Devoir de Philosophie

TEXTE Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la Médecine expérimentales

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

claude bernard
TEXTE Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la Médecine expérimentales S'il fallait définir la vie d'un seul mot, qui, en exprimant bien ma pensée, mît en relief le seul caractère qui, suivant moi, distingue nettement la science biologique, je dirais: la vie, c'est la création. En effet, l'organisme créé est une machine qui fonctionne nécessairement en vertu des propriétés physico-chimiques de ses éléments constituants. Nous distinguons aujourd'hui trois ordres de propriétés manifestées dans les phénomènes des êtres vivants: propriétés physiques, propriétés chimiques et propriétés vitales. Cette dernière dénomination de propriété vitale n'est, elle-même, que provisoire; car nous appelons vitales les propriétés organiques que nous n'avons encore pu réduire à des considérations physico-chimiques; mais il n'est pas douteux qu'on y arrivera un jour. De sorte que ce qui caractérise la machine vivante, ce n'est pas la nature de ses propriétés physico-chimiques, si complexes qu'elles soient, mais bien la création d'une machine qui se développe sous nos yeux dans les conditions qui lui sont propres et d'après une idée définie qui exprime la nature de l'être vivant et l'essence même de la vie.

Claude Bernard (1813-1878) est un des fondateurs de la physiologie moderne. Sa particularité est de refuser à la fois la conception vitaliste, qui considère l’organisme comme un lieu de forces vitales indéterminées, mais également une conception qui le réduit seulement à des éléments déterminés de façon mécanique par des propriétés physico-chimiques. Ce texte est représentatif de cette position originale, rigoureuse d’un point de vue scientifique, car fidèle à une conception où les lois physiques et chimiques sont capitales, mais consciente de l’importance de la notion de création pour la biologie. Quelle est en effet la particularité de la biologie au sein des sciences ? Si c’est le concept de vie comme création qui la distingue, comment penser ce dernier tout en faisant place à une rigueur scientifique ?

 

claude bernard

« sont des « propriétés physico-chimiques ».

Une propriété est ce qui définit « en propre » un élément par rapport à d'autres, ce qui lui donne sa spécificité.

Cette thèse semble à première vue placer l'auteur dans un courant de pensée spécifique qui conçoit l'organisme comme un ensemble réductible à des propriétésconcrètes.

Claude Bernard ne fait pas de place à une âme immatérielle au sein du corps vivant créé.

Il semblese placer d'un point de vue matérialiste, voire mécaniste. L'adverbe « nécessairement » est ici important car il souligne que ces propriétés physico-chimiques ne peuvent pas ne pas être , c'est-à-dire qu'elles déterminent la vie de l'organisme intégralement et que, sans elles, l'organisme créé n'est plus organisme, devient un ensemble non-vivant.

Dans quelle mesure ? Cette thèsese rattache à ce que nous avons dit du verbe « constituer ».

Les propriétés physico-chimiques définissent unélément au sein de l'organisme.

Cet élément participe de l‘organisme entier au sens où il le conditionne (« envertu de »).

Les propriétés physico-chimiques des éléments conditionnent donc l'organisme. Nous pourrions ajouter ici le fait que pour que ces propriétés jouent un tel rôle constituant, il faut quechaque élément soit mis en relation avec les autres.

Les propriétés dont parle Bernard impliquent donc desrelations définissables en termes de lois que s'efforce de trouver la biologie, tout comme elle recherche despropriétés. L'auteur ne parle pourtant pas ici de ces lois et s'arrête sur cette question des propriétés.

La biologies'occupe en effet de déterminer quelles sont les propriétés des organismes vivants.

Nous voyons ici commentBernard arrive à faire dériver l'idée de propriété de celle de création : l'organisme créé est organisé.

Seséléments sont organisés en vertu de propriétés spécifiques.

Si la biologie s'intéresse à la vie comme création,elle doit ainsi s'occuper de définir les propriétés des éléments de l'organisme vivant. Cette première définition de l'organisme créé relève en tout cas d'un certain positivisme, c'est-à-dire d'uneattitude qui refuse de prêter une valeur à des énoncés qui n'ont pas encore été vérifiés par la science saméthode expérimentale.

