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Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement

Publié le 28/02/2004

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C'est elle qui rend la reproduction (et donc la perpétuation de l'espèce) possible. Sans la mort, il n'y aurait pas de vie. « La croyance à la nécessité interne de la mort n'est peut-être qu'une de ces nombreuses illusions que nous nous sommes créées pour nous rendre "supportable le fardeau de l'existence". « Freud, Essais de psychanalyse, 1923. « Familiarise-toi avec l'idée que la mort n'est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation; or, la mort est privation de toute sensibilité. « Épicure, Lettre à Ménécée, ive s. av. J.-C. « Celui des maux qui fait le plus frémir n'est rien pour nous, puisque tant que nous existons, la mort n'est pas, et que, quand la mort est là, nous ne sommes plus.

Nous n'avons qu'un rapport indirect à la mort : nous voyons des êtres qui meurent, nous savons que nous avons été précédés par des êtres qui sont morts. C'est pourquoi nous ne pouvons pas regarder la mort en face. Le seul moyen de le faire serait de mourir, ce qui anéantirait notre expérience de la mort (expérience trop riche). De même, nous ne pouvons regarder le soleil en face : la lumière est trop vive, ce qui anéantit notre vision. Nous n'avons du soleil (comme de la mort) qu'un rapport indirect, car la lumière, si elle sert à éclairer, peut aussi aveugler (cf. l'allégorie de la caverne dans la République, VII de Platon). Faites apparaître l'analogie contenue dans le sujet :

vie      mort vision  soleil

C'est un même rapport qui unit les deux concepts, dans chacun des deux cas : un rapport indirect.

« La mort n'est rien pour nous. La métaphysique matérialiste d'Epicure va lui permettre de délivrer l'humanitéd'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort.

Les hommes ontpeur de la mort.

Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le sautdans l'absolument inconnu.

Ils ne savent pas ce qui les attend et craignentconfusément que des souffrances terribles ne leur soient infligées, peut-êtreen punition de leurs actes terrestres.

Les chrétiens, par exemple, imaginerontque quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dansles flammes de l'enfer.

La peur de la mort a partie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.

De plus, si toutdans l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtresvivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons, ce nesont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notrecorps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade),puis en tous.

Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort,« la mort n'est rien pour nous ».

Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âmepourrait survivre après la mort du corps, ont tort.

Car l'âme elle-même estfaite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'unagrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même,selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation, de pensée et de mouvement, alorsque le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absence desensation. » En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source detoute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d' Epicure comme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition des sensations, il ne peuty avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la penséeindividuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.

» Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie estune affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. L'insouciance se motive-t-elle suffisamment de notre impossibilité à s'imaginer être rendu au néant ? L'inexpériencedirecte de la mort autorise-t-elle cependant l'homme à se désintéresser de la vie ? Y aurait-il là une justification dudivertissement ?Non, car si ma mort ne peut être vécue directement, elle me frappe cependant déjà par la disparition de mesproches.

Autrui, mort, est le visage de mon attente à venir.

Du coup, le divertissement ne saurait être une solutionà l'existence humaine.

L'homme peut s'intéresser autant à la question de sa plénitude et ne la considérer que pourelle-même, ainsi que l'amour pour autrui le conduit, lorsque ce dernier meurt, à méditer (indirectement) son proprenéant.À l'instar de Gilgamesh pleurant la disparition de son ami Enkidu, « Devrai-je mourir moi aussi ? Ne me faudra-t-il pasressembler à Enkidu ? », la mort affligeante du compagnon qui se décompose sous ses yeux est aspiration àl'immortalité.

Elle induit fortement l'idée d'une vie qui est à retrouver dans sa vérité : « L'angoisse m'est entrée auventre ! C'est par peur de la mort que je cours la steppe ! Mais je vais tirer chemin et partir sans tarder rejoindreUta-napisti [...] qui [...] a obtenu la vie sans fin » (Trad.

J.

Bottero, l'Épopée de Gilgamesh, 1992, pp.

156-159,Gallimard).

Cette même méditation de la mort, conduira Montaigne à la méditation de la liberté : « Qui a appris àmourir, a désappris à servir » (Essais, I, Livre L ch.

19). « Philosopher c'est apprendre à mourir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. Montaigne prône ici la « pré-méditation » de la mort.

Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il faut. »

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