Seine. Là, il rencontre Jacques Arnoux, propriétaire de l'Art industriel. Peu après, une jeune passagère attire son attention. Cette scène est primordiale car toute la suite du roman en dépend. D'ailleurs, elle intervient assez tôt dans le roman (à la quatrième page). LECTURE du passage. Ce passage se compose de quatre mouvements: l'apparition à proprement parlé de la passagère (lignes 1 à 6), la description de la passagère (lignes 7 à 15), les tentatives d'approche de Frédéric (lignes 16 à 47) et enfin le retour à la réalité (lignes 48 à 49). Nous verrons comment Flaubert, gui repend un topos de la littérature amoureuse, à savoir la scène de rencontre, met en scène un amour idéalisé voué à ne jamais se concrétiser. Annoncer les axes de lecture (I et II)

 

I) Le portrait idéalisé de la passagère 

A) L'amour né au premier regard / un personnage hypnotisé 

Il s'agit dans cet extrait de relater un coup de foudre c'est -à-dire un amour né au premier regard. La soudaineté avec laquelle la passagère apparaît à Frédéric, mime le coup de foudre, et retranscrit par le changement de paragraphe (retour à la ligne) et le changement de rythme: phrase brève + emploi du passé simple qui traduit bien l'imprévu. 

Le champ lexical de la vue domine l'extrait (le relever, et penser à inclure « apparition «); dans ce champ lexical est inséré celui de la lumière (le relever). Le regard joue un rôle primordial dans la rencontre amoureuse car elle en est le déclencheur. De plus, Frédéric est ébloui par les yeux de Mme Arnoux (lignes 3 et 4) : annonce qu'il va subir la vision qu'elle va lui renvoyer. Pour continuer dans ce sens aux lignes 4-5 : « en même temps qu'il passait, elle leva la tête« : la phrase relie les deux personnages par les pronoms « il « et « elle« qui se succèdent. De plus, concomitance des actions des deux personnages, l'un passe et en même temps l'autre fait un mouvement de la tête. L'attitude de Marie Arnoux guidera le comportement de Frédéric comme l'exprime l'asyndète entre ces deux propositions: « elle leva la tête; il fléchit involontairement les épaules. Ce mouvement suggère le respect de Frédéric et l'incite à s'éloigner pour mieux la contempler sans l'indisposer; « et quand il se fut mis plus loin, du même côté, il regarda« . (lignes 6-7). Le rythme que les virgules rendent un peu haletant, traduit l'émotion de Frédéric.

La vue entraîne chez Frédéric l'envie de tout savoir sur la passagère (« un curiosité douloureuse, ligne 28) d'où les interrogations (lignes 23- 24) et la réflexion (ligne 24-26: les meubles = où habite-t- elle? Les robes qu'elle avait porté = quel est son passé; les gens qu'elle fréquentait = quelle vie mène-t-elle ? + lignes 38-39 au sujet de la gouvernante). Pour cela, l'auteur a employé le discours indirect libre; réalisme car volonté de mettre à nu les sentiments de Frédéric. 

 

B) Le caractère surnaturel Cette rencontre est précédée d'un paragraphe de vingt-sept lignes qui décrit des passagers du bateau, plus exactement des «ouvriers« et des «gens de boutiques «. Le narrateur les présente comme « sordidement« vêtus; leurs habits sont vieux, usés, tachés ... La vulgarité qui les caractérise prépare la scène de rencontre avec Marie Arnoux puisque le contraste entre cette vulgarité réaliste des passagers contribuera à mettre en valeur le caractère magique de cette rencontre. Enfin, la dernière phrase du passage est l'intervention de M. Arnoux: «Ma femme es-tu prête? cria le sieur Arnoux apparaissant dans le capot de l'escalier «. L'intervention d'Arnoux est un retour à la réalité pour le Frédéric. La scène de l'apparition est encadrée par deux réalités: la pauvreté des passagers et l'intervention du mari. Ceci contribue à renforcer le caractère surnaturel de la rencontre. 

 

C) Un portrait réaliste mais idéalisé ... : le réalisme subjectif Notons qu'il n'y a pas de pause dans la narration (interruption de la narration pour brosser une description comme le faisait Balzac). Au contraire, Flaubert propose un portrait de la jeune femme en action, dans la narration, selon le regard de Frédéric. 

La jeune femme est décrite selon le point de interne de Frédéric, d'abord selon une impression d'ensemble puis aux traits du visage et aux détails physiques les plus frappants: 

- Elle est d'abord « assise «, « toute seule «, « éblouissement « de « ses yeux « (lignes 2 à 4) 

- Sa tête est caractérisée par la rondeur harmonieuse de ses traits: « chapeau «, « bandeau «, « ovale du visage« aux lignes 7, 8, Il. Cela lui confère une première impression de douceur et de sensualité créée par le contraste des couleurs paille, rose et noir (lignes 7 et suivantes). 

- pureté des lignes découpées (lignes 13-15) 

- vêtements: douceur et légèreté du tissu (« mousseline« ligne Il); luminosité du motif (petits pois ligne12) ; générosité et grâce connotées par les plis nombreux (ligne 12). 

- détails aux lignes 20-22 : ils correspondent à un regard insistant, à un gros plan sur telle partie du corps isolée des autres, dont la vue occasionne un trouble particulier: sensualité de la «peau brune «, connotation érotique de la «taille «, fétichisation des «doigts «. La mention des ces parties du corps opère une synesthésie (en grec: union des sensations => correspondance des sens) de la vue et du toucher qui suggère sans le nommer le désir de Frédéric. 

