n'est-il de science que mathématique ?
Publié le 18/03/2004
Extrait du document
«
II.
— PAS L'UNIQUE SCIENCE.
Malgré tous les avantages que nous venons de rappeler, on ne peut pas admettre qu'« il n'est de science quemathématique».
On pourrait même dire que les mathématiques ne sont pas une science véritable, car elles neprocurent pas les connaissances demandées à la science; aussi existe-t-il d'autres disciplines pour nous faireconnaître les divers domaines du réel.
A.
Les mathématiques ne font pas connaître le réel. — La mathématique comme telle ne peut subir ni démenti, ni confirmation de l'expérience.
Comme science idéale c'est un avantage indiscutable; comme science du réel, c'estun défaut irrémédiable.
Elle ne peut être qu'une science des possibles.
Son incapacité de pouvoir décider de laréalité de ses théories prouve qu'elle n'est pas à proprement parler une « science », en limitant le mot à son senspositif de « connaissance du réel ».La méthode des sciences positives est l'induction, qui part du réel pour retourner au réel par le moyen del'hypothèse.Sans doute, la déduction intervient dans le contrôle de l'hypothèse et souvent sous forme mathématique; mais, sielle constitue un moment important du processus expérimental, celui-ci ne se réduit pas à elle.
En s'affranchissantde l'expérience, comme la mécanique classique, une théorie mathématique se détache de la physique et n'est plusune science du réel.
De fait, la mécanique classique est insuffisante pour des vitesses élevées relativement à cellede la lumière; l'électronique lui échappe en grande partie.Les mathématiques fournissent aux autres sciences la mesure.
Mais, bien qu'il soit désirable que la qualité s'exprimeou se repère en quantité, il n'est pas évident que cette traduction soit toujours possible.
Quand la quantités'introduit en biologie ou dans les sciences morales, on n'atteint que superficiellement le fait propre à chacune deces sciences.Loin donc d'être la science unique, la mathématique ne constitue pas par elle-même une science véritable au sens leplus ordinaire de ce mot.
Elle n'est même pas l'instrument universel des autres sciences, qui doivent recourir à leursprocédés propres.
B.
Les sciences du réel. — Sans nous arrêter au fait physico-chimique, nous allons signaler rapidement quelques procédés d'étude de faits dans la connaissance desquels les mathématiques ne sont pas d'un grand usage.
a) Fait biologique. — La vie en s'insérant dans le physico-chimique y introduit des aspects nouveaux (assimilation, croissance organique, reproduction).
La méthode est l'observation et la description des espèces pour aboutir parcomparaison à la définition et la classification scientifique (par la corrélation et subordination des caractèresessentiels); et, depuis surtout un siècle, l'expérimentation.
b) Fait psychologique. — Il se greffe sur le fait biologique et le déborde.
On conçoit le rôle d'une psycho- physiologie, d'une psycho-physique, voire d'une psychométrie, mais le fait psychologique implique une activitéoriginale, des souvenirs, des concepts, des jugements, des sentiments, des actes libres.
Le psychologue travaillesur des états de conscience singuliers et qualificatifs, groupés autour d'un moi qui se les approprie.
Ne pouvant pasles mesurer, il recourt à la méthode comparative et de la comparaison des observations fournies par l'introspectionou par l'expérimentation il dégage des lois, ce qui est légitime si les états de conscience des divers sujets ne sontpas entièrement dissemblables (postulat implicite de toute science).
c) Fait social. — Il correspond à une conscience, à une psychologie collective, qui n'est point une simple somme ou moyenne de consciences individuelles.
Pour l'interroger, on consulte l'histoire des sociétés, l'ethnographie (descriptionde groupes sociaux) et la statistique.
Les lois statistiques vu le « grand nombre » sont possibles et découvrent desphénomènes d'ensemble d'une « masse sociale ».
d) Fait historique. — Les phénomènes d'ensemble de la sociologie négligent les exceptions — toujours nombreuses — et souvent les plus intéressantes.
C'est l'histoire qui étudie les faits et les hommes qui peuvent modifiernotablement la structure ou l'avenir de telle société.
L'histoire a pour but la reconstitution du passé.
Elle établit desfaits singuliers, étudie leur enchaînement et propose une synthèse, aussi vraisemblable que possible, qui fournit uneexplication causale de ses faits.
Elle possède une méthode scientifique, ses données sont des documents et destémoignages, l'historien propose des hypothèses qu'il cherche à vérifier dans de nouveaux documents.
La méthodecomporte essentiellement une critique avertie des documents (critique externe et interne).
Les vérifications surtémoignages concordants produisent une certaine probabilité de l'hypothèse; des témoignages nombreux etconvergents de gens informés et sincères, peuvent conduire à une certitude morale pour les faits importants etlourds de conséquences : une guerre, un fléau, un personnage marquant...
Comme toute science, l'histoirereconstruit donc la réalité : un fait, une époque, un milieu, la vie d'un personnage illustre; et elle la reconstruit parune méthode scientifique, bien que les faits soient indirectement connus et rapportés par des témoins qui ne sontpoint toujours sincères, bien informés et critiques.
Avec des matériaux médiocres, l'historien aboutit à un édificesolide : c'est là son mérite et son art.
CONCLUSION. — La mathématique, loin d'accaparer pour elle seule le titre de science, s'est révélée au contraire n'être pas une «science».
Elle laisse le champ libre à d'autres sciences, quantitatives ou qualitatives, dont lacomplexité de l'objet et de la méthode va en croissant.
Mais, par sa logique très générale et comme science despossibles, elle peut être une méthode excellente au service de certaines, et une aide précieuse pour toutes lessciences..
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