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Le sentiment de la liberté

Publié le 17/02/2004

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Mais j'aurais eu un zéro. En fait, s'il est vrai que « jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation allemande » (Sartre), l'obéissance passive est le gage de la non-liberté. B) On me dit, on me dicte une décision que je devais prendre. Je ne réfléchis pas, je n'arrive pas à repenser : on m'impose d'entrer comme aide-comptable aux établissements Duchemin et Cie. Je pourrais me révolter (L'Homme révolté doit être une de vos lectures favorites !) - protester, discuter - mais non : je me laisse faire. Je cède à la volonté d'autrui. J'aliène ma liberté. Je suis dans une attitude absolument passive. C) Eh bien, précisément, il n'y a point de contrainte dans la passivité : la volonté, l'aboulie, l'apathie sont des états privatifs, ou plutôt négatifs. Ils ne veulent rien dire, ils ne sont rien.

« qui allait de pair avec une morale du second degré ; de même pour le sage spinoziste, seule la connaissance dutroisième genre pouvait garantir la vraie liberté.

Je me sens libre lorsque, ayant rompu toute espèce de rapport avecla vie en société, m'étant enfermé seul avec moi-même, par la méthode réflexive — mieux encore, m'étant enquelque sorte dépassé moi-même, me plaçant au-dessus et comme au-delà de moi-même, je crée une oeuvre dontj'aurai l'impression véritable qu'elle sera authentiquement de moi (et non mienne).

Elle représente mon être et nonpas mon avoir. DEUXIÈME PARTIE : LA CONSCIENCE DE LA CONTRAINTE A) Expérience courante des disciplines scolaires, sociales, familiales : je suis forcé d'assister à mon examen.

En unsens j'étais libre de ne pas y venir.

Mais j'aurais eu un zéro.

En fait, s'il est vrai que « jamais nous n'avons été aussilibres que sous l'occupation allemande » (Sartre), l'obéissance passive est le gage de la non-liberté. B) On me dit, on me dicte une décision que je devais prendre.

Je ne réfléchis pas, je n'arrive pas à repenser : onm'impose d'entrer comme aide-comptable aux établissements Duchemin et Cie.

Je pourrais me révolter (L'Hommerévolté doit être une de vos lectures favorites !) — protester, discuter — mais non : je me laisse faire.

Je cède à lavolonté d'autrui.

J'aliène ma liberté.

Je suis dans une attitude absolument passive. C) Eh bien, précisément, il n'y a point de contrainte dans la passivité : la volonté, l'aboulie, l'apathie sont des étatsprivatifs, ou plutôt négatifs.

Ils ne veulent rien dire, ils ne sont rien.Et pour Malebranche, penser à rien, c'est proprement ne rien penser.

Lorsque je me laisse glisser vers une décisionprise par un autre, lorsque je me décide par autosuggestion, il n'y a pas véritablement le sentiment de n'être paslibre.

Il y aurait plutôt carence de sentiment ; absence totale du moindre sentiment.

En revanche dans le sentimentque j'éprouve à tenter de peindre, et dans l'insuccès complet de mon entreprise, je ressens cette sorte d'obligationqui est à l'origine de la non-liberté.

Je suis lié.

Je suis coincé par l'échec.

J'essaye de faire mieux, et je fais pire :mon esquisse est devenue lavasse, mon aquarelle est une mare boueuse, ma « croûte » est devenue « je ne saisquoi d'informe et qui n'a pas de nom ».

Ici il y a vraiment limite de ma liberté. TROISIÈME PARTIE : VALEUR A) Il est d'une banalité évidente de dire que la conscience de la liberté est ce qui caractérise l'homme même, leSage, le Héros et le Saint ; ces « consciences qui comptent » pour parler comme Rauh — sont en effet ceux qui ontle plus souvent éprouvé le sentiment d'être libres.

La création ne saurait donc se faire sans cette conscience de lapleine responsabilité de ses actes.

M.

Sartre a insisté avec force sur cette attitude : l'homme se sent absolumentlibre, mais aussi seul, responsable, « injustifiable et sans excuse ».

L'homme libre agit avec le maximum de densitéde son être.

Bergson le disait déjà et Platon avant lui : « xun holê tê psykè », avec l'âme tout entière, Plus l'acteest libre, plus sa valeur est grande.

L'acte libre est comme la libération de ce moi profond qui n'agira qu'une ou deuxfois peut-être dans toute une vie ; ainsi Plotin avouait-il n'avoir vu que deux ou trois fois l'UN, et Porphyre nousconte-t-il qu'il avait eu l'extase mystique une seule fois.

De même pour Spinoza : « Omnia praeclara tam difficiliaquam rara sunt » (Éthique V, in fine). B) Mais le sentiment de la contrainte est beaucoup plus enrichissant encore que celui de la liberté.

Car sentir seslimites, c'est vraiment progresser.

La conscience de l'échec peut être un breuvage amer mais tonique pour laconscience, sentir l'obstacle c'est déjà commencer à le surmonter.

La conscience de l'échec pour l'échec, lemasochisme du névrosé, la mauvaise foi du perpétuel vaincu sont autant de tentatives infructueuses ou stériles.Mais les essais et les erreurs peuvent donner à l'homme le désir du progrès.

Se sentir dépassé, c'est vouloirsurpasser.

Se laisser limiter, c'est vouloir l'emporter sur le vainqueur provisoire.

La contemplation de sa libertécréatrice ne laisse pas de manifester une morne passivité.

L'homme arrivé n'est jamais très sûr d'être déjà parti.

Ilcroit le plus souvent qu'il n'est encore pas mûr.

Tandis que l'homme libre se complaît dans sa liberté déjà perdue,l'homme enchaîné aspire à la liberté et se force à l'attention.

L'échec est dynamogénique.

La liberté pure est inertie.Ainsi l'échec manifeste-t-il un pouvoir infini, il regorge de « volonté de puissance », de désir de mieux faire, d'élanvers le progrès.

La liberté est comme un don que l'on a obtenu, une grâce que l'on possède fugitivement.

Et sapossession est le commencement même de sa perdition. C) Il reste que Léonard n'était jamais conscient d'avoir bien fait, tandis que Paul Bourget était enchanté de sonoeuvre.

Mais le sentiment de son libre arbitre n'est au fond guère plus sûr que la conscience de l'échec.

Le refustrompe.

Les limites affolent.

L'angoisse étreint le coeur du recalé, et plus encore du quasi-évincé.

Ne sommes-nouspoint, d'ailleurs, tous candidats à des échecs éventuels, à des refus, à des insuccès futurs ? La déception aigrit, sila contrainte enivre.

Sans doute le contraint est-il surexcité, et le libéré plus exalté encore : mais l'ivresse estambiguë, et l'on ne peut jamais compter pleinement sur elle.Ce qui semble le sentiment le plus valable, ce sera moins le sentiment d'avoir été ou d'être libre dans l'immédiat,dans l'instant présent, mais bien plutôt la conscience de le devoir être.

Le participe futur latin rend excellemmentcette nuance « destiné à », « sur le point de » car il faudrait toujours pouvoir agir en étant sûr que l'action nousengagera tout entier, qu'elle sera la plus réussie de notre existence.

Alors, mais alors seulement, la conscience de laliberté sera fructueuse et utilisable.

Mais le sentiment sera moins alors le sens du réel, du présent, du donné, quecelui du possible, du futur contingent, du potentiel.

N'avions-nous point déjà dit que la liberté était une conquête ? «Se sentir libre» n'est pas «être libre». »

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