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Qu'est ce qu'un témoignage ?

Publié le 27/02/2008

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A la lumière de cette tentative de définition, de cette approche du concept de témoignage, une pluralité des questions peuvent surgir. Un témoignage est un acte dont nous avons vu qu'il pouvait avoir une importance considérable dans une procédure juridique : mais sur quoi se fonde l'autorité du témoignage, sa capacité à être conçu comme l'expression d'une vérité ? Par ailleurs, nous pouvons nous demander si la vérité est un caractère intrinsèque et déterminant pour définir le témoignage. En effet, le témoignage d'un vécu intérieur par le sujet est-il une traduction exacte du sentiment de ce dernier ou au contraire une modification qui fait du témoignage une forme de discours fictif ? Nous étudierons successivement le témoignage juridique et le témoignage sentimental, en nous demandant quelle est la part de vérité dans ces différents témoignages, avant de voir que par témoignage, nous entendons moins un discours ou une expression qui a la qualité de la vérité mais plutôt de la fiction. La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si un témoignage est une transcription de la vérité ou un type de discours fictif.

« II.

Le témoignage artistique, expression de la vérité ou transfiguration de celle-ci ? a.

Le témoignage prétend à la valeur de vérité Mais qu'en est-il si nous abandonnons le témoignage juridique pour nous intéresser au témoignage artistique ou, plusgénéralement, sentimental ? Par témoignage juridique ou sentimental, nous entendons la transcription d'unsentiment intérieur du sujet par des moyens variés : on peut témoigner, c'est-à-dire, rendre public, exprimer,extérioriser, de ce que l'on ressent au moyen du langage, mais aussi de bruits (un cri témoigne d'une douleurviolente) ou de gestes.

Quelle que soit la nature matérielle du témoignage, il demeure qu'il prétend à la valeur devérité.

Par exemple, celui qui écrit un poème désespéré (« les chants désespérés sont les chants les plus beaux »disait Musset) considèrera son œuvre comme un témoignage de la coloration passagère de sa propre intériorité (ou,autrement dit, l'expression de ses sentiments à un moment donné) sinon de sa propre qualité individuelle (celui quicrée donne à autrui un témoignage de ce qu'il est, de ses capacités artistiques).

Il semble donc que le témoignageest un discours composé de matières indifférentes en elles mêmes, prétendant à la valeur de vérité. b.

Le témoignage est une transfiguration plus ou moins consciente de la vérité Cependant, une telle thèse peut nous apparaître pour le moins douteuse, et c'est l'art du comédien que nousprendrons pour exemple pour le démontrer.

En effet, Diderot montre fort bien dans Paradoxe sur le comédien qu'il existe une capacité propre à l'homme de théâtre de faire accroire aux spectateurs qu'il est actuellement affecté desentiments variés (joie, colère, haine…) ce dont il témoigne par les différentes composantes de son jeu (ton de lavoix, expressions du visage, mouvements…).

Ainsi, pour Diderot, l'acteur n'est pas celui qui ressent effectivementquelque chose sur la scène, mais qui en amont de la représentation, a suffisamment réfléchi à son rôle, observé sescontemporains, pour imiter les témoignages sincères de sentiments qu'il n'éprouve pas : [...] Mais le point important, sur lequel nous avons des opinions tout à fait opposées, votre auteur et moi, ce sontles qualités premières d'un grand comédien.

Moi, je lui veux beaucoup de jugement ; il me faut dans cet homme unspectateur froid et tranquille ; j'en exige, par conséquent, de la pénétration et nulle sensibilité, l'art de tout imiter,ou, ce qui revient au même, une égale aptitude à toutes sortes de caractères et de rôles. [...] Si le comédien était sensible, de bonne foi lui serait-il permis de jouer deux fois de suite un même rôle avec lamême chaleur et le même succès ? Très chaud à la première représentation, il serait épuisé et froid comme unmarbre à la troisième.

Au lieu qu'imitateur attentif et disciple réfléchi de la nature, la première fois qu'il seprésentera sur la scène sous le nom d'Auguste, de Cinna, d'Orosmane, d'Agamemnon, de Mahomet, copisterigoureux de lui-même ou de ses études, et observateur continu de nos sensations, son jeu, loin de s'affaiblir, sefortifiera des réflexions nouvelles qu'il aura recueillies ; il s'exaltera ou se tempérera, et vous en serez de plus enplus satisfait.

S'il est lui quand il joue, comment cessera-t-il d'être lui ? S'il veut cesser d'être lui, comment saisira-t-il le point juste auquel il faut qu'il se place et s'arrête ? [...] Diderot (Denis), Paradoxe sur le comédien, Paris,Garnier-Flammarion, 1987. Nous dirons donc que pas plus que le témoignage juridique, le témoignage sentimental ou artistique ne sauraitprétendre à une valeur intrinsèque de vérité.

Le témoignage n'est pas un discours qui nécessairement dit le vrai,mais qui peut faire accroire qu'il déclare quelque chose de vrai alors qu'il n'est qu'une tromperie, comme le montrel'exemple de l'art du comédien.

III. Le témoignage est une modalité du discours fictif a.

Un témoignage est moins l'expression de la vérité qu'un discours prétendant à la valeur de vérité Sur la base de ces analyses, nous répondrons donc à la question que nous avons énoncée aux propylées de cetravail : un témoignage est-il une transcription de la vérité ou un type de discours fictif ? A la lumière de ce quenous avons vu précédemment, nous pouvons avancer que le témoignage est moins l'expression même de la véritéqu'un discours prétendant à la valeur de vérité.

En effet, le témoignage, juridique ou sentimental, se présente. »

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