Devoir de Philosophie

Subjectivité ou objectivité des valeurs ?

Publié le 11/02/2004

Extrait du document

L'expérience que nous faisons de la valeur est tout au contraire l'expérience d'un ordre spécifique qui existe sans nous et qui nous dépasse. L'artiste n'a pas l'impression d'inventer le beau mais bien de chercher à l'atteindre et de ne jamais y parvenir (Flaubert, dans sa Correspondance, exprime souvent son désespoir de ne pas parvenir à réaliser son idéal esthétique). De même, la vérité n'est pas l'utilité, mais exige pour être reconnue une sorte d'ascèse, un dépouillement de notre subjectivité, de nos intérêts et de nos passions.A la réflexion, il ne nous semble donc pas légitime de parler d'une «précarité» des valeurs. Ce qui est précaire, c'est ma docilité à la valeur, mon courage pour la soutenir. Ce qui est précaire, c'est mon témoignage et non la valeur dont je suis le témoin. Alquié écrit très justement : «Ceux qui meurent pour la justice savent bien que ceux qui les tuent peuvent tout dans le domaine de l'existence, changer la direction de l'histoire, couvrir le monde de crimes mais qu'ils ne peuvent rien contre la justice elle-même puisqu'il ne dépend pas d'eux que ce qui est injuste devienne juste.» 4° Mais si la valeur dépasse l'individu, n'est-ce pas tout simplement parce qu'elle est l'expression de la conscience collective? Pour Durkheim, si les valeurs nous dépassent, si elles s'imposent à nous avec une autorité souveraine, c'est qu'elles émanent de la Société, dont la pression s'exerce sur les consciences individuelles. Les valeurs économiques sont objectives au même titre que les valeurs spirituelles parce qu'elles dépendent des conditions générales du marché et non de caprices individuels : «Personnellement, je puis n'attacher aux bijoux aucun prix, leur valeur n'en reste pas moins ce qu'elle est au moment considéré.

« critère de valeur.

Leur jugement ne juge qu'eux-mêmes, et bien loin d'être la mesure du vrai, du beau et du bien,révèle seulement la médiocrité de leur goût ou leur absence d'éducation'.

Comme le dit Brehier : «Loin que nossentiments déterminent les valeurs supérieures, ce sont elles qui serviront de mesure pour définir la sensibilitéesthétique ou la délicatesse morale.» Et Brehier ajoute, en termes kantiens : «Le lien entre le désir et la valeur estsynthétique ; la valeur implique que le désir doit exister, non qu'il existe en fait.» Si le subjectivisme est logiqueavec lui-même, il aboutit inévitablement à la conclusion que toutes les valeurs se valent : «A chacun sa vérité» et«A chacun sa valeur».

De telles formules sont en faitcelles du scepticisme et le subjectivisme axiologique n'est qu'un nihilisme axiologique.L'expérience que nous faisons de la valeur est tout au contraire l'expérience d'un ordre spécifique qui existe sansnous et qui nous dépasse.

L'artiste n'a pas l'impression d'inventer le beau mais bien de chercher à l'atteindre et dene jamais y parvenir (Flaubert, dans sa Correspondance, exprime souvent son désespoir de ne pas parvenir à réaliserson idéal esthétique).

De même, la vérité n'est pas l'utilité, mais exige pour être reconnue une sorte d'ascèse, undépouillement de notre subjectivité, de nos intérêts et de nos passions.A la réflexion, il ne nous semble donc pas légitime de parler d'une «précarité» des valeurs.

Ce qui est précaire, c'estma docilité à la valeur, mon courage pour la soutenir.

Ce qui est précaire, c'est mon témoignage et non la valeurdont je suis le témoin.

Alquié écrit très justement : «Ceux qui meurent pour la justice savent bien que ceux qui lestuent peuvent tout dans le domaine de l'existence, changer la direction de l'histoire, couvrir le monde de crimes maisqu'ils ne peuvent rien contre la justice elle-même puisqu'il ne dépend pas d'eux que ce qui est injuste deviennejuste.» 4° Mais si la valeur dépasse l'individu, n'est-ce pas tout simplement parce qu'elle est l'expression de la consciencecollective? Pour Durkheim, si les valeurs nous dépassent, si elles s'imposent à nous avec une autorité souveraine,c'est qu'elles émanent de la Société, dont la pression s'exerce sur les consciences individuelles.

Les valeurséconomiques sont objectives au même titre que les valeurs spirituelles parce qu'elles dépendent des conditionsgénérales du marché et non de caprices individuels : «Personnellement, je puis n'attacher aux bijoux aucun prix, leurvaleur n'en reste pas moins ce qu'elle est au moment considéré.

»Cependant, la théorie de Durkheim mérite les mêmes critiques que la théorie subjectiviste.

Au vrai, Durkheim secontente d'élargir le subjectivisme à la dimension de ces grands sujets collectifs que sont les groupes sociaux.

Maisles valeurs spirituelles transcendent les besoins collectifs particuliers à tel ou tel groupe.

Les valeurs spirituelles sontdes valeurs universelles en droit qui dépassent le consentement collectif de tel groupe social au même titre qu'ellesdépassent le jugement individuel.

La valeur demeure ce qu'elle est alors même que la collectivité l'ignore ou labafoue.

Au Moyen Age, tout le monde croyait que la terre était au centre du monde.

Cette croyance, pour êtrecollective, n'en était pas moins fausse.

Une non-valeur ne devient pas valeur parce qu'elle est commune à tous lesmembres d'un groupe.

Si les oeuvres maîtresses de l'art, si les grandes initiatives morales finissent par êtrereconnues dans la collectivité, il n'en reste pas moins que d'ordinaire, pendant de longues années, elles nerencontrent l'approbation que d'une élite.

Les grandes découvertes morales ou esthétiques font scandale et loind'exprimer le consensus social entrent en lutte avec les préjugés collectifs.Ni les désirs de l'individu, ni les tendances de la collectivité ne sauraient créer de valeur spirituelle.

Nous noussommes efforcés de le montrer tout au long de cet ouvrage, tant à propos des problèmes de l'art qu'à propos deceux de la morale : réduire les valeurs à des faits psychiques et sociaux, expliquer l'acte moral ou l'oeuvre d'art àpartir du plaisir, ou d'un désir refoulé, ou de considérations économiques, c'est nier la valeur en tant que telle.

Lepsychologue et le sociologue le savent bien car, en ce qui les concerne, ils refusent de laisser expliquer leurspropres jugements psychologiques ou sociologiques à partir de leurs passions ou de l'éducation reçue, ou de la«déformation professionnelle ».

Le psychologue soustrait implicitement le jugement psychologique aux initiatives«réductrices» de sa propre science.

Il estime que la psychologie «vaut» absolument, sans quoi il se condamnerait ausilence.

Et l'imprudent qui dirait qu'il,n'y a pas de valeur estimerait au moins valable le jugement par lequel il l'affirme.Il faut le reconnaître avec Lagneau : explicitement ou implicitement, «l'affirmation fondamentale de toute pensée estcelle de la valeur».

La transcendance de la valeur, tel le cogito de Descartes, est un «résidu» inexpugnablequ'aucune «réduction» sceptique ne saurait évacuer.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles