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Les théories simplifient-elles l'expérience ?

Publié le 16/01/2004

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1. Non, les théories ne simplifient pas l'expérience A. L'expérience précède toute élaboration théorique.Ce qui se donne d'abord à nous, c'est l'expérience brute. Quand nous voyons tomber un objet, nous ne voyons pas d'abord s'exercer la force gravitationnelle. Dans l'observation de ce très banal phénomène, ce qui nous apparaît en premier lieu et immédiatement, c'est la simplicité de la chute de l'objet. Il tombe simplement, et pour tenir compte de ce fait, si je me trouve par exemple sur le trajet de sa chute et que je dois m'en écarter pour éviter qu'il ne me blesse, je n'ai pas besoin de calculer l'énergie cinétique qu'il est susceptible d'acquérir dans son accélération vers le sol. Bien au contraire, un tel recours, inopportun, à la théorie, entraverait mon action et rendrait plus complexe ma situation. Cela est d'autant plus vrai en ce qui concerne les phénomènes pour l'explication desquels plusieurs théories sont en concurrence: entrer par exemple dans la polémique de la nature de la lumière (ondulatoire ou corpusculaire), pour savoir si un objet est translucide ou non, n'est d'aucune utilité. B.

Les théories scientifiques rendent-elles plus compréhensible l'expérience que nous avons de l'univers ?

« 2.

Oui, les théories simplifient l'expérience. A.

Simplifier, c'est aussi réduire à des éléments simples, ce qui suppose une analyse que les théoriesproduisent préalablement. L'expérience immédiate que nous avons du monde consiste en une observation unitaire et globale d'un ensemble dephénomènes qui peuvent s'avérer multiples et complexes par l'analyse.

Ainsi, lorsque nous saupoudrons de sel unecertaine quantité d'eau, l'expérience immédiate ne nous enseigne qu'un seul fait, à savoir que l'eau aura, aprèscette opération, changé de goût.

Et nous ne connaissons pas alors les raisons de ce changement.

Seule uneréflexion théorique s'attachant à analyser l'ensemble des corps en présence et leur interaction entre eux et avec lemilieu peut nous apprendre que la nature de la solution a changé par la séparation du chlorure de sodium en ionschlorures et ions sodiums.

Le travail de définition de ses objets que se doit de produire au préalable toute théorieest un travail d'analyse, de séparation, et en définitive de simplification, c'est-à-dire de réduction aux élémentssimples. B.

L'expérimentation est une expérience simplifiée dans la mesure où elle est épurée. À l'égard de l'expérience comprise comme expérimentation scientifique, ce travail de simplification est poussé àl'extrême.

L'expérience scientifique est en effet une construction entièrement ordonnée par la théorie.

Elle consisteà produire artificiellement un phénomène en prenant bien soin que tous les paramètres qui entrent en jeu soientdéfinis, cernés et parfaitement caractérisés par la théorie.

Ainsi les objets que l'expérience scientifique met enprésence sont-ils épurés, débarrassés de tout élément perturbateur et n'entrant pas dans le protocole expérimental.C'est pour souligner ce fait important, pour comprendre la nature de l'expérience scientifique, que Bachelard, dans Le Nouvel Esprit scientifique, rappelle qu'il n'y a rien de commun entre la ciredu laborantin et celle de l'apiculteur.

Pour le premier, il doit s'agir d'un corpscomplexe analysé de part en part en ses simples composants au senschimique du terme, c'est-à-dire en corps purs.

Pour le second, la cire est uncorps brut, simple et homogène.

En d'autres termes, l'expérience communeest simple dans le sens où elle reste aveugle à la complexité de ses objets;l'expérimentation scientifique, en tant qu'elle est entièrement dépendante dela théorie, qu'elle est une invention de la théorie, revêt un caractère desimplicité bien différente: elle est simple en ce qu'elle tente d'éliminer toutélément non défini en poussant l'analyse de manière à obtenir une parfaitetransparence et intelligibilité des objets qu'elle considère et manipule. C.

Les théories ont pour but de produire une explication la plus simpleet la plus intelligible possible des phénomènes. La fonction même des théories est de produire une explication desphénomènes rencontrés dans l'expérience.

Cette explication est orientée dansle sens d'un maximum de simplicité.

L'expérience commune nous enseigne quele soleil se lève chaque matin et qu'il parcourt le ciel d'est en ouest endécrivant un arc de cercle.

D'après ce constat, l'énoncé le plus simple pourdécrire ce phénomène semble être le suivant: le Soleil tourne autour de laTerre.

Cependant, la théorie nous enseigne, à l'inverse, un modèle héliocentrique dans lequel c'est la Terre quitourne sur elle-même et autour du Soleil.

Cette théorisation du phénomène peut nous sembler de prime abord pluscomplexe, moins évidente que ce que l'expérience naïve nous a laissé penser.

Mais à la réflexion, et toutel'ambiguïté du terme «simple» se révèle par là même à nous, le modèle héliocentrique n'est pas, à proprement parler,plus vrai qu'un modèle géocentré: il est seulement plus simple.

Il suffit pour s'en convaincre de tenter de construireun schéma des positions relatives de deux planètes, Mars et la Terre par exemple, et du Soleil.

Dans un modèlehéliocentrique, le Soleil est au centre comme point d'origine du référentiel et les autres astres décrivent autour delui des ellipses dont on peut donner relativement facilement l'équation, alors qu'un modèle géocentré valable (c'est-à-dire qui rend compte effectivement des phénomènes observés) proposera un schéma dans lequel le Soleil et Marsdécriront autour de la Terre des courbes extrêmement complexes et beaucoup moins aisées à mettre en équations. Transition. On peut dire en ce sens que les théories simplifient l'expérience, c'est-à-dire qu'elles donnent une description desphénomènes qui est à la fois la plus exhaustive possible et la plus simple possible dans le cadre de cetteexhaustivité.

Il existe, en effet, un principe de simplicité qui préside à l'élaboration des théories et qui fait qu'entredeux théories, rendant compte avec le même degré de précision du même phénomène, on considère toujours que lameilleure (ou «la plus élégante») est celle qui est la plus simple, c'est-à-dire celle qui comporte le moins deparamètres et le moins d'inconnues.

Les théories, et c'est là leur fonction, rendent plus intelligible l'expérience, etquiconque a acquis la connaissance d'une certaine théorie valide concernant une classe de phénomènes sera àmême de les comprendre plus objectivement, c'est-à-dire avec une plus grande exactitude, une plus grandecohérence et un plus haut niveau de détail.

Cependant, dans cette objectivation, les théories laissent de côté lecaractère proprement subjectif de l'expérience la plus commune.. »

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