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La raison évolue-t-elle ?

Publié le 09/02/2004

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Pourquoi une rupture radicale ? Parce qu'on ne détruit pas les erreurs une à une facilement. Elles sont solidaires, coordonnées. L'erreur n'est pas simple privation ou manque, elle est une forme de connaissance. L'esprit scientifique ne peut, selon une formule de BACHELARD, « se former qu'en se réformant », cad en détruisant l'esprit non scientifique. D'emblée, l'esprit scientifique est contraire à l'opinion, cad à la connaissance commune. Fondée sur notre perception immédiate des choses ou sur l'ouï-dire, liée à notre tendance à ne retenir des choses que ce qui est utile à la vie, l'opinion est incertaine. Elle ne peut donc qu'entraver la recherche de la vérité et le scientifique ne doit pas se contenter de la rectifier sur des points particuliers, il doit la détruire : « La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. s'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

« savoir poser des problèmes.

Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes.

»Même une connaissance acquise par un effort scientifique n'est pas définitive et doit être questionnée.

Desmanières de poser les questions, des habitudes intellectuelles qui furent utiles et saines à une époque, à un momentde l'évolution de l'esprit scientifique, peuvent, à la longue, entraver la recherche.

L'acquis ou ce qu'on croit acquispeut être un facteur d'inertie pour l'esprit.En fait, les crises de croissance de la pensée impliquent une refonte totale du système de savoir.

Il suffit, pour s'enconvaincre, de citer par exemple : le passage de la théorie mécanique de Newton, qui était, pourtant, bien assise, àla théorie de la relativité qui remit tout en cause et qui suscita des questions qu'on ne pouvait même pas imagineravant.

La théorie de Newton était un système bien homogène, qui avait permis d'unifier les lois planétaires de Képleret la loi de la chute des corps de Galilée en expliquant le trajet elliptique des planètes autour du soleil comme unechute indéfiniment retardée.

Cette théorie rendait compte de phénomènes divers, comme la variation de lapesanteur selon la latitude, ou encore le mouvement des marées.

Or , c'est précisément ce pouvoir d'unification etd'explication qui peut séduire le savant et arrêter son questionnement.

L'esprit scientifique exige donc le doutel'anxiété, le refus de toute certitude : « Préciser, rectifier, diversifier, ce sont là des types de pensées dynamiquesqui s'évadent de la certitude et de l'unité et qui trouvent dans les systèmes homogènes plus d'obstacles qued'impulsions.

»Si donc l'homme animé par l'esprit scientifique désire savoir, c'est pour mieux interroger aussitôt.

En fait, toutethéorie scientifique qui règne longtemps finit par le devenir trop familière et se charge d'un concept psychologiquetrop lourd.

Autrement dit, elle amasse trop d'images, de métaphores, et perd peu à peu « son vecteur d'abstraction,sa fine pointe abstraite ».BACHELARD débusque « les obstacles épistémologiques », autrement dit, tout ce qui fait obstacle à la formation etau développement de l'esprit scientifique : l'expérience immédiate, la connaissance générale, le recours à desimages, la volonté de rechercher un principe d'explication unique (connaissance unitaire et pragmatique), lasubstantialisation (qui consiste à attribuer à un même objet des qualités occultes et intimes : on parla, par exemple,de la vertu « dormitive » de l'opium), l'animisme (par exemple comparer la terre au corps humain, ou appliquer le concept de maladie aux objets matériels), la libido (sexualisation latente dans d'immenses domaines de la recherche,en particulier dans la pharmacopée du XVIII ième et dans les recherches électriques de la mêmes époque).Le dernier obstacle, le plus inattendu et même le plus paradoxal, est celui de la connaissance quantitative.Inattendu et paradoxal, car on oppose généralement la connaissance qualitative (connaissance pré-scientifique) àla connaissance quantitative (connaissance scientifique).

Il faut, dit BACHELARD, « réfléchir pour mesurer et nonmesurer pour réfléchir » et donc se méfier des « précisions exceptionnelles » qui « prétendent épuiser d'un seul coupla détermination quantitative » d'un objet.

Ce qui compte avant tout, ce sont les relations des objets entre eux.

Or,lorsqu'elles sont nombreuses, l'approximation est une nécessité méthodologique.Dire que « en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir », cela signifie que lavérité n'est pas donnée, qu'elle se construit à partir d'erreurs, qu'elle requiert des ruptures permanentes avec lesavoir déjà acquis, mais aussi avec des manières de penser, qu'elle exige même une réforme de l'esprit, une véritablecatharsis : il s'agit d'épurer l'esprit de ses images, de ses fantasmes, de ses complaisances pour l'intuition première.La vocation scientifique exige un renoncement complet à tout ce qui est de l'ordre de la subjectivité humaine. Le mérite de BACHELARD, c'est d'avoir montré la positivité de l'erreur, d'avoir souligné fortement que le vrai nes'oppose pas au faux, comme la lumière aux ténèbres.

La science ne peut progresser que sur fond de crise.

Tout cequi est décisif ne naît que malgré ou contre.

La raison doit refuser toute prétendue vérité définitive, toute maturitéintellectuelle qui ne sont que des obstacles sur la voie de la connaissance.

Crises, subversions, mutations, tels sontles maîtres mots de l'épistémologie bachalardienne qui est la réponse adéquate à la révolution einsteinienne enphysique.. »

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