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Technique et asservissement de la nature ?

Publié le 14/03/2004

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Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté. La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition. D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance. Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ». « Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé [...] » La nature ne se contemple plus, elle se domine. Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.
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« et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait lamétaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce qui relèvedu corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux àdes machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La« philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, jecrois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher. » La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but. Heidegger : la technique moderne, provocation monstrueuse desénergies naturelles Trois siècles plus tard, Heidegger (1889-1976) écrit, à l'inverse, que latechnique moderne constitue une «provocation» par laquelle la natureest comme mise en demeure de livrer une énergie qui puisse êtreextraite et accumulée.Une centrale électrique, écrit-il, est mise en place sur le Rhin.

«Elle lesomme de livrer sa pression hydraulique, laquelle somme à son tour lesturbines de tourner» («La question de la technique», in Essais etconférences, 1954).

Le fleuve «apparaît, lui aussi, comme quelque chosede commis.

La centrale n'est pas construite dans le courant du Rhincomme le vieux pont de bois qui, depuis des siècles, unit une rive àl'autre.

C'est bien plutôt le fleuve qui est muré dans la centrale» (ibid.). 1.

Le projet cartésienPour Heidegger, l'ère moderne réalise le projet cartésien de maîtrise etde domination de la nature.

Elle est l'ère où se manifeste dans toute sonampleur la technique, la mobilisation de toutes les forces en vue d'uneexploitation.

Toute la nature est devenue, non plus objet decontemplation ou de pensée, mais un fonds exploitable et calculable, ycompris l'homme lui-même qui n'en est que le gérant.

Ainsi, le Rhin, dontle poète savait dire le mystère, n'est plus qu'une énergie électrique potentielle, qu'une source d'énergiesommée de se livrer (La Question de la technique). 2.

La signification de la techniqueCette description du monde technique n'est pas, pour Heidegger, l'occasion de s'inquiéter pour l'homme, ausens où il le croirait menacé par des catastrophes, mais de diagnostiquer un nouveau rapport de l'homme àl'Être qui s'annonce.

D'une part, l'étant, l'ensemble de ce qui est, est sommé de se livrer sous une formecalculable (ainsi, le scientifique questionne tel ou tel phénomène pour en obtenir une maîtrise mathématique) ;d'autre part, l'homme lui-même est sommé d'étendre sa main ordonnatrice, de tout planifier et soumettre à sescalculs.

Le danger de la technique est l'illusion qu'elle suscite chez l'homme de pouvoir se rencontrer lui-mêmedans ce qui est, et donc de ne jamais pouvoir exister authentiquement. Le développement accéléré et envahissant de la technique dans le monde moderne oblige à repenser lesrapports que l'homme entretient avec elle : primitivement instrument de l'homme, la technique semble en effeten passe de faire de l'homme son instrument.

Aussi est-ce au moyen de se libérer de la technique tout enl'utilisant que nous invite à réfléchir Heidegger. « Nous pouvons utiliser les objets techniques et nous en servir normalement, mais en même temps, nous enlibérer, de sorte qu'à tout moment nous conservions nos distances à leur égard.

Nous pouvons faire usage desobjets techniques comme il faut qu'on en use.

Mais nous pouvons, du même coup, les laisser à eux-mêmescomme ne nous atteignant pas dans ce que nous avons de plus intime et de plus propre.

Nous pouvons dire"oui" à l'emploi indispensable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire "non", en ce sensque nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement de vider notre être.Mais si nous disons ainsi à la fois "oui" et "non" aux objets techniques, notre rapport au monde technique nedevient-il pas ambigu et incertain ? Tout au contraire.

Notre rapport au monde technique devient, d'une façon. »

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