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Les souvenirs sont-ils fiables ?

Publié le 27/02/2004

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En outre, du fait de leur éloignement dans le temps, certains souvenirs sont fatalement déformés par notre mémoire. Reconstruction du passé ? - Pour avoir une idée juste de la nature d'un souvenir qui serait une pure reconstruction du passé, nous n'avons qu'à songer aux reconstitutions de l'archéologue ou de l'historien. Du passé qu'ils tâchent de faire revivre, ils n'ont aucun souvenir véritable, puisqu'ils ne l'ont pas vécu : sans doute, ils le connaissent par les livres et par leurs recherches antérieures, mais ce savoir est un souvenir de leurs lectures, non du passé lui-même; de plus, les documents que lit l'historien du XXe siècle pour connaître la vie du Moyen Age prennent un sens, d'après des expériences personnelles faites, non pas évidemment il y a sept ou huit siècles, mais il y a quelques semaines ou quelques années. Dans cette reconstruction du passé il n'entre donc aucun véritable souvenir du passé; elle est faite d'éléments qui ne sont pas des souvenirs - par exemple, les documents - ou qui n'appartiennent pas au passé qu'on reconstitue - par exemple, l'image d'un marché ou d'un mouvement de foule. Nous avons là une pure reconstruction du passé sans que rien réapparaisse du passé lui-même. On le voit, le souvenir n'est pas une pure reconstruction du passé; il n'y a pas de souvenir véritable sans le retour à la conscience d'une impression remontant au passé évoqué; en d'autres termes, le souvenir comporte une certaine réapparition du passé. D'après les usages et d'après les souvenirs de témoins, je puis reconstituer les cérémonies du baptême qui me fut administré le lendemain de ma naissance ou d'une autre scène à laquelle j'assistai, mais dont ma mémoire n'a conservé aucune trace : je ne puis pas dire que je m'en souviens. [] Une mauvaise mémoire peut ; nous empêcher de nous rappeler avec exactitude ce que nous avons vécu. L'on peut inconsciemment, en sélectionnant les bons souvenirs et en refoulant les mauvais, se créer une image idéalisée du passé.
La mémoire ne joue pas avec les souvenirs. Elle conserve les choses telles que nous les avons réellement vécues, sans les déformer. Mais, la mémoire tend à oublier ou à déformer les souvenirs du fait de leur éloignement. Elle peut aussi arranger le passé de manière à nous satisfaire.

« La mémoire a tendance à idéaliser le passé.

Comme elle est sélective, elle tend à oublier les mauvais momentspour ne retenir que les bons.

Elle est ainsi susceptible de jeter une lumière idéale sur des moments de notreexistence et nous les faire apparaître comme plus heureux qu'ils ne l'ont réellement été.

La mémoirereconstitue ainsi le passé à notre avantage. La mémoire censure ou déformeLa mémoire ne retient pas systématiquement les événements importants.

Elle peut, comme Freud l'a montré,refouler certains souvenirs dérangeants.

Sans être forcément névrosé, chacun a des souvenirs dont il préfèrene pas se rappeler.

En outre, du fait de leur éloignement dans le temps, certains souvenirs sont fatalementdéformés par notre mémoire. Reconstruction du passé ? — Pour avoir une idée juste de la nature d'un souvenir qui serait une pure reconstruction du passé, nous n'avons qu'à songer aux reconstitutions de l'archéologue ou de l'historien.

Dupassé qu'ils tâchent de faire revivre, ils n'ont aucun souvenir véritable, puisqu'ils ne l'ont pas vécu : sansdoute, ils le connaissent par les livres et par leurs recherches antérieures, mais ce savoir est un souvenir deleurs lectures, non du passé lui-même; de plus, les documents que lit l'historien du XXe siècle pour connaîtrela vie du Moyen Age prennent un sens, d'après des expériences personnelles faites, non pas évidemment il y asept ou huit siècles, mais il y a quelques semaines ou quelques années.

Dans cette reconstruction du passé iln'entre donc aucun véritable souvenir du passé; elle est faite d'éléments qui ne sont pas des souvenirs — parexemple, les documents — ou qui n'appartiennent pas au passé qu'on reconstitue — par exemple, l'image d'unmarché ou d'un mouvement de foule.

Nous avons là une pure reconstruction du passé sans que rienréapparaisse du passé lui-même. On le voit, le souvenir n'est pas une pure reconstruction du passé; il n'y a pas de souvenir véritable sans leretour à la conscience d'une impression remontant au passé évoqué; en d'autres termes, le souvenir comporteune certaine réapparition du passé.

D'après les usages et d'après les souvenirs de témoins, je puisreconstituer les cérémonies du baptême qui me fut administré le lendemain de ma naissance ou d'une autrescène à laquelle j'assistai, mais dont ma mémoire n'a conservé aucune trace : je ne puis pas dire que je m'ensouviens. Une mauvaise mémoire peut ; nous empêcher de nous rappeler avec exactitude ce que nous avons vécu.

L'onpeut inconsciemment, en sélectionnant les bons souvenirs et en refoulant les mauvais, se créer une imageidéalisée du passé.

Mais il est aussi rare, sauf dans des cas pathologiques, que nous déformions nossouvenirs, que nous déformions nos sensations.

Les «ratés» de la mémoire proviennent plutôt de l'oubli ou dela confusion des données mémorielles que d'une mauvaise perception de la réalité passée.

Les souvenirsconstituent donc par eux-mêmes un donné brut, fixé une fois pour toutes, et c'est le travail de la consciencequi les restitue tels quels ou au contraire les trie, les modifie, les déforme ou les embellit. Réapparition du passé dans une reconstruction. — Faisant la synthèse des deux thèses antithétiques que nous venons de formuler, nous dirons que le souvenir est une réapparition du passé dans une reconstructionmentale. a) La mémoire suppose d'abord une reconstruction, et on peut prendre ce mot au sens concret comme ausens abstrait.

Il n'y a pas de mémoire sans une construction au sens concret, c'est-à-dire sans un édificepermanent, sans cadres dans lesquels et par rapport auxquels viennent se situer les représentations.

Sansces cadres, il nous serait impossible de situer nos souvenirs dans le passé et même de penser le passé commepassé, en d'autres termes d'avoir de véritables souvenirs.

Ces cadres ne sont pas le passé, mais unereconstruction schématique du passé que, pour la plus grande part, nous recevons toute faite de notre milieusocial, ainsi que l'a montré Halbwachs.Mais pour situer dans ces cadres un souvenir particulier comme mon premier voyage à Paris, j'ai besoin aussid'une reconstruction au sens abstrait du mot : cet événement n'étant pas de ceux qui me servent de point derepère et entrent comme élément dans les cadres permanents de la mémoire, je dois, à l'intérieur de cescadres et m'appuyant sur eux, procéder à une reconstruction, reconstruire ce passé évanoui.

D'ailleurs, lessouvenirs plus importants eux-mêmes ne sont pas évoqués sans une insertion dans leur cadre et cetteinsertion est une reconstruction inconsciente. b) Toutefois, ainsi que nous l'avons dit, une pure reconstruction peut nous faire connaître avec certitude unévénement de notre passé : nous ne pouvons en avoir un souvenir véritable sans une réapparition de cepassé lui-même.

Mais qu'est-ce qui réapparaît de notre passé ? Suivant le cas et surtout suivant lestempéraments, des images ou des sentiments.. »

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