Devoir de Philosophie

Tocqueville: Le conformisme est-il une absence de liberté ?

Publié le 16/03/2006

Extrait du document

tocqueville
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre, il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? [...] Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige.

L'observation de tendances dominantes de la vie politique américaine naissante conduit à un paradoxe : la démocratie n'est pas, par elle-même, l'opposé de l'oppression. Il y aurait une certaine naïveté à accorder un crédit absolu à la société démocratique, croyant que, tant qu'elle existe, tout risque d'atteinte aux libertés est écarté. Cet optimisme repose sur l'illusion qui consiste à croire que l'oppression suppose nécessairement un oppresseur et que l'absence de rébellion est toujours un consentement lucide et responsable.  La vigilance demande une analyse plus rigoureuse. Les modèles classiques de la tyrannie et du despotisme ne permettent pas d'épuiser la compréhension de toutes les formes d'atteintes aux libertés.

tocqueville

« l'on facilite ses plaisirs? —, il ne se réfère à aucune idéologie.Cette neutralité et cette « douceur » sont cependant le moyen d'une forme de violence très réelle.

Sans éclat, cepouvoir s'oppose à l'autonomie au moins possible de chacun : la dépendance qu'il instaure n'est pas médiatrice ; elleest à elle-même sa propre fin ; elle ne conduit vers aucune liberté à venir.

Tout au contraire, elle ôte même lesmoyens de s'opposer : le pouvoir n'est pas reconnu comme tel par les individus qui forment des mondes clos; nonidentifié, il ne peut être ni légitimé ni contesté.La mort du politique, la mort des idéologies, l'individualisme qui en est la source seraient donc les vraies menacescontre la liberté. L'égalisation des conditions, « fait générateur » de la société démocratique La démocratie se caractérise essentiellement par l'égalisation des conditions, tendance lourde de l'histoire.

Sur leplan juridique et politique, elle institue l'égalité de droit, abolit les privilèges et affirme le principe de l'égalite deschances.

Sur le plan social et économique, elle tend à l'égalisation des fortunes et à l'homogénéisation des classes.Cette dynamique est portée par une mentalité spécifique, « la passion de l'égalité », qui a pour composantes lajalousie à l'égard de ceux qui possèdent plus que soi, le désir de ressembler aux autres et l'exigence de l'instaurationde relations égalitaires entre les hommes. La tendance des démocraties au despotisme La « tyrannie de la majorité » : la majorité est censée incarner la volonté du peuple et peut donc légitimementimposer ses décisions à la minorité.

Elle risque d'abuser de son pouvoir, en opprimant la minorité.

Dans une sociétéégalitaire, l'opinion publique toute-puissante exerce un « empire moral » sur les hommes : par peur de ne pasressembler aux autres et convaincus qu'« il y a beaucoup plus de sagesse dans beaucoup d'hommes que dans unseul », ils se rallient à la pensée dominante.Le despotisme tutélaire : l'égalisation des conditions engendre l'atomisation du corps social et l'individualisme».

Lescitoyens désertent l'espace public et ne se soucient que de leur bien-être.

Ils abandonnent l'exercice de leur librearbitre, en confiant à un pouvoir unique et central le soin d'administrer leur vie, de réglementer leur pensée et leuraction pour garantir leur bonheur et leur sécurité.

Considérablement étendu et renforcé, l'État exerce une tutelleabsolue sur des citoyens complices. les remèdes au despotisme démocratique Pour éviter que l'État n'abuse de sa force, il faut décentraliser le pouvoir, en recréant les corps intermédiairessupprimés par la Révolution, auxquels sera déléguée l'administration des affaires locales et dont l'indépendance seragarantie par l'élection.

Il faut renforcer le pouvoir judiciaire et garantir son indépendance : le respect de la légalitéprotège les libertés individuelles contre les empiètements de l'État.

Les associations et la presse, véritables contre-pouvoirs à condition d'être libres, peuvent recréer un espace commun, permettant aux citoyens de se forger uneconscience politique et de participer à la vie publique.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles