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Les sciences biologiques sont-elles réductibles aux sciences physico-chimiques ? Dans la négative comment s'en distinguent-elles ?

Publié le 17/06/2009

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INTRODUCTION. - Les philosophes disputent toujours entre eux la question de savoir si les phénomènes vitaux exigent l'intervention d'un principe distinct de la matière ou s'il faut voir en eux une propriété organique. Question importante, car de la réponse qui y sera faite dépendra celle qu'on fera ensuite au problème de la nature de l'homme : le mécanisme en biophilosophie entraîne en psychologie rationnelle une attitude analogue le matérialisme. Bien qu'il ne puisse pas, au moins en tant qu homme, rester indifférent à ces problèmes, en tant que savant, le biologiste peut en faire abstraction. 11 les retrouve cependant à un autre niveau car, sans avoir à se prononcer sur la réductibilité des phénomènes vitaux à des phénomènes physico-chimiques, il est bien obligé de déterminer si, dans ses recherches, il procédera avec les premiers comme avec les seconds et si, en d'autres termes, les sciences biologiques sont réductibles aux sciences physico-chimiques. I — RESSEMBLANCES FONCIERES. Pour le vulgaire, il y a une grande différence entre les êtres vivants et la matière brute et par suite entre la biologie et les sciences physico-chimiques. Quiconque réfléchit, au contraire, et, dominant les impressions du sens commun, compare l'attitude scientifique du biologiste avec celle du physicien ou du chimiste, n'y perçoit pas de différence fondamentale. Le grand théoricien des sciences biologiques, Claude BERNARD, l'affirme avec vigueur : "Je me propose donc d'établir que la science des phénomènes de la vie ne peut pas avoir d'autres bases que la science des phénomènes des corps bruts, et qu'il n'y a sous ce rapport, aucune différence entre les principes des sciences biologiques et ceux des sciences physico-chimiques. En effet, ainsi que nous l'avons dit précédemment, le but que se propose la méthode expérimentale est le même partout; il consiste à rattacher par l'expérience les phénomènes naturels à leurs conditions d'existence ou à leurs causes prochaines. En biologie, ces conditions étant connues, le physiologiste pourra diriger la manifestation des phénomènes de la vie comme le physicien et le chimiste dirigent les phénomènes naturels dont ils ont découvert les lois mais pour cela l'expérimentateur n'agira pas sur la vie." (Introd. à l'étude de la Médecine expérimentale)

« "Considérées dans le milieu général cosmique, les fonctions du corps de l'homme et des animaux supérieurs nousparaissent libres et indépendantes des conditions physico-chimiques de ce milieu parce que c'est dans un milieuliquide organique intérieur que se trouvent leurs véritables excitants.

Ce que nous voyons extérieurement n'est quele résultat des excitations physico-chimiques du milieu intérieur; c'est là que le physiologiste doit établir ledéterminisme des fonctions vitales (...) Une machine à vapeur possède une activité indépendante des conditionsphysico-chimiques extérieures, puisque par le froid, le chaud, le sec et l'humide, la machine continue à fonctionner.Mais pour le physicien qui descend dans le milieu intérieur de la machine, il trouve que cette indépendance n'estqu'apparente, et que le mouvement de chaque rouage intérieur est déterminé par des conditions physiques absolueset dont il connaît la loi.

De même pour le physiologiste, s'il peut descendre dans le milieu intérieur de la machinevivante, il y trouve un déterminisme absolu qui doit devenir pour lui la base réelle de la science des corps vivants."(Cl.

BERNARD, Introd., 2e partie, chap.

I, § 8.

Delgrave, 1941, p.

125-126). Il n'en est pas autrement de la vie considérée dans son ensemble, de la Biosphère, et de son évolution vers desformes nouvelles : elle aussi est soumise au déterminisme de la matière. "Dans le domaine de la vie comme dans celui de la matière, la fondamentale unité de l'Univers et l'interliaisoninexorable des éléments cosmiques interdisent à tout être nouveau de s'introduire dans notre expérience autrementqu'en fonction de tous les états présents et passés du monde expérimental, paraissent bien être des acquisitionsdéfinitives de notre esprit." (P.

TEILHARD DE CHARDIN, Œuvres III, La vision du passé, p.

