Les sentiments naturels de l'hommes sont-ils pour la moralité un auxiliaire ou un obstacle
Publié le 20/03/2004
Extrait du document
«
II.
— DISCUSSION ET RÉPONSE PROPOSÉE.
A.
Discussion. — a) La théorie de Kant frappe par son caractère paradoxal, et, comme tout paradoxe, contient une importante vérité accompagnée de grossières erreurs.L'affirmation kantienne peut être admise du mérite.
Celui-ci, en effet, est proportionnel à l'effort vers le bien; parsuite, tout ce qui facilite l'accomplissement du devoir entraîne une diminution de mérite et constitue un obstacle parrapport à lui, tandis que toute difficulté devient un auxiliaire.Mais elle ne peut être admise de la moralité.
Nous avons défini celle-ci : la conformité avec l'idéal.
Conformité dequoi ? de la volonté, sans doute, mais aussi de l'homme tout entier.
Il faut que toutes les puissances, les puissancesaffectives comme les autres, se portent vers le bien; les puissances intellectives et volontaires doivent donc tendreà orienter les puissances sensibles elles-mêmes vers lui.
D'ailleurs, la volonté nue, si elle n'est pas un pur être deraison, sera bien faible sans l'impulsion du sentiment.b) Au contraire, le sens commun avance une réponse que le philosophe juge, comme à l'ordinaire, bien simpliste : s'ilvoit la vérité en gros, les nuances lui échappent, et surtout il justifie bien mal ses opinions.C'est vrai, en définitive, les bons sentiments constituent des auxiliaires pour la moralité; les mauvais sentiments, desobstacles.Mais le sens commun ne voit pas la part de vérité de la thèse contraire : le naturalisme qui menace celui quis'abandonne aux sentiments qui le portent vers le devoir ; la vertu de celui qui ne fait son devoir qu 'en luttantcontre ses sentiments naturels.
Il est surtout hypnotisé par la matérialité de l'action morale et ne voit pasl'importance prédominante de l'intention : l'essentiel n'est pas de faire matériellement son devoir, mais de le vouloir.
B.
Réponse proposée. — a) D'après ce qui précède, il ne nous semble pas qu'on puisse accorder aux sentiments une valeur absolue : des sentiments catalogués « bons » peuvent devenir un obstacle et de sentiments contraires nouspouvons faire un auxiliaire.
Mais il ne s'ensuit pas qu'on puisse les tenir pour indifférents, et, à la question posée ence qui concerne les sentiments qui portent au devoir, nous répondrons qu'ils constituent l'auxiliaire normal de lamoralité : c'est exceptionnellement qu'ils deviennent l'obstacle que sont normalement les sentiments contraires; entout cas, il est bien évident que l'idéal de la vie morale est un état dans lequel notre âme ne sera pas partagée dansla recherche du bien et se portera vers lui avec ses sentiments aussi bien qu'avec sa volonté.
b) Aussi, après avoir répondu à la lettre de la question posée, nous aurons recours à un autre terme et dirons que,pour l'être que nous sommes, les sentiments naturels constituent un élément de la moralité :— non pas, évidemment, l'unique élément, ni même l'élément essentiel, qui est le vouloir;— mais néanmoins un élément intégrant, faute duquel l'intégralité de la moralité n'est pas atteinte.Pour atteindre la perfection morale, il ne suffit pas que la volonté se conforme à l'idéal : cette conformité doits'étendre à toutes les puissances de l'homme.
Par suite, quiconque doit encore lutter contre ses sentiments naturelspour faire son devoir est sur la voie de la perfection morale, mais il n'y est pas encore parvenu.
CONCLUSION. — Nous terminerons par le mot célèbre de PLATON : c'est « avec toute son âme » qu'il faut aller, non seulement au vrai, mais à plus forte raison au bien.
On peut d'ailleurs se demander si la volonté, dont larectitude est la constitutive essentielle de la moralité, est autre chose que l'information par la raison de tendanceset de sentiments irrationnels.
Les difficultés au milieu desquelles nous venons de nous débattre tiennent peut-être àce que nous ne considérions que des abstractions.
Elles tombent ou s'éclairent quand on retrouve l'homme concret..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Les sentiments naturels de l'homme sont-ils pour la moralité un auxiliaire ou un obstacle ?
- Les differences culturelles peuvent elles etre un obstacle a la paix entre les hommes
- Ce qui, assurément, est le mieux pour la cité, ce n'est ni la guerre extérieure ni la discorde interne, - et c'est une chose détestable de devoir en passer par là - ; mais ce qui est le mieux, c'est la paix entre les hommes associée à une bienveillance mutuelle des sentiments.
- Si la culture a établi le commandement de ne pas tuer le voisin que l'on hait, qui nous fait obstacle et dont on convoite les biens, cela fut manifestement dans l'intérêt de la vie en commun des hommes qui, autrement, serait impraticable.
- Discutez cette pensée de Joubert et vérifiez-la par des exemples empruntés à la littérature des trois derniers siècles : « Les écrivains qui ont de l'influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres sentent, et qui réveillent dans les esprits les idées ou les sentiments qui tendaient à éclore. » ?