On désigne également cette conception par le terme de scientisme.

Or un paradoxe surgit ici.

L'auteur distingue en effet trois types de propriétés constitutives de l'organismevivant.

Le pronom « nous » souligne qu'il s'agit d'une répartition communément admise par les biologistes et lesphilosophes qui pensent la biologie.

Ces propriétés sont « les propriétés physiques, les propriétés chimiques etles propriétés vitales ».

Le paradoxe est dès lors le suivant.

Nous avons identifié les éléments en vertu depropriété matérielles, physiques et chimiques, analysables par les sciences correspondantes, et nous avons vuque c'est à travers ces propriétés matérielles que l'organisme fonctionnait comme organisme vivant.

Il est doncétrange de rajouter une propriété vitale alors que la vie est elle-même assurée par les deux autres types depropriétés.

Rajouter un principe vital, c'est en quelque sorte confondre la cause et l'effet et faire procéder lavie d'elle-même.

C'est pour cette raison que l'auteur affirme que ce que l'on appelle propriétés vitales est enfait réductible aux propriétés physico-chimiques.

Si cette confusion est ici écartée, Claude Bernard en explicitecependant les raisons.

Ce qui nous conduit en effet à voir des propriétés vitales là où il s'agit de propriétésphysico-chimiques qui seules rendent la vie possible c'est le fait que « nous appelons vitales les propriétésorganiques que nous n'avons encore pu réduire à des considérations physico-chimiques ».

Par là, l'auteursignifie que c'est notre ignorance en la matière qui nous conduit à invoquer un soi-disant principe vital,indéterminé scientifiquement, pour expliquer le fonctionnement de notre organisme.

Il y aurait donc une formed'illusion, voire de superstition, dans le fait d'évoquer de telles propriétés vitales. Ce passage constitue en fait une critique serrée d'une conception courante à l'époque où écrit l'auteur et quise nomme vitalisme et auquel le pronom « nous » renvoie (Bernard vise ici une communauté de personnes sans vraiment s'y inclure).

Les tenants de cette conception, dont le plus connu est, à l'époque de ClaudeBernard, Georg E.

Stahl (il y a également Bergson mais Bernard n'a pas connu son œuvre), affirment que la vieest irréductible à des relations physico-chimiques.

Ils recourent ainsi à la notion de « force vitale », différentede celle de la matière.

Pour Claude Bernard, cette conception naît d'une ignorance qui nous fait invoquer une force non matérielle là où nous ne connaissons pas encore les propriétés matérielles des éléments.

Ici semanifeste particulièrement le positivisme de l'auteur. Claude Bernard nous livre t'il pour autant une conception mécaniste de la vie ? L'expression « machinevivante » pourrait nous le faire croire.

De même, la définition de l'organisme créé donnée plus haut ainsi que lerejet du vitalisme tendrait à nous faire penser que Bernard partage cette conception.

Pourtant, la fin du texteapporte une ouverture étonnante, où l'auteur semble d'abord se contredire. Ainsi affirme t'il que « ce n'est pas la nature de ses propriétés physico-chimiques, si complexes qu'ellessoient, » qui définit l'organisme, alors que plus haut il a écrit que « l'organisme créé est une machine quifonctionne nécessairement en vertu des propriétés physico-chimiques de ses éléments constituants.

» Pour résoudre ce paradoxe, il faut comprendre que dire que les propriétés des éléments définissent l'organisme, n'équivaut pas à dire qu'elles le font fonctionner , comme il est affirmé plus haut.

Les propriétés ne peuvent en effet faire fonctionner l'organisme qu'en vertu d'une « idée définie » propre à l'organisme et « quiexprime la nature de l'être vivant et l'essence même de la vie.

» Il s'agit donc de voir que les propriétés des éléments constituants ne fonctionnent que par rapport à un tout,à un principe supérieur qui est la forme spécifique de l'organisme.

La vie n'est pas l'effet des relations entre les. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles