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Le semblable et le prochain : Dois-je respecter autrui ?

Publié le 12/01/2004

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Cette prudence dans l'usage de mon respect peut ainsi acquérir en elle-même une certaine valeur, si elle s'accompagne de discernement, et si je réserve mon respect à ce qui est véritablement (moralement) respectable.b) Du même ordre sont les distinctions que recommande Pascal dans les Discours sur la condition des grands. Il y a différentes sortes de respects. Des « respects d'établissement » que nous devons à certaines fonctions ou à certaines dignités, parce qu'elles sont ainsi établies parmi les hommes ; c'est ainsi que j'assure de mon respect le ministre ou le supérieur auquel j'adresse une lettre. Et des « respects naturels qui consistent dans l'estime » : ainsi j'estimerai un honnête homme. Mais il y aurait injustice à ce que je rende à l'évêque, parce qu'il est évêque, le respect que je dois à un saint.En ce sens, il y a un devoir de discernement et de justice dans la distribution du respect : mais ce n'est pas un devoir de respect.II - L'être respectable en tout hommea) Nous avons vu que le juste respect présuppose une distinction des points de vue : en tel homme, je respecte la fonction dont il est investi, en tel autre, l'honnêteté. Pour que je respecte tout homme, il faut, semble-t-il, que je fasse abstraction tant de sa position que de sa conduite. Mais que reste-t-il alors ?

« III - Les ambiguïtés du respect a) Le respect d'autrui est efficace en ce qu'il convainc autrui de sa dignité.

Mais encore faut-il qu'autrui puisse sereconnaître en l'homme que je respecte et que je vise en lui.

Paradoxalement, la personne singulière d'autrui peut sesentir méprisée par le respect que je porte en lui à un homme qu'il perçoit comme étant au-delà de lui.

De plus, dansle respect d'autrui, ne s'agit-il pas souvent du respect de moi-même ? Si je refuse d'employer contre le scélérat lesmoyens du scélérat, de mentir au menteur, de trahir le traître, de torturer le bourreau, est-ce parce que je respecteautrui, c'est-à-dire l'homme en lui, ou est-ce parce que je ne veux pas me commettre avec lui, lui devenir identique? En ce sens, le respect de l'homme en autrui est identique avec le refus de prendre autrui tel qu'il est pour modèle,il est aussi une vertu de la distance et un devoir envers soi. b) Pour que le respect de l'homme en autrui ne soit pas aussi un mépris de l'individu réel en lui, il faut que j'aieégalement conscience de ce qui me sépare de ce que j'ai à être : il faut donc que j'humilie en moi-même maprésomption, et que je prenne conscience de ma fragilité.

C'est le sens du respect comme sentiment moral, c'est-à-dire comme humiliation de ma sensibilité devant la loi. Conclusion Le respect comme devoir a un double sens : d'une part, il doit tendre à conserver ou à susciter en autrui le respectqu'il se porte, et ce n'est pas respecter autrui que de le respecter en l'humiliant ou en le désespérant.

D'autre part,il me commande de ne pas traiter autrui simplement comme moyen de mes fins : il est donc directement rattaché àla loi morale, et il détermine ma conduite. CITATIONS: « Une personne est ce sujet dont les actions sont susceptibles d'imputation.

» Kant, Doctrine du droit, 1797.« Les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parceque leur nature les désigne déjà comme des fins en soi.

» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785. « L'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyendont telle ou telle volonté puisse user à son gré.

» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785. Respecter l'autre, c'est m'interdire de l'utiliser comme un simple moyen pour parvenir à mes fins.

Je ne respectel'autre qu'en tant que je respecte en lui la nature raisonnable de l'humanité, qui est à elle-même sa propre fin. « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autretoujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.

» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785. « Il appartient à la culture, à la pensée comme conscience que l'individu prend sous la forme de l'universel, que jesois saisi comme personne universelle : en celle-ci tous sont identiques.

L'homme a cette valeur parce qu'il esthomme, non parce qu'il est juif, catholique, protestant, allemand, italien, etc.

» Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1821. Tout sujet a droit à être reconnu, au-delà de la communauté nationale, politique ou religieuse à laquelle il appartient, comme personne universelle. « Dans la mesure où chacun est reconnu comme une essence libre, il est une personne.

C'est pourquoi le principedu droit peut s'énoncer aussi de cette manière : chacun doit être traité par autrui comme une personne.

» Hegel, Propédeutique philosophique, 1840 (posth.) « Personne n'est mon semblable, ma chair n'est pas leur chair, ni ma pensée leur pensée.

» Max Stirner, L'Unique et sa propriété, 1845.C'est sur le constat du caractère unique de chaque individu que repose l'individualisme agressif de Stirner.

Nul nepeut partager mes pensées, mes joies, mes souffrances ; l'autre est d'abord celui qui n'est pas moi, celui quidemeure irréductiblement étranger à moi-même. « Autrui, [...] c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi.

» Sartre, L'Être et le Néant, 1943. « Autrui, en tant qu'autrui, n'est pas seulement un alter ego.

Il est ce que moi je ne suis pas : il est le faible alorsque moi je suis le fort; il est le pauvre, il est "la veuve et l'orphelin".

» Levinas, De l'existence à l'existant, 1947.. »

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