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LA STRUCTURE DES CARACTÈRES ET DES PERSONNAGES DANS LA COMEDIE HUMAINE DE BALZAC

Publié le 01/07/2011

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En 1842, Balzac fit paraître chez Furne, la première édition de ses Œuvres Complètes sous le titre de Comédie Humaine. On croirait volontiers qu'il lui avait été suggéré, au début de 1835, par un jeune anglais, Henry Reeve, auquel il avait exposé le plan de son futur ouvrage. « Si Balzac a besoin d'un titre pour ce grand travail, qui, lit-on dans les Memoirs and Correspondance de celui-là, doit-atteindre quarante grands in-octavo, je me permettrai de suggérer la parodie de la Divine Comédie de Dante car cette moderne « commedia « est tutta diabolica — la Diabolique Comédie du sieur de Balzac «. D'après Ferdinand de Gramont, un ami de Balzac, ce fut Auguste de Belloy, autre ami et secrétaire bénévole du grand écrivain, qui, revenant d'Italie en 1841, tout imprégné d'admiration pour la Divine Comédie, proposa ce titre général de Comédie Humaine, par opposition à la trilogie de Dante.

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« artiste-peintre, Théodore de Sommervieux ; un grand seigneur, le comte de Fontaine ; un grand magistrat, le comtede Granville ; une grande dame du Faubourg Saint-Germain en plusieurs modèles, etc., sont des types individualisés,croqués de la sorte dans leurs gestes, leur mise, leurs tics, leur cadre.

Les graveurs du temps illustraient ainsi leslivraisons de La Mode : Balzac se fait l'historien des choses et des hommes après les avoir curieusement explorés :ses yeux captent avec soin ce qui échappe à d'autres, moins fureteurs ou moins furtifs.

« Ces femmes, dira la petiteLouise de Chaulieu en parlant de sa tante, la Princesse de Vaurémont, emportent avec elles certains secrets quipeignent leur époque ».

Il s'agit en l'occurrence de « l'inimitable mouvement qu'elle donnait à ses jupes en seplongeant dans sa bergère.

Elle avait aussi certains airs de tête, une manière de jeter ses mots, ses regards...

»Un beau matin de 1833, une idée quittant enfin sa forme larvée, jaillit lumineuse.

Balzac la vit si belle, si grosse depromesses pour le développement fabuleux de son œuvre à venir, même pour le perfectionnement de son œuvrepassée, qu'il fut impatient de faire partager son émotion et sa joie.

Il se précipite chez sa sœur Laure Surville, saconfidente de toujours, qui doit l'écouter séance tenante : « Je serai un homme de génie », lui crie-t-il.

Sestâtonnements avaient opéré leur trouée.

Il venait de découvrir enfin le mécanisme qui assurerait le mouvementuniversel et vital de toute La Comédie Humaine : c'était le retour systématique des mêmes personnages à traverstous les romans.

Bien qu'on puisse en constater auparavant quelques très rares et timides essais, c'est dans Le PèreGoriot, qu'il fut appliqué pour la première fois, en septembre 1834.

C'était une trouvaille sans pareille.

Sainte-Beuvemanquant pour une fois de jugement et de perspicacité, la railla dans une chronique de la Revue des Deux Mondes,Ier novembre 1838, la traitant d'« idée fausse et contraire au mystère qui s'attache toujours au roman ».

Qued'effets son inventeur a su tirer de cet admirable mécanisme ! Quand un personnage déjà connu intervient dans unroman, il est riche de tout un passé : il complique l'intrigue de toutes les ressources, de toutes les puissances dontson caractère a fait preuve ailleurs.

Sous peine de manquer de logique, sous peine d'offenser la réalité, le romancierdoit tenir compte de ces événements antérieurs pour maintenir le héros dans la ligne de son tempérament et de sescomportements.

Avant tout il doit les avoir déjà simultanément rassemblés dans sa mémoire et présents à l'esprit.Quelle grandiose faculté cela suppose quand on songe à cette foule — plus de deux mille personnages ! Balzacconcevait un orgueil de cette fécondité, monstruosité nécessaire qu'il osait comparer à la puissance divine.

« Créer,toujours créer ! Dieu n'a créé que pendant six jours ! » confiait-il à Mme Hanska.

Son imagination débordante allaitêtre contenue par ce procédé.

Il ne serait plus nécessaire de multiplier les aventures, d'exposer les antécédents, depréparer les incidents, de motiver les coups du sort : une apparition toute seule y suffirait.

Chaque personnageentrant en scène, se présente devant nous comme une vieille connaissance, oserons-nous dire, dont nous pouvonsaugurer le destin.