147.) Par suite, pouvons-nous conclure avec Claude BERNARD, les sciences biologiques ont le même but que les sciencesphysico-chimiques : établir des rapports de causalité entre les phénomènes qu'ils étudient ou déterminer lesconditions d'existence des êtres dont ils s'occupent. "Si le physicien et le physiologiste se distinguent en ce que l'un s'occupe des phénomènes qui se passent dans lamatière brute, et l'autre des phénomènes qui s'accomplissent dans la matière vivante, ils ne diffèrent cependant pasquant au but qu'ils veulent atteindre.

En effet, l'un et l'autre se proposent pour but commun de remonter à la causeprochaine des phénomènes qu ils étudient.

Or, ce que nous appelons la cause prochaine n'est rien autre chose quela condition physique et matérielle de son existence (...) Nous définirons donc la physiologie : la science qui a pourobjet d'étudier les phénomènes des êtres vivants et de déterminer les conditions matérielles de leursmanifestations." (Introd., § 4, p.

103-104.) C.

— Quant à la méthode. Enfin.

comme le chimiste et le physicien, le biologiste recourt dans ses recherches aux procédés de la méthodeexpérimentale.

Il part de l'observation et remarque entre les faits des coïncidences ou des successions qui luisuggèrent l'idée d'un rapport causal ou essentiel.

Cette idée, il la vérifie par l'expérimentation, en provoquant, sibesoin est, des modifications de milieu ou d'antécédents pour voir si les phénomènes vitaux ultérieurs restentidentiques ou deviennent différents; c'est ainsi que l'ablation d'un organe comme une glande ou la suppression dansle régime alimentaire d'une substance particulière constituent des cas typiques de la méthode de différence définiepar STUART MILL.Il suffit d'ailleurs, pour prendre conscience de l'étroite ressemblance qui existe entre la méthode des sciencesbiologiques et celle des sciences physico-chimiques, de rappeler ce fait : bien que la chimie et surtout la physiquese soient constituées avant la biologie, c'est un biologiste, Claude BERNARD, qui a formulé les principes de laméthode générale des sciences expérimentales, méthode qui trouve son application rigoureuse dans les laboratoiresde physique et de chimie.De plus, il convient d'insister sur ce point, les interventions expérimentales du biologiste consistent toujours àmodifier les conditions physico-chimiques du sujet sur lequel il expérimente : comme le dit Claude BERNARD dans untexte que nous avons cité, « l'expérimentateur n'agira pas sur la vie » ; il ne peut agir que sur le milieu physico-chimique qui conditionne les phénomènes vitaux.Pour les espèces vivantes les plus simples, il suffit de modifier le milieu extérieur : ainsi, les infusoires « nemanifestent les propriétés vitales dont il sont doués que sous l'influence de l'humidité, de la lumière, de la chaleurextérieure, et dès qu'une ou plusieurs de ces conditions viennent à manquer, la manifestation vitale cesse, parceque le phénomène physico-chimique qui lui est parallèle s'arrête » (Ibid., § 2, p.

97.)Il n'en est sans doute pas de même si nous considérons des animaux à sang chaud ceux-ci sont relativementindépendants du milieu extérieur et maintiennent par exemple leur équilibre thermique malgré les variations de latempérature ambiante.

Mais ces faits ne constituent pas une exception au déterminisme physico-chimique; ilsprouvent seulement que nous nous trouvons devant une complexité plus grande : « Dans l'expérimentation sur lescorps bruts, il n'y a à tenir compte que d'un seul milieu, c'est le milieu cosmique extérieur : tandis que chez les êtresvivants élevés il y a au moins deux milieux à considérer : le milieu extérieur ou extraorganique, et le milieu intérieurou intraorganique (...).

Les manifestations vitales des animaux ne varient que parce que les conditions physico-chimiques de leurs milieux internes varient.

» (Ibid., § 3, p.

100, 101).Ne semble-t-il pas, dès lors, que la biologie n'est qu'une province particulière des sciences physiques ? II.

— DIFFERENCES ESSENTIELLES. Tout en mettant en relief ce par quoi les sciences biologiques se rapprochent des sciences physico-chimiques,Claude BERNARD prend soin de relever ce qui les différencie.

« En résumé, dit-il, par exemple :. »

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