=> Sensualité, élégance douceur se dégagent de Madarne Arnoux.

 Ce portrait est réaliste, parce que la passagère porte des vêtements d'époque, et en même temps empreint de subjectivité car le point de vue est interne. Flaubert ne s'est jamais considéré comme un auteur réaliste: il caractérisait son tempérament comme "un tempérament à n'avoir pas d'école". L'emploi du point de vue interne semble contredire la présence du réalisme : Madame Arnoux est décrite avec précision et justesse par rapport à toutes les femmes de son époque (objectivité du scientifique). Cependant, Michel Raimond parle de "réalisme subjectif' : il s'agit de "présenter au lecteur la réalité fictive à travers l'optique d'un protagoniste" (ici Frédéric). Dans cette scène, la passagère est décrite de manière réaliste mais cette réalité est limitée, perçue selon le point de -vue du personnage, teintée de ses impressions. Elle se différencie du réalisme au point de vue omniscient (réalisme: c'est réel et donc vrai parce que c'est dit de manière objective et parce que le narrateur sait tout). 

Le réalisme subjectif est un moyen pour Flaubert de peindre une réalité intérieure, un ressenti vu de l'intérieur: par exemple le fait que son amour ou plutôt sa passion (en grec souffrance) soit teintée de joie (lignes 35-37) et de douleur (lignes 27-28-29) Conclusion 1 + transition

 

Il) Un amour voué à ne jamais se réaliser 

A) Une vision commentée par le narrateur: le double point de vue

 

Les points de vue interne de Frédéric et omniscient du narrateur = > complicité du lecteur qui a accès à l'intériorité de Frédéric et discrète ironie du narrateur qui au moyen du point de vue omniscient porte un regard distant sur Frédéric 

 

B)L'irruption du réel

 

Le lecteur attend une évolution sentimentale. Elle aura lieu à la fm du passage: l'échange de paroles et de gestes, qui effectuent le franchissement de la distance, intervient AVANT la rencontre des regards par le geste de Frédéric rattrapant le châle (lignes 4 et suivantes); cet événement providentiel lui permet d'entrer en contact avec Mme Arnoux, qui répond par une parole des plus banales. « Leurs yeux se rencontrèrent« produit une attente chez le lecteur: la réciprocité de l'amour. De plus, le verbe « rencontrer« exprime le rapprochement, l'entrée en contact des deux personnages par les « yeux «. En effet, la phrase à la ligne 47 « leurs yeux se rencontrèrent« suggère que la volonté des personnages est dépassée par la loi de leur sensualité: le regard tient un discours plus éloquent que le langage articulé (non-dit). Elle correspond aussi au cliché du coup de foudre lexicalisée dans d'autres langues par une expression signifiant « amour au premier regard « comme en anglais (« love at fust sight) et en allemand (« Liebe auf den ersten Blick «). Tout semble alors réuni pour marquer le début d'une histoire d'amour. 

Cependant, la suite de leur rencontre sera ruinée par la dernière phrase prononcée par Arnoux: l'emploi de l'adjectif possessif « ma« détruit les espérances secrètes qui surgissent confusément chez Frédéric. La réalité intervient comme un retour brutal aux contingences matérielles et sociales. L'imagination sera rattrapée par la réalité. L'irruption du mari détruit les espérances de Frédéric, venant rompre l'enchantement, le fantasme. De plus, emploi des termes "femme" qui désigne le statut marital donc social de la femme et l'adjectif possessif "ma": elle appartient déjà à quelqu'un d'autre. Ironie dans l'emploi du verbe "apparaissait" employé dans son sens premier. A mettre en parallèle avec l'emploi du terme "apparition" à connotation religieuse, spirituelle pour qualifier Marie Arnoux. Annonce que leur amour connaîtra un obstacle : le mari, la réalité. Inaccessibilité de la femme => rejoint l'idée d't'apparition" : Marie doit rester dans le spirituel. Le terme «apparition« (ligne 1) a une connotation religieuse. On pense aux apparitions divines, par exemple de la Vierge. Rappelons que même si le passage ne le mentionne pas, le lecteur apprendra plus tard que le prénom de la jeune femme est « Marie «. Il y a donc chez cette femme quelque chose qui relève du divin, possède un caractère mystique. Cette femme rencontrée dans des conditions romantiques' (sur un bateau, faisant tomber son châle que Frédéric rapportera, présence d'une négresse conférence une dimension exotique) suggère à priori au lecteur le début d'une belle histoire d'amour, laissant entendre que les deux personnages concrétiseront leur amour. Il n'en sera rien: leur rencontre est placé sous le signe du sacré et restera donc spirituelle. Marie Arnoux et Frédéric vivront un amour platonique. 

Conclusion sur II

 

Conclusion : 

- Bilan: reprendre les idées développées dans les axes de lecture; conclure sue le fait que la scène de rencontre se déroule très tôt dans le roman mais trompera l'attente du lecteur: la distance qui sépare les deux personnages, déjà signifié ici, ne sera jamais véritablement franchie dans le roman. L'amour ne sera pas consommé. 

- Ouverture: ouvrir sur les deux tableaux de James Tissot et Claude Monet "La femme à l'Ombrelle"

 

 

 

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