Marsay, Trailles, Tillet, Vautrin, Rastignac, Nucingen, et tous les autres ! l'un de ceux-là n'a qu'àse mêler à l'action romanesque et nous attendons l'audace nouvelle dont il est capable.

Nous sommes attendrisquand se montrent Mme de Beauséant, la comtesse d'Aiglemont ; leurs malheurs nous ont déjà touchés.

L'un oul'autre des personnages balzaciens n'a qu'à paraître, lancer un mot, faire un geste, nos souvenirs se réveillent.

Nousvoici attentifs.

L'intérêt de l'intrigue se double de notre participation, qui rentre dans des combinaisons sous-jacentes entrevues ailleurs.

Quelles ressources cette permanence dramatique mettait à la disposition du talent !Nous devons aux pages de très pénétrante analyse que M.

Maurice Bardèche consacre, dans Balzac romancier, àcet enrichissement artistique, d'en mieux comprendre et la profondeur et la portée.

« Balzac crée de toutes pièces une sorte de perspective romanesque par des procédés qui lui sont propres, en donnant un lendemain ou uneprésence continue aux histoires qu'il raconte et en faisant de ses personnages imaginaires des personnages qui nousappartiennent aussi bien qu'à lui et dont nous devenons les témoins ».

Et encore : « Il a donné une importancepositive aux périodes pendant lesquelles son personnage n'apparaît pas.

Des omissions calculées, des périodesd'obscurité ou d'absence lui servent ensuite à opposer avec plus de relief deux profils choisis à des momentsdifférents ».

L'image de ces personnages s'accuse, se dégage pleinement au fur et à mesure que le destin d'unchacun sculpte, sur le visage ou dans la silhouette, à coups de misères, de grandeurs, de vertus, de crimes, ousimplement de bourgeoises niaiseries, les stigmates vulgaires ou les traits de noblesse.

Ainsi cette juxtaposition deplusieurs portraits forme du même personnage, « pris à des époques différentes, « une image virtuelle » qui n'existedans aucun des portraits particuliers et qui est la véritable image du personnage ».

Cette technique nouvelle,poursuit M.

Maurice Bardèche, « permettait à Balzac de donner à chaque personnage, non plus une image unique etéphémère, mais une image véritable et vivante à travers toute son œuvre.

Il venait d'inventer ce qui n'a étéretrouvé depuis que par Marcel Proust, la « troisième dimension » des personnages imaginaires ».Les balzaciens connaissent bien le Répertoire de la Comédie Humaine par Cerfberr et Christophe.

Cet ouvrage, vrairegistre, reproduit par ordre alphabétique une fiche bio-bibliographique pour chacun des deux mille personnages,d'après les romans où chacun d'eux passe et repasse.

Les dates, les détails brièvement circonstanciés confèrent aucurriculum vitae l'allure d'une destinée qui efface par des pièces probantes l'idée de fiction, y substitue une valeurhistorique.

En maniant ces documents, on se remémore la carrière du figurant qui nous intéresse, on parcourt leszones sociales où il évolua.

On note également les caractères généraux de l'homme universel qui persistent,transparaissent sous toutes les apparences accidentelles, diversifiées par les milieux.Mais un balzacien s'attache davantage à ce qui reste pour lui la seule humanité.

A partir du jour où les proportionsde son œuvre, anticipant sur ses efforts, dressent devant Balzac l'immense tableau de la Civilisation Française auXIXe siècle, il ne s'agit plus pour lui de composer un roman et puis un autre roman, mais de lancer dans les espacesune planète nouvelle, un autre monde dont il sera le Père, qu'il dotera d'une force dilatante.

Il s'inspirera, bien sûr,des mœurs et des coutumes qui se pratiquent sur la Terre.

Non seulement il rêve de « faire concurrence à l'état civil», mais au système planétaire tout entier, si bien qu'on peut formuler les principales lois, même organiques, quirèglent la marche de l'univers balzacien, en régissent les différents règnes.

Une telle pensée, substance de l'œuvretout entière, ne peut se circonscrire, elle s'élargit avec elle suivant le principe de Spinoza, puisque la carrière dechaque être traduit la force agissante de la substance mère.

L'on ne s'étonne plus que la réalité romanesque poseun écran devant les réalités authentiques et qu'elle absorbe toute la vitalité du créateur.

Il est absent de tout cequi est contingent à son œuvre, de tout ce qui pour les autres est le plus nécessaire et le plus solide.

Lui, en estimela présence importune car elle dérange le plan de sa création.

Il la repousse.

Qu'on se rappelle cette interruption. »

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