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Les sciences font-elles de nous des dieux, des apprentis-sorciers ou des hommes ?

Publié le 11/12/2009

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 "La science fait des miracles", nous dit-on parfois. Or l'être ou les êtres à qui l'on attribue la faculté de produire des miracles, ce sont justement les dieux ou les sorciers. Un miracle est divin, magique, et non "simplement" humain. Dire que "la science fait des miracles", c'est dire que l'homme de science, jusque-là perçu comme un "homme", acquiert le statut d'un dieu ou d'un magicien. Posséder la science, ce serait alors comme posséder un pouvoir.

Pourtant, il est loin d'être évident que les sciences produisent effectivement des miracles. Un miracle est un contournement des lois de la nature (un "hors-la-loi", si l'on veut). Il est ce qui n'aurait pas dû ou pas pu arriver. Il est contraire aux lois naturelles. Or justement, les sciences consistent avant tout dans la découverte et la compréhension de ces lois naturelles, et non dans leur contournement. Elles décrivent et utilisent les lois de la nature (pour prévoir un événement, réaliser une machine, par exemple), mais jamais, semble-t-il, elles ne pourraient transgresser ces lois.

A ce point du raisonnement, nous sommes face à un paradoxe : les sciences semblent conférer un "pouvoir surnaturel" aux hommes, mais en même temps elles en sont en elles-mêmes incapables, puisqu'elles ne peuvent pas s'élever au-dessus de la nature. Comment sortir de cette aporie, de cette impasse ? Comment répondre à la question : "les sciences font-elles de nous des dieux, des apprentis sorciers ou des hommes ?", si nous sommes face à un tel paradoxe ? C'est peut-être qu'il nous faut retourner la question, et se demander non ce que les sciences "font" de nous, mais ce que nous, êtres humains, faisons de ces sciences. Il faut se demander dans quel rapport à la nature nous nous plaçons lorsque nous développons et utilisons les sciences.

Un dieu, tel que nous le concevons, est dans un rapport entièrement libre et créateur par rapport à la nature : il crée les lois, a le pouvoir de les changer ou de les outrepasser.

Un apprenti sorcier se met en rapport à la nature sous la forme du jeu et de l'infraction : il tente, sans maîtriser ce qu'il fait, de s'affranchir des lois de la nature, de les manipuler.

Un homme est, en tant qu'être naturel dénué de pouvoir, dans un rapport d'intégration et de soumission à la nature : il fait partie de la nature, et est soumis à ses lois. Mais, en tant qu'être intelligent, il peut aussi connaître ces lois, et apprendre d'elles.

Le problème est alors le suivant : comment et jusqu'où les sciences, en tant qu'ensemble de théories et de pratiques, modifient notre rapport à la nature, et modifient en conséquence l'homme lui-même ? 

« sont les sciences.

Aussi peut-elle être fausse.

C'est que nous allons tenter de montrer dansune seconde partie.

II. Les sciences : une connaissance relative et limitée Mais si nous nous plaçons maintenant du point de vue de la science elle-même, de ceux quila pratiquent, et non plus d'un point de vue extérieur, force est de constater qu'aucunescience ne peut rompre avec l'ordre de la nature.

Pour reprendre l'exemple pris plus haut, lemédecin n'invente pas de remède : il le découvre , à partir des propriétés naturelles de certains éléments, et à partir des lois chimiques de leur composition.

Autrement dit, cethomme n'invente rien, ne fait pas de miracle à proprement parler : son savoir repose sur unsavoir de lois et de propriétés naturelles , et non surnaturelles.

Le vaccin n'a pas un "pouvoir" surnaturel ; son action repose au contraire sur des raisons entièrement naturelles : le corps,se voyant injecté la maladie ou le poison en petite quantité, a le temps de produire desanticorps et peut alors résister à la maladie.

Et même lorsque le virus ou le poison seraprésent dans l'organisme en plus grand nombre, le corps sera préparé à se défendre etéquipé pour cela.On peut dire qu'une science ne devient véritablement "science" que lorsqu'elle a cessé decroire et de faire croire qu'elle était magique.

Bachelard, dans La Formation de l'esprit scientifique , souligne que l'esprit "scientifique" (l'esprit de ceux qui pratiquent les sciences, même si cela est plus complexe) n'a pas été d'emblée scientifique, et l'histoire et leraisonnement nous montrent qu'il a dû passer par une "formation".

L'esprit est d'abord "pré-scientifique" : on s'émerveille et est curieux de tout phénomène nouveau ; on le met enscène, en fait un spectacle, mais on ne cherche pas à le comprendre.

C'est ce qui s'est passépar exemple avec les "salons d'électricité", où l'on conviait des amis ou connaissances àobserver une manifestation de cette chose étrange et comme magique qu'est l'électricité.Mais l'esprit ne devient scientifique qu'au moment où, à la curiosité se substitut le savoir :on sait maintenant que l'électricité est un courant d'électrons, courant créé par un différentielentre deux bornes.Tel est le premier résultat de cette analyse : l'homme de science n'invente rien ; il découvreet élabore les lois naturelles, décrit les phénomènes avec les moyens qu'il se donne(quantification, mathématisation, expérimentation, théories, etc.). Grâce à ce travail, il peut certes prévoir et anticiper (comme le météorologue prévoit un changement climatique),découvrir le passé (comme le géologue lit sur les plis des roches ou date ces roches aumoyen d'isotopes), ou encore guérir (comme le médecin) ; mais ce savoir n'est absolumentpas magique, et encore moins "absolu".

Par savoir absolu, il faut entendre un savoir qui saittout et ne se trompe jamais.

Or les sciences ont des limites et il leur arrive souvent de setromper : c'est pourquoi on parle de "révolutions scientifiques", ces moments de l'histoired'une science où elle remet en cause ses principes, son paradigme (modèle).

Aucune sciencen'est donc un savoir absolu : c'est pourquoi les sciences ne peuvent faire de nous des dieux,car le savoir d'un dieu est conçu comme sans limite, alors que les sciences ont des limites.Et ce que l'on vient de montrer à propos des sciences dites "dures" ou (à tort) "exactes"(comme les mathématiques, la physique, la biologie, la climatologie, etc.) est d'autant plusvrai pour les sciences "molles", comme la psychologie, les sciences sociales, etc.

: toutes cessciences, dures ou molles, sont toujours un savoir "probable", limité, et non exact et absolu.Pour comprendre un peu plus cette idée, on peut se référer à l'ouvrage de Pierre Duhem, La Théorie physique.

Son objet et sa structure (1906).

P.

Duhem montre que la science ne délivre pas la "vérité" de ce qui est ; elle ne nous dit pas véritablement comment les chosessont, et pourquoi : toutes ces questions sont métaphysiques, religieuses, et nonscientifiques.

Alors que fait la science ? La science ne doit que "sauver les phénomènes", lesapparences, sans prétendre décrire la réalité ultime.

Cela veut dire qu'il lui faut décrire leschoses telles qu'elles nous apparaissent , les décrire pour nous , hommes.

Les sciences sont donc faites par les hommes pour les hommes.

Pierre Duhem développe une théorie qu'onpourrait dire "instrumentaliste" de la science : la science, grâce à ses descriptions, devientun instrument de prédiction pour les hommes (prédiction d'éclipse, simulation de l'évolutionpossible de l'univers, prédiction de l'évolution d'une maladie, etc.).

III. Le risque scientifique : nécessité d'une éthique scientifique Les sciences ne rendent donc pas l'homme égal aux dieux, car elles ne permettent pas. »

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